Fête d'Ordre aux Hospitaliers Français (1841)
Le Tome 3 (1841) du journal Le Globe publie en deux parutions, en ses pp. 211-6 et 289-95, le Procès-verbal de la Fête d'Ordre du 28 janvier 1841 de la Loge Chapitrale Ecossaise des Hospitaliers Français.
L'histoire de la maçonnerie française se caractérise hélas par une consternante lutte d'hégémonie, pour la possession des droits sur le Rite écossais, entre le Grand Orient et les institutions écossaises.
Nous sommes ici à l'époque d'un épisode particulièrement aigu de ce conflit, où chaque camp annonce évidemment que son côté est celui du droit, de la justice et de la tolérance et proclame sa propre tolérance, sa bonne foi et sa fraternité avec tous les maçons dignes de ce titre, tout en fustigeant la volonté d'hégémonie, la cupidité et le déni de fraternité qu'il attribue à l'autre seul.
Cette fois-ci, c'est au tour des Ecossais de monter sur leurs grands chevaux et de se réunir entre vrais enfants de la Lumière (les faux, ce sont évidemment ... les autres).
Il faut dire que le Grand Orient venait de faire particulièrement fort, en rappelant, par sa circulaire du 19 octobre 1840, qu'il était le centre unique de la maçonnerie en France et en adressant au Grand Architecte de l'Univers des vœux pour qu'il daigne éclairer et ramener à lui des Frères égarés.
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L'ordre du jour des Hospitaliers Français appelait la Réfutation de cette circulaire par le frère L. Rétif de la Bretonne (qui venait, au cours de la même Tenue, d'être installé comme Vénérable). Ce qu'il fit très longuement, en n'hésitant à utiliser des termes insultants pour le Grand Orient.
La perfide conclusion de son discours en témoigne :
... l'Ecossais désire plus franchement que le Grand-Orient cette union, qu'on a toujours éludée dans le mot fusion ... le Franc-Maçon écossais comprend mieux que ses adversaires cette fraternité qu'on répudie, et cette paix qu'on sacrifie à un sot orgueil, à un vil intérêt. Oui, je le répète, à un vil intérêt, à une sotte vanité ; car, si dès aujourd'hui le Suprême-Conseil voulait abandonner ses prétentions et se fondre à jamais dans le Grand-Orient, demain cette puissance serait heureuse et fière de fraterniser avec nous, et plus heureuse encore de pouvoir donner essor à son ambition, et de trouver les moyens de grossir son tribut financier, en qui gît tout entier son amour fraternel, hors duquel et sans lequel il n'y a pas et ne saurait y avoir de salut.
Au cours des Travaux de Banquet, on entendit ensuite (p. 294) deux cantiques très symptomatiques du complexe de supériorité écossais :
le premier était du Frère Benezech, ex-Vénérable
Rétif de la Bretonne lui-même fit entendre le second, la Grande Famille, qui illustre bien le point de vue qu'il avait ainsi développé.