Prédictions pour l'an 1839

 

Nous avons trouvé cette chanson - qui est des derniers témoignages de l'activité des Neuf Soeurs - aux pp. 93-94 du recueil du Tome premier (première année, 1839) du périodique maçonnique Le Globe.

Avocat à la Cour Royale, Marie-Auguste Desanlis (1802-1863) était le Vénérable de La Clémente Amitié, Loge qui avait pris l'initiative de ranimer en 1836 les Neuf Sœurs. 33e et Grand Maître du Conseil des Kadosch de La Clémente Amitié, il fut aussi Orateur-adjoint du Grand Orient et président de son Suprême Conseil des Rites et garant d'amitié de la Grande Loge de Hambourg auprès de celui-ci. Il était membre du comité de rédaction du Globe.

Il est d'ailleurs régulièrement cité dans le Globe (qui en donne le portrait ci-contre), par exemple à l'occasion de la remise d'une médaille offerte par sa Loge (volume 3, pp. 461 ss.)

 

L'auteur est le Frère de Tournay.


              

PRÉDICTIONS 

POUR L’AN DIX-HUIT CENT TRENTE-NEUF.

 

Couplets chantés au banquet de la loge des Neuf-Soeurs, présidée par le frère Desanlis.

AIR: On dit que je suis sans malice.

Pour l’avenir quel doux présage !
A l’horizon plus de nuage.
Chez tout le peuple franc-maçon
Le mot d’ordre est: Bonne union.
Pour nous et notre heureuse France
Un vrai siècle d’or recommence :
Tout sera beau, tout sera neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)
 

De tolérance, dans nos temples,
Les prêtres puisant des exemples,
S’il meurt un nouveau Montlosier,
(1) 
Sur sa tombe viendront prier,
A leurs oremus canoniques
Joignant nos hymnes maçonniques,
En tablier d’apprenti neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)
 

Au Palais, forbans et corsaires
N’embrouilleront plus les affaires,
Les avoués seront actifs,
Les juges seront attentifs,
Et de s’endormir sur leur siège
Abdiqueront le privilège ;
Pour le plaideur tableau bien neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)
 

On verra, comme par magie,
Le suif se changer en bougie ;
Et d’une eau claire on extraira
Le gaz dont on s’éclairera.  
(4)
Puis chacun fera dans sa cave
Un sucre exquis de betterave,  
(5)
Le tout par un procédé neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)
 

Un jeune horloger nous démontre  (2)
Qu’il est inventeur d’une montre
Qu’en sa poche on pourra porter
Quinze à vingt ans sans la monter,
Et qui résoudra le problême
D’aller mieux que le soleil même.
Mécanisme admirable et neuf,
Pour l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)
 

Les auteurs de pièces sifflées,
Par mille annonces boursoufflées
N’entretiendront plus le journal
De leur succès pyramidal.
Au lieu de ce mensonge insigne,
Ils feront, à vingt sous la ligne,
De leur chute l’aveu bien neuf.
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)

Loin du burlesque et du bizarre,
Du bon goût brillera le phare ;
Drames et vers de mauvais ton
Iront mourir à Charenton.
Depuis trop long-temps exilées,
Les Muses, enfin consolées,
Reparaîtront en habit neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)
 

A la voix du savant Daguerre (3)
Déjà nous voyons la lumière
Transformer ses divins rayons.
En impérissables crayons,
Et du miroir de la nature
Les reflets changés en peinture.
Du génie effet vraiment neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)
 

O vous qu’une fête nouvelle
A ce joyeux banquet appelle,
Enfants d’Hiram, mon coeur, ce soir,
Bat du plaisir de vous revoir.
Prouvons par triple batterie
La vieille amitié qui nous lie.
Ce vieux-là vaudra bien du neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.) 

DE TOURNAY.

Commentaires

(1) Désigné dans un article de Marie-France Piguet comme un penseur du conflit politique moderne, le comte de Montlosier (1755-1838) fut un adversaire déclaré des jésuites et des ultramontains, auteur d'un Mémoire anticlérical contre le parti prêtre, et défenseur du gallicanisme, ce qui lui valut l'hostilité du clergé qui lui refusa les derniers sacrements. Son enterrement fut donc un enterrement civil. Cela explique l'allusion qui, peu après sa mort, lui est faite dans le deuxième couplet :

De tolérance, dans nos temples,
Les prêtres puisant des exemples,
S'il meurt un nouveau Montlosier,
Sur sa tombe viendront prier,
A leurs oremus canoniques
Joignant nos hymnes maçonniques,
En tablier d'apprenti neuf,
En l'an dix-huit cent trente-neuf. 

(2)  L'allusion (couplet 5) à un jeune horloger inventeur d'une montre de poche qu'on puisse porter sans avoir à la [re]monter nous laisse par contre plus perplexe : on sait en effet que l'invention de la montre à remontage automatique date de la fin des années 1770 - les historiens se disputent d'ailleurs toujours sur la question de savoir si l'inventeur en était le liégeois Sarton ou le suisse Perrelet. Par contre, c'est en 1838 que Louis Audemars inventait le remontoir à couronne.

(3)  C'est l'invention toute récente du daguerréotype qui explique l'allusion à Daguerre dans l'avant-dernier couplet.

(4)  De Tournay fait-il ici allusion au gaz à l'eau ?

(5)  C'est sous l'Empire que fut mise au point en France l'extraction industrielle de sucre à partir de la betterave et que cette culture se développa en vue de pallier la raréfaction du sucre de canne des Antilles suite au blocus britannique. 

Voir ici à propos de l'air On dit que je suis sans malice.

Il est assez amusant de mettre ce texte (repris en colonne de gauche ci-dessous) en parallèle avec celui (colonne de droite) que le même de Tournay a rédigé, sur le même sujet et sur le même air, pour la Société du Caveau (dont il était président honoraire) et qui figure à sa publication annuelle de 1840.

Les couplets (qui sont même souvent identiques) se correspondent dans le même ordre, mais un seul figure seulement dans la version profane : c'est - évidemment - celui qui traite de politique.

Version maçonnique

PRÉDICTIONS POUR L’AN DIX-HUIT CENT TRENTE-NEUF.

AIR: On dit que je suis sans malice.

Pour l’avenir quel doux présage !
A l’horizon plus de nuage.
Chez tout le peuple franc-maçon
Le mot d’ordre est: Bonne union.
Pour nous et notre heureuse France
Un vrai siècle d’or recommence :
Tout sera beau, tout sera neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)
 

 

 

   

  

De tolérance, dans nos temples,
Les prêtres puisant des exemples,
S’il meurt un nouveau Montlosier,

Sur sa tombe viendront prier,
A leurs oremus canoniques
Joignant nos hymnes maçonniques,
En tablier d’apprenti neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.) 

Au Palais, forbans et corsaires
N’embrouilleront plus les affaires,
Les avoués seront actifs,
Les juges seront attentifs,
Et de s’endormir sur leur siège
Abdiqueront le privilège ;
Pour le plaideur tableau bien neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.) 

On verra, comme par magie,
Le suif se changer en bougie ;
El d’une eau claire on extraira
Le gaz dont on s’éclairera.
Puis chacun fera dans sa cave
Un sucre exquis de betterave,
Le tout par un procédé neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.) 

Un jeune horloger nous démontre
Qu’il est inventeur d’une montre
Qu’en sa poche on pourra porter
Quinze à vingt ans sans la monter,
Et qui résoudra le problême
D’aller mieux que le soleil même.
Mécanisme admirable et neuf,
Pour l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)

Les auteurs de pièces sifflées,
Par mille annonces boursoufflées
N’entretiendront plus le journal
De leur succès pyramidal.
Au lieu de ce mensonge insigne,
Ils feront, à vingt sous la ligne,
De leur chute l’aveu bien neuf.
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)

Loin du burlesque et du bizarre,
Du bon goût brillera le phare ;
Drames et vers de mauvais ton
Iront mourir à Charenton.
Depuis trop long-temps exilées,
Les Muses, enfin consolées,
Reparaîtront en habit neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.)

A la voix du savant Daguerre
Déjà nous voyons la lumière
Transformer ses divins rayons.
En impérissables crayons,
Et du miroir de la nature
Les reflets changés en peinture.
Du génie effet vraiment neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.) 

O vous qu’une fête nouvelle
A ce joyeux banquet appelle,
Enfants d’Hiram, mon coeur, ce soir,
Bat du plaisir de vous revoir.
Prouvons par triple batterie
La vieille amitié qui nous lie.
Ce vieux-là vaudra bien du neuf,
En l’an dix-huit cent trente-neuf. (bis.) 

DE TOURNAY.

Version profane

dix-huit cent trente-neuf

Air : On dit que je suis sans malice.

Pour l'avenir quel doux présage !
A l'horizon plus de nuage,
Ne songeons plus à l'an passé,
Et requiescat in pace.
Pour nous et notre heureuse France
Un vrai siècle d'or recommence ;
Tout sera beau, tout sera neuf,
En l'an dix-huit cent trente-neuf. (bis)

Plus de discorde politique,
Changeant de rôle et de tactique
A la chambre, nos députés
Auront tous mêmes volontés.
Formant une alliance étroite
La gauche embrassera la droite.
Que cet accord semblera neuf,
En l'an dix-huit cent trente neuf.  (bis)

Du scandale évitant l'exemple
Tous les ministres du saint temple,
S'il meurt un nouveau Montlozier,
Sur sa tombe viendront prier.
Et par esprit de pénitence
Ils prêcheront la tolérance :
Pour un sermon, texte bien neuf,
En l'an dix-huit cent trente-neuf. (bis)

Au palais, forbans et corsaires
N'embrouilleront plus les affaires.
Les avoués seront actifs ;
Les Juges seront attentifs,
Et de s'endormir sur leur siège
Abdiqueront le privilège :
Pour les plaideurs tableau bien neuf,
En l'an dix-huit cent trente-neuf. (bis)

On verra, comme par magie,
Le suif se changer en bougie,
Et d'une eau claire on extraira
Le gaz dont on s'éclairera.
Puis chacun fera dans sa cave
Un sucre exquis de betterave :
Le tout par un procédé neuf,
En l'an dix-huit cent trente neuf. (bis)

Un habile horloger démontre
Qu'il est inventeur d'une montre
Qu'en sa poche on pourra porter
Quinze à vingt ans, sans la monter,
Et qui résoudra le problème
D'aller mieux que le soleil même :
Mécanisme admirable et neuf,
Pour l'an dix-huit cent trente-neuf. (bis)

Les auteurs de pièces sifflées ,
Par mille annonces boursouflées,
N'entretiendront plus le journal
De leur succès pyramidal.
Au lieu de ce mensonge insigne,
Ils feront à vingt sous la ligne,
De leur chute l'aveu bien neuf,
En l'an dix-huit cent trente neuf. (bis)

Loin du burlesque et du bizarre,
Du bon goût brillera le phare ;
Drames et vers de mauvais ton
Iront mourir à Charenton.
Depuis trop long-temps exilées,
Les muses enfin consolées,
Reparaîtront en habit neuf,
En J'an dix-huit cent trente-neuf. (bis)

A la voix du savant Daguerre,
Déjà nous voyons la lumière
Transformer ses divins rayons
En impérissables crayons ;
Et du miroir de la nature
Les reflets changés en peinture ;
Du génie effet vraiment neuf,
En l'an dix-huit cent trente-neuf. (bis)

O vous qu'une époque nouvelle
A ce joyeux banquet appelle,
Gais chansonniers, mon coeur, ce soir,
Bat du plaisir de vous revoir.
Rajeunissons par la folie,
La vieille amitié qui nous lie ;
Ce vieux-là vaudra bien du neuf,
En l'an dix-huit cent trente neuf. (bis)

DE TOURNAY, de l'ancien caveau, Membre honoraire.

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