Mes souvenirs de Niort (Moreau, 1842)
Cliquez ici pour entendre un MP3 de l'air mentionné, d'après cette page du site NEUMA.
Ce cantique est un des quatre relatifs aux Amis de l'Ordre que nous avons trouvés dans l'ouvrage de Gustave Boissière, Histoire des loges et des chapitres de Niort.
Inactive dans cette ville depuis la Restauration, la maçonnerie y reprit force et vigueur en 1841. Mais les 21 fondateurs de la nouvelle Loge, qu'ils dénommèrent les Amis de l'Ordre, se rangèrent sous la bannière du Suprême Conseil plutôt que, comme leurs prédécesseurs, sous celle du Grand Orient ; ils travaillèrent donc au Rite Ecossais. Boissière dit ne pas connaître les raisons de ce choix : l'explication la plus vraisemblable nous semble être que l'initiateur de cette refondation - qui allait d'ailleurs devenir le Vénérable -, étant lui-même 33e, était forcément du côté Suprême Conseil, à l'époque en fort mauvais termes avec le Grand Orient, particulièrement dans cette région.
Le 14 août 1842 eut lieu (cfr. pp. 75-85) l'installation solennelle de la nouvelle Loge, avec tout le faste usuel pour ce genre de circonstances. Les trois Grands Installateurs étaient Escodeca, membre honoraire du Suprême Conseil et son grand représentant à l'Orient de Bordeaux (qui lors du Banquet récita son poème la Miette du Banquet, cfr p. 82, et qui était un irréductible ennemi du Grand Orient), Genevay et Moreau.
Quelques jours plus tard, ce dernier (qui, tout en vivant à Bordeaux, était aussi membre honoraire des Amis de l'Ordre) envoya à l'Atelier sa composition suivante (pp. 89-91), datée du 25 août :
MES SOUVENIRS DE NIORT
dédiés à la Respectable Loge Les Amis de l'Ordre
Air : De ma Céline, amant modeste.
Niort, qui brille près des Deux-Sèvres,
Dans ton sein, j'ai vu l'âge d'or ?
L'amitié vint presser mes lèvres
D'un baiser qui m'enivre encor.
Savourant Champagne et Sauterne.
De bonheur j'ai cru rajeunir;
Que tes enfants, Eden moderne,
Me conservent un souvenir.
Dans ton sein j'ai joui sans cesse
Des biens de la fraternité;
Aux doux conseils de la sagesse
S'unissait la franche gaîté
Sous le frère qui te gouverne
Le présent brille d'avenir ;
De tes enfants, Eden moderne,
Je conserve un doux souvenir.
Dans ton sein vient de naître un temple
Eclairé par la vérité ;
Ses sectateurs prêchent d'exemple,
Ardents de foi, de charité.
Chaque jour leur vertu discerne
Les larmes qu'il faudra tarir ;
De tes enfants, Eden moderne,
Je conserve un doux souvenir.
Dans ton sein les Amis de l'Ordre
Du vice ont su briser le dard ;
Et, bataillon sacré de l'ordre,
Ils défendront leur étendard.
Son éclat arrête et consterne
Celui qui voudrait le ternir ;
De tes enfants, Eden moderne,
Je conserve un doux souvenir.
Dans ton sein, l'amour maçonnique
De vertus enflamme les coeurs ;
Et sous ton glorieux portique,
L'amitié répand ses douceurs.
Des dons que la vertu décerne
Mon âme sembla s'agrandir.
De tes enfants, Eden moderne,
Je conserve un doux souvenir.
Dans ton sein, l'arbitre suprême
Daigne répandre ses bienfaits ;
Ah ! puisse-t-il aussi de même
Exaucer mes voeux, mes souhaits.
Devant lui mon front se prosterne ;
Je l'invoque pour obtenir
De tes enfants, Eden moderne,
Je conserve un doux souvenir.
F. MOREAU (30e)
L'air De ma Céline, amant modeste (sur un poème de Millevoye) est donné par la Clé du Caveau sous le n° 1924. On en trouve ici une partition plus complète (d'un nommé Lambert).
La Loge, qui fit si grand cas (on peut se demander pourquoi ...) de ces vers qu'elle les fit même imprimer (ainsi que ceux-ci du même auteur), répondit bientôt au Frère Moreau, dans un très conventionnel échange de politesses ... et de flagorneries.