La Vérité sur l'Ordre maçonnique
au Pape Pie IX
Dans le recueil d'Orcel (pp. 173-5), cette chanson, qui a le même sujet (la condamnation papale de 1865), fait immédiatement suite au Dialogue entre un Maître et un Apprenti sur un injuste anathème.
L'auteur du texte est Orcel lui-même ; aucun air n'est mentionné.
On remarquera que le ton reste très modéré : les maçons français, à l'époque, sont sans doute encore très majoritairement catholiques - en tout cas nominalement même si beaucoup sont sans doute en fait plus déistes que chrétiens ; c'est donc plutôt sous la forme de représentations respectueuses qu'ils font appel de la malédiction qui les frappe, qu'ils ne comprennent pas et qu'ils attribuent assez naïvement à une erreur judiciaire résultant de calomnies. Ils rappellent d'ailleurs leur croyance en l'immortalité de l'âme, et font une véritable profession de foi en Dieu.
Ils mâtinent cependant cette profession de foi par le rappel de leurs principes de tolérance, qui constituent précisément une des causes de leur condamnation :
Traiter tout homme comme un frère,
Juif, Musulman, Brahme, Chrétien ;
Le soulager dans sa misère ;
Autant qu'on peut, faire le bien ;
Obéir à la loi divine,
Du Christ pratiquer les leçons ;
Voilà, Saint-Père ! la doctrine
Que professent les Francs-Maçons !
A leurs yeux, pratiquer les leçons du Christ n'implique donc pas automatiquement l'adhésion inconditionnelle à Rome que voulaient les ultramontains ! C'est précisément ce relativisme qui avait déchaîné dès le siècle précédent les foudres de l'Eglise, et ce libéralisme que Pie IX ne pouvait supporter. N'avait-il pas dès 1864, en rédigeant son fameux Syllabus, mis au rang des erreurs modernes qu'il condamnait, des propositions aussi hérétiques que celles-ci - celles précisément que traduit cette chanson :
XV. Il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la religion qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de la raison.
XVI. Les hommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et obtenir ce salut éternel dans le culte de n'importe quelle religion.
Finalement, les maçons devaient-ils vraiment s'étonner d'être condamnés par la papauté pour pratiquer la tolérance andersonienne et reconnaître comme frère Juif, Musulman, Brahme, Chrétien ? Au contraire, cette tolérance dont ils se font une fierté est précisément la raison de leur condamnation : comme l'écrira Léon XIII dans Humanum genus en 1884, la grande erreur du temps présent ... consiste à reléguer au rang des choses indifférentes le souci de la religion, et à mettre sur le pied de l'égalité toutes les formes religieuses. Or, à lui seul, ce principe suffit à ruiner toutes les religions, et particulièrement la religion catholique, car, étant la seule véritable, elle ne peut, sans subir la dernière des injures et des injustices, tolérer que les autres religions lui soit égalées.
Finalement, cette prétention à ne pas tolérer que les autres religions lui soit égalées puisqu'elle est la seule véritable représente la clé de l'intolérance catholique.
D'autres réactions seront plus virulentes, ou même moqueuses ; mais ce n'est que progressivement, par un processus analogue à celui connu en Belgique trois décennies plus tôt, qu'après la stupéfaction initiale devant ce qui était considéré comme une injustice sans fondement, le fossé se creusera et que la radicalisation laïque de la maçonnerie répondra à la radicalisation anti-maçonnique de l'Eglise.
LA vérité sur L'ORDRE MAçoNnique
AU PAPE PIE IX
Pourquoi, du trône apostolique REFRAIN. Et si,
dans un jour de colère,
D'abord, notre foi, quelle
est-elle ? Et si, dans un jour de colère, etc.
Traiter tout homme comme un frère, Et si, dans un jour de colère, etc.
Nous suivons la loi fraternelle Et si, dans un jour de colère, etc.
Selon le dogme évangélique, Et si, dans un jour de colère, etc.
Nos rites sont cosmopolites... Et si, dans un jour de colère, etc.
Nous faisons briller la lumière, REFRAIN. Et si,
dans un jour de colère, Frère Orcel, 18e |