Hommage à Lalande
chanté le 30 septembre 1778, en la Loge des Neuf Soeurs, à l'occasion de la Saint-Jérôme
Dans son ouvrage sur La Loge des Neuf Soeurs, Louis Amiable raconte les circonstances de la composition de cette chanson (qui n'est d'ailleurs maçonnique que par cette circonstance) :
ci-contre : le tablier de Voltaire est visible sur le site du Musée de la franc-maçonnerie |
Bachaumont, qui, dans ses Mémoires secrets, cite le texte de la chanson, le fait précéder du commentaire suivant :
Comme il le note - les Neuf Soeurs pratiquaient d'ailleurs assidûment l'extériorisation -, la chanson eut vite fait le tour de Paris.
Raunié lui fait d'ailleurs écho dans le Tome 9 de son Chansonnier historique du XVIIIe siècle, où il reproduit le texte (pp. 176-8) sous le titre Monsieur Jérome et l'accompagne d'un commentaire nettement moins amène :
Jérôme Lefrançais de Lalande, célèbre astronome, membre de l'Académie des sciences et professeur au Collège de France, était le vénérable de la loge maçonnique des Neuf-Soeurs, où cette chanson fut chantée en son honneur, le 30 septembre, jour de la fête de saint Jérôme. « Quoique tout ce qui se passe dans l'intérieur des francs-maçons doive être un secret, remarquent les Mémoires de Bachaumont, l'amour-propre de l'auteur et du héros a laissé transpirer cette plaisanterie. Pour bien l'entendre, il faut savoir que M. de Lalande est grand amateur du beau sexe et philosophe d'une société douce et aimable. »
L'auteur de Paris, Versailles et les provinces au XVIIIe siècle est moins indulgent pour l'illustre astronome, et il le traite avec fort peu de ménagements. « M. de Lalande, dit-il, joignait à des connaissances rares une vanité absurde qui lui faisait dédaigner comme préjugés populaires non seulement les sentiments qui font le bonheur et la consolation de l'humanité, mais même les répugnances générales que la nature semble avoir placées chez tous les hommes.
« En société, il affectait de sortir de sa poche une boîte pleine d'araignées, de les prendre délicatement avec ses doigts, de les sucer et de les avaler, en soutenant qu'il n'y avait pas de mets plus fin et plus délicieux....
« Il quitta momentanément la capitale pour aller revoir sa patrie (Bourg-en-Bresse). Il y fut accueilli avec l'enthousiasme qu'inspirait sa grande réputation... A son retour à Paris, il s'empressa de vanter sa province comme un des sites les moins connus, mais des plus riches de la France et le plus ménagé pour ses impositions. Ce fut d'après ses assertions qu'on doubla les contributions de ce pays, et il ne dut pas être étonné que dans un second voyage toutes les portes lui fussent fermées.
« Il établissait sur les mouvements des astres, sur les variations des saisons des prédictions non seulement physiques, mais politiques et morales dont il ornait l'almanach de Gotha, et qui en faisant la fortune de ce petit ouvrage contribuaient à la sienne. C'est là qu'il annonça l'arrivée prochaine d'une prodigieuse comète qui, se rapprochant de la terre, devait l'embraser et la réduire en poudre, prophétie qui alarma beaucoup d'esprits faibles et ne servit qu'à dévoiler son charlatanisme, la comète n'ayant point paru et la terre étant restée aussi fraîche qu'à son ordinaire... Il affectait de prêcher hautement l'athéisme et de soutenir que la matière, étant éternelle, s'était organisée d'elle-même. Ayant peu de moyens de faire valoir un système aussi absurde, il ne répondait aux raisonnements qu'on opposait à ses paradoxes que par un rire sardonique et un mépris insultant que sa figure ignoble rendait encore plus insupportable. »
On trouvera ci-dessous le texte, dans deux versions légèrement différentes ; celle de gauche est reprise (pp. 123-4) d'encore un autre chansonnier profane, l'édition de 1780 de l'Almanach des Muses ; celle de droite (elle comprend un couplet supplémentaire, qui figure aussi chez Bachaumont et Raunié) reprend le texte donné par les autres sources mentionnées.
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Couplets A M. DE LA LANDE, Le jour de S. Jérôme son Patron Air : Ah ! dam ! cadet, &c Connaissez-vous dans le canton Comme un chantre lit au lutrin, L'astre qu'il observe le plus Quand il parle ou quand il écrit, Il raisonne comme un Platon ; Par M. de la Dixmerie |
On peut voir aux pp. 65 et 67 du Chansonnier françois que Ah ! dam ! cadet correspond à l'un des deux airs J'en rirons et Un jour cadet & babet, dont les partitions figurent à ce recueil sous les n°s respectifs 39 et 40 (la métrique correspond au n° 39) :
Notes documentaires Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande (1732-1807) : grand astronome français, maçon depuis 1765 selon ses dires, il fonda en 1776 la Loge des Neuf Sœurs (dont il fut le Vénérable jusqu'en 1779), après avoir fondé la Loge des Sciences et été un des fondateurs du Grand Orient de France. C'est lui qui rédigea l'article sur la franc-maçonnerie pour le supplément à l'Encyclopédie publié en 1773, où on lit notamment (cette narration, postérieure de plusieurs dizaines d'années aux faits rapportés, n'est pas de première main et les faits mentionnés ont été contestés par la suite par certains auteurs, mais le dernier état des recherches historiques semble le confirmer) :
Lors de l'hommage qui lui fut rendu par la Loge à sa sortie de charge, le chevalier de Cubières composa les vers suivants, qui sont reproduits en février 1779 (p. 432) par la Gazette littéraire de l'Europe dans son Volume 89 sous le titre Vers pour être mis au bas du Buste de M. de Lalande, qui doit être placé dans la Loge des Neuf Soeurs, dont il est le Vénérable, à Paris : Du
ciel devenu son empire Avec une précision surprenante pour l'époque (0,01 % d'erreur !), il calcula la distance de la terre à la lune. En 1805, Lalande fut interdit de plume par Napoléon pour avoir fait profession d'athéisme. On peut consulter ici le fascicule d'Amiable Le franc-maçon Jérôme Lalande.
une curiosité : c'est sous le patronage de Lalande que s'est placé en 2007 le Grand Chapitre Général de la Grande Loge Mixte de France. Lalande et Vénus
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Sources principales pour cette page : - Louis Amiable, Une loge maçonnique d'avant 1789, la loge des Neuf Soeurs, augmenté d'un commentaire et de notes critiques de Charles Porset, Paris, EDIMAF, 1989 - Pierre Chevallier, Les Ducs sous l’Acacia, Vrin éd., 1964 |