La Clémente Amitié

 

La Loge de la Clémente Amitié

 Avers : un homme, les bras croisés, traverse des flammes. Revers : un compas ouvert et une équerre, dans le centre desquels sont entrelacées les lettres C et A. (du site médailles napoléoniennes)

La Clémente Amitié fut fondée en 1805.

Son annuaire 1810 contient un remarquable ensemble de chansons.

Elle eut régulièrement des démêlés avec le Grand Orient de France.

Notamment, en 1826, l'adresse ci-contre, envoyée par le Grand Orient à tous les Ateliers de sa Correspondance leur annonçait sa démolition (elle passa le 11 novembre 1826 sous l'autorité du Suprême Conseil, avec lequel elle ne tarda pas à se disputer également, ce qui amena en 1831 sa réintégration au Grand Orient) et commençait par les mots suivants :

Un scandale affligeant vient d'être donné à la Maçonnerie de France, par la Loge de la Clémente Amitié, Orient de Paris.

Des Maçons irréguliers, agitateurs inquiets et ambitieux, après être parvenus à s'y introduire, y ont fait adopter leurs principes, destructeurs de notre harmonie ; ils ont entraîné dans leur parti la Loge tout entière.

Par la suite, elle continua à suivre avec attention la question du conflit entre Grand Orient et Suprême Conseil, comme en témoigne cet extrait du Globe en 1842 :

CONSEIL DES CHEVALIERS de La Clémente Amitié. – Ce conseil a offert un banquet à son grand-maître le très illustre frère Juge, 33e degré, en témoignage des heureux efforts qu'il avait faits pour ramener un rapprochement entre les deux puissances maçonniques. Ce banquet, auquel ont assisté le frère Escodeca, représentant du Suprême Conseil à Bordeaux, les frères Morand et Jobert, et plusieurs autres officiers du Grand-Orient de France, a été rempli par la plus vive et la plus expansive cordialité. Le conseil, sur la proposition du frère Juge, a décidé à l'unanimité qu'il serait frappé une médaille en commémoration de la décision du Grand-Orient du 6 novembre dernier, et qu'elle serait offerte au Grand-Orient. Cette médaille sera en or et portera d'un côté : Le Conseil de la Clémente Amitié au Grand-Orient de France, et de l'autre : 6 novembre 1841.

En 1838, elle procéda à une solennelle distribution de prix et de médailles récompensant de belles actions profanes et maçonniques, dont fut notamment bénéficiaire le profane Louis Brune.

à gauche : objet commémoratif du centenaire (1805-1905) du Conseil Philosophique de la Clémente Amitié.

 

Le Globe rapporte (T. 2, p. 110) qu'en 1840 elle donna un concert au profit de la fondation d'une maison de secours pour les Maçons malheureux.

La médaille ci-dessous montre qu'elle avait développé son propre système de Hauts Grades

Personnalités

Jean-Marie Richard, maître de pension, né à Coucy-le-Château (Aisne) en 1757, décédé en 1840 ou 1841, maçon très actif, en fut Vénérable en 1809-11 et Vénérable d'honneur en 1823 ; l'annuaire 1810 de la Clémente Amitié lui rend particulièrement hommage : on y trouve ici des couplets de sa composition et, aux pp. 16, 29 et 34, des couplets en son honneur. On trouvera ici un autre cantique de sa composition.
 

Leblanc de Marconnay

Hyacinthe-Poirier Leblanc de Marconnay (1794-1868) y fut initié en 1820 et en fut plusieurs fois Vénérable entre 1822 et 1831. 

C'est lui qui mena la loge dans son combat contre le Grand Orient en 1826 et son passage au Suprême Conseil. Mais après le retour de la loge au Grand Orient, il occupa des fonctions dans cette Obédience. 

Après avoir connu des problèmes conjugaux et des difficultés financières, il émigra en 1834 au Canada où il fut un journaliste très actif en politique et semble avoir eu une activité maçonnique. Pendant ce séjour au Canada, il composa en 1836 une chanson au caractère fort maçonnique, la Saint-Jean Baptiste, qui fut republiée en 1848 avec la note suivante :

M. de Marconnay est français de naissance. Venu en Canada vers 1833 ou 1834, il rédigea successivement La Minerve, Le Populaire et L'Ami du Peuple. M. de Marconnay est l'auteur d'une comédie portant le titre de Nina Canadienne ; cette comédie a été jouée plusieurs fois sur le théâtre royal de Montréal. Il réside, aujourd'hui, à Paris.

Dans Les journalistes d’origine française au Québec au XIXe siècle, Fernande Roy le traite d'aventurier arriviste cordialement détesté. La vie littéraire au Québec : 1806-1839 signale (p. 101) qu'il fit montre d'une vénalité qui le discrédita dans l'opinion de l'époque

Il rentra en France en 1840 et on le retrouve à la Clémente Amitié, à de nombreuses reprises comme Surveillant et même comme Vénérable de 1855 à 1858. Mais en 1858, à la suite d'accusations de malversations financières, il est suspendu par le Grand Orient ; il démissionne quelque temps après.

Sur le présent site, on trouve ici un cantique de sa composition en 1828.

On connaît aussi de lui :

  • le cantique Les Maçons écossais sous l'obédience du Suprême Conseil en 1827

  • Paroles funèbres sur la mort du F. comte de Caullière en 1826

  • un morceau d'architecture sur la mort de Louis XVIII en 1824

  • un Rapport sur des différends élevés entre la Grande loge du rite d'York pour l'État de la Louisiane et le Suprême Conseil du rite écossais pour le même État : ainsi que sur les prétentions des divers conseils existants en Amérique, et preuves irrécusables que le rite écossais ancien et accepté en 33 degrés appartenait originairement au Grand Orient de France en 1852.

En 1844, La Clémente Amitié eut comme Vénérable Bègue-Clavel, l'auteur d'une Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des sociétés secrètes anciennes et modernes (qui a été rééditée en fac-simile par Elibron Classics et dont Roger Dachez écrit qu'elle contribua puissamment, notamment à travers ses trop célèbres – mais souvent belles – gravures, à fixer la vulgate d’une histoire maçonnique parfois très fantaisiste). Cet ouvrage valut à son auteur un procès orageux au Grand Orient de France : Clavel, qui a toujours été très critique avec le Grand Orient, était devenu sa bête noire.
 

A cette époque, la Loge avait été dénoncée - pour activités politiques - par le préfet de police au Grand Orient, qui instruisit l'affaire mais ne put sanctionner faute de preuves ; on lira avec intérêt à ce sujet l'article paru dans l'Orient (on y notera en particulier, avec étonnement, que - au mépris d'un principe juridique élémentaire - c'est la Loge qui avait été sommée de faire la preuve que ces accusations étaient sans objet). 

C'est sur base d'un autre reproche, celui d'avoir directement écrit aux autres Loges de l'Obédience pour exposer ses propositions en matière de modification des statuts, que le Grand Orient finit par avoir la peau de La Clémente Amitié, en ordonnant (une fois de plus) sa démolition (peine réduite ensuite à deux mois de suspension), tout en radiant 17 membres.

Libraire-éditeur républicain, Antoine Pagnerre (1805-1854) en fut Vénérable en 1844. (ci-contre, caricaturé par Daumier)

Louis Ulbach en fut l'Orateur dans les années 1850.

Rebold, l'auteur d'une Histoire générale de la franc-maçonnerie (1851) et (en 1864) d'une Histoire des trois grandes loges de francs-maçons en France (où il prend le parti de La Clémente Amitié contre le Grand Orient dans l'affaire de la démolition en 1826), fut également membre de cette Loge, avec laquelle il entra d'ailleurs en conflit en 1860. 

En 1875, la loge se rendit célèbre par la cérémonie d'Initiation de Littré et Jules Ferry (le Tracé de sa Fête anniversaire de cette réception est consultable ici). En 1879, elle souscrivit pour une part importante au capital de la Nouvelle Revue dirigée par Juliette Adam-Lambert.

Selon Yves Hivert-Messeca dans le Tome II de sa monumentale tétralogie l'Europe sous l'acacia (Dervy, 2012, p. 597), peu avant l'initiation de Maria Deraismes par la Loge du Pecq en 1982, un projet de l'initier à La Clémente Amitié n'avait pas abouti.

En 1881, sous le vénéralat de Charles Cousin, elle atteignit le nombre record de 285 membres, parmi lesquels Alfred Rambaud.

Son secrétaire le Frère Baudouin publia en 1878 (ci-contre), sous le titre Travaux franc-maçonniques, ses Conférences sur divers sujets d'économie sociale.

De 1891 à 1898, le Vénérable en fut Edgar Monteil (1845-1920, initié en 1884).

Elle compta notamment parmi ses membres Victor Schoelcher et Louis-Théodore Juge, directeur du Globe (qui y fut Vénérable), dont le conflit avec Bègue-Clavel (largement commenté dans l'Orient) fut mémorable.

Camille Pelletan en fut membre de 1892 à 1895 et, maçon fort peu assidu, y devint Compagnon en 1892, 22 ans après son initiation dans une autre Loge.

Augustin Grégoire Gérard (1857-1926) y fut initié en 1904, avant de devenir, de 1921 à 1923, le Président du Conseil de l'Ordre du Grand Orient de France. Sa Loge (associée à son Chapitre et à son Conseil Philosophique) lui rendit hommage par une plaque commémorative que l'on voit ci-contre.

Meyerbeer en fut membre d'honneur.

René Guilly (1921-1992), fondateur, sous le pseudonyme de René Désaguliers, de la revue Renaissance Traditionnelle, y fut initié en 1951.

Les compositeurs André Bloch, Blasini, Ketten et Jean Baptiste Alfred Lemaire en furent également membres.

La Clémente Amitié est mentionnée à une chanson de 1841 de la Loge de Sens ainsi qu'à une chanson de la Paix Immortelle.

Internationalisme

Très tournée vers les relations internationales, La Clémente Amitié a eu par moments jusqu'à près de 500 membres d'honneur à travers le monde. La lourde correspondance manuscrite que cela impliquait nécessitait la désignation de plusieurs secrétaires, chargés des correspondances en anglais, en allemand, en espagnol, en russe, dont chacun pouvait avoir plusieurs adjoints.

Philanthropie

Comme on peut le voir par exemple ici, la loge décerna des récompenses à des auteurs de services à l'humanité.

Loge Mère

On retrouve le nom de la Clémente Amitié dans celui de deux Loges fondées par certains de ses membres :

1. la loge newyorkaise Clémente Amitié Cosmopolite fut fondée en 1856, 9 de ses 25 membres fondateurs provenant de La Clémente Amitié parisienne. En 1857 elle reçut une charte de La Grande Loge de New York, l'autorisant à travailler en français. Elle comprend aujourd’hui une quarantaine de membres dont le dénominateur commun est la culture française.

A l’occasion de son 150e anniversaire, elle fit graver (ci-contre) par un artiste contemporain une médaille comportant les dates 1857-2007 et la mention FLCAC signifiant France - La Clémente Amitié Cosmopolite, son nouveau titre depuis 1996. 

2. La Clémente Amitié Cosmopolite fut fondée en 1858 à Paris. Charles Battaille (1822-1872), professeur de chant au conservatoire de musique de Paris, en fut un des fondateurs et la présida de 1860 à 1864 ainsi qu’en 1870 et 1871.

Le logo figurant sur son jeton de présence ci-contre ressemble remarquablement (avec un C supplémentaire) à celui (plus haut à gauche) de La Clémente Amitié.

Elle compta parmi ses membres Paul Burani (1845-1901), dont elle fit imprimer en 1890 les Impressions maçonniques.

Iran

Inaugurée sous l'Empire avec l'ambassadeur Askeri-Khan, la pratique de l'Initiation de personnalités iraniennes mettait en évidence l'influence du Grand Orient de France sur la propagation des idées de la Révolution française en Iran et constituait pour les Loges concernées une source de prestige. 

En 1857, la Clémente Amitié initiait plusieurs diplomates iraniens de haut rang (le Prince Reza-Khan, les généraux Mirza-Reza-Khan et Nehriman-Khan, et Mirza-Malcom-Khan, ministre ad interim des affaires étrangères), qu'elle allait fêter en 1873 à l'occasion de leur visite en France.

La gravure ci-dessous, parue dans le n° 889 (mars 1860) de l'Illustration, porte la légende Initiation Maçonnique de Hassan-Ali-Khan, Ambassadeur de Perse, et de 3 Officiers de l'Ambassade dans la loge de la Sincère Amitié : ce n'est plus ici la Clémente Amitié qui intervient, mais bien la Sincère Amitié, qui joua un rôle semblable.

On lit ici (dans un article d'Yves HIVERT-MESSECA publié par l'IDERM) que la loge Bonaparte a été, avec La Sincère Amitié et La Clémente Amitié, l'une des loges des diplomates, consuls, secrétaires, drogmans, négociants et étudiants persans à Paris : Mîrzâ ABBAS KHAN, Muhammed HASSAN KHAN, Husayn HADJI, Mîrzâ ABDULLAH, Mîrzâ NIZAM GHAFFARI, Nazar AQA, Nebbé KHAN ou Muhammad TAGHI KHAN y furent initiés ou affiliés.

On lit d'ailleurs ici, au Tableau 1858 de la Sincère Amitié :

On lira aussi avec grand intérêt sur cette question l'article FREEMASONRY in the Qajar Period de l'Encyclopaedia Iranica.

Adoption

La Clémente Amitié eut également une Loge d'Adoption.

Nous avons trouvé des traces de plusieurs manifestations de celle-ci :

On peut voir, à une autre page de ce site, qu'elle pratiquait également des cérémonies d'Adoption d'enfants de maçons.

Résistance

En 1944, après avoir été un foyer de Résistance, La Clémente Amitié fut la première Loge à se réinstaller au siège du Grand Orient de France, rue Cadet.

En 2010, La Clémente Amitié, désireuse de rendre un hommage public à l'un de ses membres héros de la Résistance, a organisé, au siège du Grand Orient de France, une conférence publique (ouverte à tous) sur le sujet Des Francs-maçons dans la Résistance, événement qui a fait l'objet d'une annonce (ci-contre à droite, détail à gauche) dans le Franc-maçonnerie Magazine.

Fouriérisme

Dans son Histoire des trois Grandes Loges de francs-maçons en France, Rebold écrit ceci (p. 160) concernant l'année 1840 :

Les disciples de Fourier, successeurs de ceux de Saint-Simon, cherchèrent à cette époque à se procurer l'accès des tribunes maçonniques pour y prêcher leurs doctrines à Paris, et ils firent choix de la loge « La Clémente Amitié » qui par sa composition leur parut la plus propre à devenir un foyer de propagande phalanstérienne. Le F. de Pomperey demanda la permission d'y ouvrir un cours d'économie sociale ; mais cette tentative d'enseignement socialiste se borna au développement préliminaire des principes de l'école ; un grand nombre de membres de la loge, craignant que cette prédication ne fît dévier la franc-maçonnerie de sa marche, crurent devoir protester contre la continuation du cours.

Sur le sujet "fouriérisme et franc-maçonnerie", voir ici ou ici.

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