Hiller

En cliquant ici, vous entendrez un extrait du 1er mouvement (Moderato, ma con energia e con fuoco) de son 2e concerto pour piano, op. 69, interprété par Howard Shelley accompagné par le Tasmanian Symphony Orchestra dirigé par lui-même (CD Hyperion CDA67655)

 

Né dans une riche famille juive, Ferdinand Hiller (1811-1885), compositeur, pianiste virtuose, pédagogue, chef d'orchestre et écrivain, avait révélé très tôt ses dons musicaux et il fit ses débuts en concert à 10 ans. Son père l'envoya se perfectionner auprès de Hummel à Weimar, où il commença à composer et fit la connaissance de Goethe. En 1827, il accompagna Hummel à Vienne, où ils rencontrèrent Beethoven, alors mourant (le 17 décembre 1850, pour le 80e anniversaire de sa naissance, il créera en 1850 à Cologne une cantate dont il avait écrit les paroles et la musique).

De 1828 à 1836, il séjourna à Paris. Il se lia d'amitié avec Berlioz (malgré une rivalité amoureuse), fut protégé par Cherubini, et rencontra Meyerbeer, Rossini, Liszt et Chopin.

Il rentra à Francfort au moment du décès de son père mais poursuivit une brillante carrière qui le mena notamment en Italie (il dirigea à Milan en 1839 son opéra La Romilda), à Leipzig (où, à l'invitation de son ami Mendelsohn, il dirigera l'orchestre du Gewandhaus et où fut créé son oratorio La Destruction de Jérusalem), à Dresde, Düsseldorf (1847), Cologne (1850), ...  

En 1850, il se réinstalle définitivement à Cologne, où il dirigera le Gürzenich-Orchester de 1850 à 1884, non sans avoir en 1851-2 dirigé à l'Opéra Italien de Paris et en 1852-4 au Gewandhaus de Leipzig. En 1867, il invite Berlioz à y diriger un concert.

Il écrivit plus de 200 oeuvres dans tous les genres, dont beaucoup pour son instrument, mais ses opéras n'eurent guère de succès. Il compta parmi ses élèves Max Bruch et Engelbert Humperdinck

Il a été membre de la Loge de Francfort-sur-le-Main Zur aufgehenden Morgenröthe, pour laquelle il composa un ensemble de 3 lieder.

Voici ce qu'en dit Fétis dans son Tome 4 :

HILLER (Ferdinand), né à Francfort sur-le-Mein, le 24 octobre 1811, d'une famille Israélite, s'est livré fort jeune à l'étude de la musique. Ses premiers maîtres furent Aloys Schmitt et Vollweiler; puis il a reçu des leçons de Hummel. Venu à Paris en 1828, il entra d'abord en qualité de professeur à l'institution de musique religieuse dirigée par Choron ; mais il y resta peu de temps, et placé par sa famille dans une situation indépendante, il ne s'occupa plus que du développement de son talent comme pianiste et comme compositeur. Au mois de janvier 1830, M. Hiller donna, au conservatoire de musique, un premier concert dont le but unique était de faire connaître au public quelques grandes compositions tirées de son portefeuille. Une symphonie à grand orchestre, un premier allegro de concerto de piano, et une prière de Lévites, chœur sur des paroles de M. de Chateaubriand, furent entendus dans celte séance , et justifièrent l'opinion avantageuse que les connaisseurs s'étaient déjà formée du mérite du jeune artiste, à l'audition de deux quatuors pour piano, violon, alto et basse. Comme pianiste, il se fit remarquer par la manière élégante et pure qui distingue l'école de Hummel. Un deuxième concert donné par M Hiller, au mois de décembre 1831, fournit l'occasion d'entendre une deuxième symphonie, une ouverture pour le Faust de Gœthe, et un concerto de piano de sa composition. Bien que ces ouvrages n'aient pas été à l'abri de toute critique, on dut y reconnaître la facture d'un musicien instruit, et de louables efforts pour introduire dans l'art des nouveautés de formes. Depuis lors diverses autres compositions du même artiste ont été entendues dans des concerts donnés à Paris, et lui ont mérité l'estime des connaisseurs. Comme virtuose, M. Hiller a brillé pendant plusieurs années à Paris, et s'est fait entendre avec MM. Liszt, Kalkbrenner et autres, dans des morceaux pour deux pianos ; mais c'est surtout dans les séances de musique classique pour piano et violon qu'il a données avec Baillot, en 1835, qu'il s'est montré aussi grand musicien qu'habile pianiste, et qu'il a fait admirer la flexibilité de son talent à s'identifier au caractère de la musique qu'il exécutait. En 1836, Hiller retourna à Francfort, et pendant une année il y dirigea une académie de chant. Parti pour l'Ilalie en 1837, il s'arrêta d'abord à Milan, et y fit représenter l'ooéra de sa composition intitulé Romilda, qui ne réussit pas. Il retourna alors en Allemagne, et fit exécuter à Leipsick son oratorio La Destruction de Jérusalem, bel ouvrage, qui a obtenu du succès à Francfort, Amsterdam, Berlin, Prague, Vienne, Dresde, Brunswick, Hambourg, Cassel, Lemberg et Riga. En 1841, il fit un second voyage en Italie, s'arrôta quelque temps à Florence, où il se maria, puis à Rome, où je le retrouvai au mois de septembre 1841. Il y faisait, avec l'abbé Baini, des études pour se familiariser avec l'ancien style de l'école romaine. De retour en Allemagne en 1842, il dirigea les concerts de la Gewandhaus à Leipsick, puis ceux de Dresde pendant deux ans. Pendant les années 1847 à 1849, il occupa la position de directeur de musique à Dusseldorf, et dans l'année 1850 il fut appelé à Cologne en qualité de maître de chapelle de la ville et chargé de l'organisation du Conservatoire, dont il est directeur. Depuis cette époque, il ne s'est éloigné de Cologne que pendant une saison d'hiver pour diriger la musique de l'Opéra italien de Paris, et pour deux voyages dans la même ville, en 1853 et 1855, où il a donné des soirées musicales au bénéfice de l'Association des artistes, et y a obtenu de brillants succès et comme pianiste et comme compositeur. Dans ses séjours à Berlin, Dresde, Francfort, Munich, Brunswick, Amsterdam et dans d'autres villes, Hiller a dirigé lui-même l'exécution de ses ouvrages, ainsi que les fêtes musicales de Dusseldorfen 1853, 1855, 1859, et la belle fête de Cologne en 1858. Doué d'un sentiment délicat, de verve et en même temps de sang-froid, il possède au plus haut degré les qualités de chef d'orchestre et manie avec une puissance d'action irrésistible les grandes masses vocales et instrumentales. En 1849, l'Aradémie royale des beaux-arts de Berlin l'a nommé un de ses membres.

[suit une liste des compositions de Hiller]

Hiller est incontestablement un grand musicien, et je le considère comme le compositeur allemand de l'époque actuelle (1861), dont les qualités sont les plus solides et les plus estimables. Bien que son penchant le porte à la recherche de l'innovation, il ne tombe pas, comme quelques-uns de ses compatriotes, dans le vague ou dans l'exagéré. Son style a de la clarté; il ne dédaigne pas la mélodie, et son harmonie est régulière dans ses successions. Cependant, à l'exception des provinces rhénanes, l'Allemagne ne lui accorde pas, dans son art, le rang qu'il y devrait occuper. Divisée maintenant en coteries, elle ne paraît plus avoir de règle pour l'appréciation des œuvres de l'art. Tel qui est en honneur dans une ville est dédaigné dans une autre, sans qu'on puisse donner l'explication de ces différences d'opinion. Terre productive des plus grands talents pendant plus d'un siècle, l'Allemagne se montre aujourd'hui impuissante à leur donner des successeurs, parce qu'elle ne sait ni ce qu'elle veut ni où elle va. 

et cette haute opinion est confirmée dans le Supplément, qui, après avoir complété la liste des oeuvres, ajoute (tout en profitant de l'occasion pour décocher une flèche à Wagner) :

... En 1871, M. Ferdinand Hitler a passé toute une saison à Londres, où il s'est produit tout à la fois comme compositeur, comme chef d'orchestre et comme virtuose, et où il a donné toute une série de séances de musique de chambre. A cette époque, il avait été chargé d'écrire, pour l'ouverture de l'Exposition inlernationale de Londres (1er mai 1871), une composition importante, dont j'ignore la nature et le sujet. Il représentait l'Allemagne à ce point de vue, tandis que MM. Gounod, Pinsuti et Sullivan avaient été chargés d'une tâche analogue pour la France, l'Italie et l'Angleterre. C'est à cette occasion que M. Gounod écrivit sa cantate intitulée Gallia. 

M. Ferdinand Hiller, qui est un artiste d'une valeur exceptionnelle et d'une rare instruction, s'est occupé aussi de littérature musicale ; il a publié en 1876 un livre intitulé : Choses musicales et personnelles (Musikalisches und Persönliches). Ami de Moritz Hauptmann, il livrait au public, dans le cours de la même année, un recueil de la correspondance de cet artiste : Les lettres de Moritz Hauptmann à Spohr et à d'autres compositeurs. Il a publié encore un livre charmant sur Mendelssohn : Félix Mendelssohn-Bartholdy, Lettres et souvenirs, et en 1877 il a donné un intéressant volume intitulé Briefe an eine Ungenannte (Lettres à une innommée). M. Hiller a collaboré aussi, en ce qui concerne la musique, à divers recueils et journaux allemands. Ami de la France, pour laquelle il n'a jamais cessé de montrer ses sympathies, il n'a même pas hésité à la défendre, au point de vue artistique, quelques années après la guerre franco-allemande, devant ses compatriotes, toujours prêts à la dénigrer, et voici ce qu'il écrivait, au mois de février ou de mars 1876, dans la Deutsche Rundschau : « On ne cesse d'accuser Paris d'être le berceau des choses les plus vides et de suivre tous les caprices de la mode. Et pourtant c'est dans ce Paris frivole qu'on jouait en toute perfection les symphonies de Beethoven, alors qu'en Allemagne on les connaissait à peine d'une façon superficielle. On y exécute les ouvrages de Mendelssohn comme nulle part ailleurs. Haydn y était l'objet de la plus grande et de la plus active admiration dans un temps où l'Allemagne ne voyait encore dans les symphonies du maître que de la musique d'entr'actes. La plus noble école de violon après l'école italienne, c'est l'école française, et jusqu'ici l'Allemagne n'a pas un établissement digne d'être comparé au Conservatoire de Paris. Si Joachim, Mendelssohn et bon nombre d'autres Allemands de haute valeur ont subi l'attraction de l'Angleterre, c'est surtout parce que l'Angleterre les appelait à elle. Les Anglais aiment plus la musique, mais ils ont moins de talent que les Français ; il leur faut des étrangers pour satisfaire leur passion, les Français se suffisent à eux-mêmes. D'ailleurs, depuis Lulli jusqu'à Meyerbeer, n'ont-iis pas donné l'hospitalité la plus brillante et la plus stimulante à des hommes comme Gluck, Cberubini, Spontini et Rossini ? Quels que soient les dissentiments présents ou à venir entre Allemands et Français, aucun Allemand de quelque intelligence ne devrait à ce point mépriser les Français, auxquels en définitive, de cent côtés différents, l'Allemagne a les plus grandes obligations, auxquels il lui faut encore aujourd'hui emprunter tant d'oeuvres d'art et de littérature. » 

Si M. Hiller aime et défend l'art français, il n'est, en revanche, que médiocrement partisan de la personne et des oeuvres de M. Richard Wagner. Lorsqu'en 1872 l'auteur de Lohengrin manifesta l'intention d'aller diriger en personne, à Cologne, l'exécution de cet ouvrage, la Gazette de Cologne s'écria aussitôt : « Nous admirons le courage de Wagner, de s'aventurer dans le camp de ses ennemis les plus prononcés. » M. Hiller, se sentant désigné, releva aussitôt le trait et répondit : - « Rien n'est moins héroïque de la part de Wagner, car depuis nombre d'années on joue avec succès, à Cologne, le Tannhauser et Lohengrin, et Wagner peut être assuré de remporter un triomphe complet en venant, en personne, diriger son opéra. Comme on me fait l'honneur de me considérer comme l'adversaire de Wagner, et que l'on semble m'en blâmer, je dois rappeler, tout en déclarant que la majeure partie de ce que Wagner écrit, compose et entreprend m'est antipathique, que j'ai fait entendre dans mes concerts, d'une manière irréprochable, les oeuvres de concert de ce compositeur, notamment les ouvertures de Faust et des Maîtres chanteurs et sa Marche impériale. » 

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