Blaes
Le 24 juin 1854, le Grand Orient de Belgique célébra une grande fête solsticiale nationale (à laquelle participa Antoine Clesse) pour saluer le retour sous les drapeaux de l'Art royal belge des Loges de la Parfaite Intelligence et l'Etoile Réunies et des Philadelphes (ces Loges avaient en 1838 fondé la Fédération maçonnique belge). A la p. 23 du Tracé de cette fête, on peut lire que, pendant l'intervalle des services du Banquet, plusieurs Frères, artistes distingués, se font entendre : ce sont J. Blaes, Singelé, Simart, Pigalle etc.
Par ailleurs, on trouve, aux pp. 145-7 du recueil du Tome premier (première année, 1839) du périodique maçonnique Le Globe, un discours prononcé à la Loge des Vrais Amis de l'Union en mars 1839 à l'occasion de l'affiliation récente de l'illustre frère Gendebien, et du retour du très-cher frère Blaes dans ses foyers.
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Il nous semble hors de doute que le Frère Blaes ainsi cité soit le très célèbre (à l'époque) clarinettiste Joseph Blaes (1814-1892). Il nous a fallu faire quelques recherches pour établir que ce virtuose était également (même si ce n'est qu'accessoirement) un compositeur. On peut par exemple lire ceci (p. 159) en 1841 dans la revue La renaissance, chronique des arts et de la littérature :
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La biographie de Blaes donnée en 1862 par Gregoir dans sa Galerie biographique des artistes musiciens belges du XVIIIe et du XIXe siècle nous en dit un peu plus à ce sujet :
Les compositions que nous connaissons de M. Blaes, sont : Deux concertos, trois fantaisies, deux airs variés, deux morceaux de salon et le Carnaval de Venise.
Et on peut lire par ailleurs qu'à l'époque de la mort de Blaes, Mme Hippert-Blaes (sa fille ?) a fait don au Conservatoire Royal de Bruxelles de Manuscrits autographes des compositions pour clarinette de feu Joseph Blaes, ancien professeur au Conservatoire. Mais le fait que ces compositions, d'ailleurs ignorées de Fétis, soient restées manuscrites semble indiquer qu'elles n'ont guère été prisées de son vivant.
Fétis mentionne dans son Tome 1 :
BLAES (Arnold-Joseph), virtuose sur la clarinette, professeur de cet instrument au Conservatoire royal de Bruxelles, est né dans cette ville, le 1er décembre 1814. Destiné d'abord au commerce, il n'apprit la musique dans sa jeunesse que comme un délassement de ses autres occupations. Après avoir été commis négociant, il entra comme employé an ministère des finances, et y remplit les fonctions d'expéditionnaire pendant neuf années. Cependant la carrière administrative lui était antipathique, et ses penchants le portaient vers la culture de la musique ; mais bien que son père eût été bon amateur de musique, il ne consentit pas à ce qu'il se livrât à la profession de cet art. Blaes avait commencé l'étude de la clarinette, mais n'avait pu y consacrer assez de temps pour que ses progrès fussent rapides. Parvenu à l'âge de treize ans, il écarta tous les obstacles qui s'opposaient à sa vocation et entra au Conservatoire en 1827, sous la direction de Bachmann, clarinettiste solo du grand théâtre, et professeur dans cette école. Les progrès de Blaes furent rapides, et le second prix de son instrument lui fut décerné en 1829 ; mais la révolution de 1830 ayant fait fermer le Conservatoire, celte école ne fut rouverte qu'au mois d'avril 1832. Cependant les études de Blaes n'avaient point été interrompues ; son talent avait grandi, et lorsqu'il se présenta au concours en 1834, il y obtint le premier prix. A celte époque il jouait la petite clarinette solo dans les concerts de la société nommée la Grande harmonie ; mais il reconnut bienlôt que cet instrument exerçait une fâcheuse influence sur sa qualité de son jeu lorsqu'il jouait la grande clarinette, et il cessa d'en jouer. Après s'être fait entendre dans quelques concerts à Bruxelles et dans les autres villes de la Belgique, il partit pour Paris, et y fit la connaissance de Beer, dont les conseils furent très-utiles à son talent. Les succès qu'il obtint alors dans quelques salons, par le charme des sons qu'il tirait de son instrument, furent les précurseurs du succès plus éclatant qui l'attendait dans cette grande ville. De retour à Bruxelles, il y donna un brillant concert à la suite duquel les titres de professeur honoraire au Conservatoire et de clarinettiste solo de la musique du roi lui furent accordés.
En 1839, Blaes retourna à Paris, et cette fois il fut admis à s'y faire entendre dans un concert donné dans la salle du Conservatoire par l'association des artistes de cet établissement, connue sous le nom de Société des Concerts. Son talent y fit une vive impression, et les journaux de musique, organes de l'opinion publique, s'exprimèrent à cette époque en termes admiratifs sur l'effet qu'il avait produit. Quelques jours après, la Société des Concerts lui en donna un nouveau témoignage, en lui offrant une médaille d'honneur. En 1840, Blaes parcourut la Hollande, pour y donner des concerts, qui furent aussi fructueux pour son talent que pour sa bourse ; puis il partit pour la Russie, où l'attendaient de nouveaux et brillants succès. Il y passa près d'une année ; mais il fut rappelé à Bruxelles, vers la fin de 1842, après la mort de Bachmann, pour lui succéder dans la place de professeur de clarinette au Conservatoire. Depuis lors, Blaes a fait plusieurs voyages en Hollande, en Allemagne, et en Suisse pour y donner des concerts, et s'est fait partout applaudir comme un artiste de premier ordre.