Couplet sur l'écossisme

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Ces pages (174 à 179 du Tome II des Annales maçonniques de Caillot - ce tome est accessible sur Google-Books, derrière le Tome I) constituent peut-être le premier témoignage chantant du virulent complexe de supériorité dont souffrent certains tenants de l'écossisme. Ce complexe (qui a fait, et fait encore, tant de mal à l'esprit de fraternité dans la Maçonnerie française), déjà très présent au XVIIIe siècle, allait rebondir et être méthodiquement entretenu dès l'installation en France, en 1804, du Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Intolérance maçonnique

Pour finir, cette Société se déchire elle-même en son for intérieur ; toute unité cesse. Ils se divisent en sectes qu'ils appellent des "systèmes". Ils s'accusent mutuellement d'hérésie, s'excommunient et renouvellent le jeu d'une Eglise qui se dit seule capable de rendre heureux.

Ces propos, tenus par Fichte en 1800 à la Royale York de Berlin, visaient, selon les commentaires de Patrick Négrier, d'une part la concurrence entre les multiples systèmes de Hauts Grades et d'autre part le système Fessler en 9 grades (Fessler était le Vénérable de la Royale York, avec lequel Fichte allait bientôt avoir un violent conflit qui entraînerait sa démission de la maçonnerie).

L'histoire ultérieure - et particulièrement celle des conflits résultant de l'intolérance réciproque entre le Grand Orient de France et le REAA - allait hélas en confirmer bientôt la prophétique pertinence ...

(source : Fichte, Entretiens sur la franc-maçonnerie, avec introductions et notes de Patrick Négrier ; Paris, Trédaniel, 1994 ; pp. 37-8)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COUPLET[S]

SUR L'ÉCOSSISME,

Chantés à la fête de la Saint-André 5806, par le Très Cher Frère Pigault-Maubaillarcq, Vénérable de la Respectable Loge Ecossaise de St.-Louis des Amis Réunis, à l'Orient de Calais.

Air de la pipe de tabac.

Frères réunis en ce Temple,
Que la joie brille dans nos cœurs, 
Des vrais Maçons suivant l'exemple, 
Couvrons l'Ecossisme de fleurs : 
Joyau de la Maçonnerie, 
Chaîne de la grande union, 
Chantons le pacte qui nous lie 
Avec le célèbre Hérédom.

Malgré le temps et ses ravages, 
l'Ecossais a vu son Soleil 
Percer les plus sombres nuages, 
Dans le plus brillant appareil ; 
C'est en vain qu'une erreur grossière 
Veut en obscurcir un rayon, 
Les vrais enfants de la lumière, 
Ce sont les enfants d’Hérédom.

Frères, sourions du délire 
Qui voulut vaincre sa clarté ; 
Le rit qu'il a voulu proscrire 
A droit à l'immortalité : 
Ces vains projets sont impossibles, 
Ils révoltent tout bon Maçon; 
Nous serons toujours invincibles, 
En combattant pour Hérédom.

Salut aux mânes vénérables 
De nos illustres fondateurs; 
Hommage aux frères respectables, 
Leurs plus zélés imitateurs ; 
Malgré les jaloux de leur gloire, 
Qu'ils couvrent de confusion,
Leurs noms, au temple de mémoire 
Accompagneront Hérédom

Hérédom, le feu qui m'anime, 
Et dont nous sommes tous saisis, 
Vient par un transport unanime, 
De s'emparer de nos esprits. 
Saint-André, nous chômons ta fête, 
Et nous chantons à l'unisson, 
Sans qu'aucun motif nous arrête, 
Vive à jamais, vive Hérédom.

COUPLETS IMPROVISÉS

Par le Respectable Frère Burgaud, Ex-Vénérable de ladite Loge, pour faire suite au Cantique précédent, sur la prééminence du rit Ecossais.

Même air. 

AMIS réunis dans ce Temple, 
Jaloux, fier d'imiter Bémon,* 
Je vais chanter, à son exemple, 
Le rit sacré du Franc-Maçon.
Ce rit, mes respectables frères. 
Ce rit, le seul vrai, le seul bon, 
Est celui qu'avec nos mystères, 
L'on conserve au mont Hérédom.

* Le Frère Pigault-Maubaillarcq est généralement connu parmi ses amis sous le nom de Bémon, qu'il portait avant la révolution.

Pourquoi dans notre architecture 
Vois-je tracer des plans nouveaux ? 
Quelle est cette caricature ? 
D'où viennent ces signes, ces mots ? 
Ignore-t-on que sur la terre 
Il n'existe pour le maçon,
Que le rit seul que l'on révère 
Sur la montagne d'Hérédom.

Constante comme la nature, 
La vérité ne change pas, 
Toujours invariable et pure, 
Sa marche est celle du compas. 
Telle elle parut dans la Grèce. 
Chez Pythagore, chez Platon, 
Telle elle est avec la Sagesse. 
Sur la montagne d'Hérédom.

Là, sous les ombres du mystère, 
Elle tient cachés ses secrets ; 
La vérité peut-elle plaire, 
Sans voiler avec soin ses traits ? 
Les vrais mots et signes mystiques 
Qui cachent ses trésors, son nom, 
Nos vrais emblèmes symboliques 
Sont ceux qui viennent d'Hérédom.

De là, son flambeau salutaire 
Éclaire tous les ateliers, 
Et communique à chaque frère 
Ce que savaient leurs devanciers. 
Et l'on verrait, épris d'ivresse 
Pour le nouveau rit, un maçon 
Tenter d'avilir la noblesse 
Du rit antique d'Hérédom.

Sur l'un et sur l'autre hémisphère, 
Citoyen de tous les pays, 
Le Maçon trouve son équerre, 
Son niveau, son rit, ses amis. 
Comment se fera-t-il connaître, 
S'il cesse d'être à l'unisson, 
Et s'il admet un autre maître 
Que le grand maître d'Hérédom.

Guide éclairé, prudent et sage, 
C'est à toi qu'on le doit, Bémon, 
Si, dans ce temple, on rend hommage 
Au rit que conserve Hérédom
Mon cœur sourit à la pensée 
D'y voir longtemps chérir ton nom 
Et bénir la charte sacrée 
Qui nous fit enfants d'Hérédom

L'auteur est trop maçon, pour ne pas s'empresser de rendre, à la première occasion, l'hommage qu'il doit au Très Illustre Frère prince Cambacérès, grand maître du rit d'Hérédom.

Voir la partition.

L'auteur, le Très Cher Frère Pigault-Maubaillarcq, Vénérable de la Loge calaisienne Saint-Louis des Amis Réunis, est sans aucun doute le Gaspard Jean Eusèbe Pigault-Maubaillarcq (1755-1839), né à Calais, membre correspondant de la Société Philotechnique, qui a publié en 1808 La Famille Wieland ou les Prodiges. Traduction libre d’un manuscrit américain (ouvrage qui a connu une traduction espagnole à Mexico en 1833) et en 1812 le roman épistolaire en 4 tomes Isaure d’Aubignie. Imitation de l’anglais. Il était un collaborateur régulier des Annales maçonniques. Il était le frère cadet de Pigault-Lebrun. Et il est aussi l'auteur d'une chanson de Rose-Croix.

Dans le volume III des Annales, Boileau, dans son Mémoire sur la maçonnerie, s'en prenait vivement à la chanson ci-dessus (particulièrement aux mots il n'existe pour le maçon que le Rit seul que l'on révère sur la montagne d'Hérédom) et, de manière plus générale, à tout l'écossisme, qualifié par lui (p. 45) d'innovation la plus désastreuse qu'ait souffert la Franc Maçonnerie et (p. 51) d'

Et il expliquait ainsi (pp. 48-9) cette dégénérescence :

 

[la Maçonnerie] ... est une pour tous les Maçons de l'Univers, et il ne doit exister aucune distinction particulière entre les enfans de la vraie lumière : un Maçon est Maçon sur l'un et l'autre hémisphère ; ses vertus sont par-tout les mêmes ; et il ne doit point approuver des distinctions qui contrarient les principes et souillent l'essence de notre art divin.

(discours de Rizaucourt lors des travaux du 29 juin 1803 de de la Parfaite Réunion, Paris) 

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