Le recueil de Roche
Nous avons pu nous procurer ce fascicule imprimé à Nantes (à l'Imprimerie du Commerce d'Evariste Mangin, membre d'une famille dont les opinions politiques progressistes sont suspectes aux yeux du pouvoir impérial ; on voit ici, grâce à André Combes, qu'il était maçon) en juillet 1863 et intitulé Chansons et pièces fugitives Recueil dédié à la Respectable Loge Mars et les Arts à l'Orient de Nantes par le Frère Roche |
L'auteur Roche est vraisemblablement le Jean-Baptiste Roche, né à Orléans le 24.6.1797, artiste dramatique, qui selon le fichier Bossu était en 1853 Rose-Croix et Orateur de ladite Loge. Le dernier couplet d'une de ses chansons (D'un bel art que je chérissais Il fallut quitter la carrière ; Aux muses que je courtisais Succède un labeur bien contraire ; Mais chassant le spleen enfanté Par la pratique de Barême ...) semble indiquer qu'il avait dû abandonner sa profession artistique pour celle de comptable (qu'indique la référence à Barrême).
Roche, dont la signature fait état de sa qualité (que confirme la dernière chanson) de Rose-Croix, dédie son ouvrage au Frère Grignon-Dumoulin, Vénérable de ladite Loge (selon le fichier Bossu, ce négociant, né à Nantes en 1801, avait été 1er Surveillant en 1853), en hommage de reconnaissance et d'affection. Mais il adresse aussi à ses excellents Frères de Mars et les Arts l'avis suivant :
Ces chansons, composées pour ajouter à l'entrain de nos banquets maçonniques, n'avaient d'autre mérite que celui de l'à-propos ; bulles éphémères, elles devaient s'évanouir avec l'écho du dernier refrain, avec le dernier pétillement du champagne.
Vous avez décidé que ces pièces fugitives seraient conservées ; en voici le recueil, je le place sous l'égide de votre bienveillante amitié.
Mes sentiments, mes frères, vous sont acquis depuis bien longtemps, et je suis heureux de vous en renouveler ici l'expression franche et sincère.
Le recueil comprend 36 pages et contient 14 chansons (pour 4 d'entre elles, l'air n'est pas précisé) et 2 poèmes :
page | Titre (si mentionné) | incipit | air |
7 | Assez d'auteurs rivaux | Tarare Pompon | |
8 | Enfants zélés de la Maçonnerie | d'Aristippe | |
9 | Mes frères | A table, à table | |
11 | Admis au Temple avec mystère | des Deux Edmond | |
12 | N'envier rien | Les Gueux | |
14 | Vous me demandez un refrain | du Juif | |
16 | Un bonheur parfait | C'était du bon temps | |
18 | Laissons bouillir le printemps | Chanter n'est pas la grande affaire | [laissé en blanc] |
20 | La p'tit' chanson | Frères, autour de cette table | ça n'se peut pas |
22 | Ronde de Table | Frères, lorsque chaque jour | En avant les entrechats |
24 | A propos du bal de charité donné à la Loge Mars & les Arts | Voici venir le temps | |
28 | Aux coups du sort | [laissé en blanc] | |
29 | La Taupe et les couleurs, fable | Iris, un beau matin | |
30 | Adieux aux Frères Michaud, Sujol et Dobbels | Après ces chants | [laissé en blanc] |
32 | Juin 1858 | Pour clore nos joyeux banquets | [laissé en blanc] |
34 | 1859 - Jeudi-Saint, fête du Chapitre | En savourant ces mets exquis | J'étais bon chasseur autrefois |
Ces chansons contiennent souvent des allusions à une actualité plus ou moins récente.
Certaines de ces allusions sont difficilement compréhensibles aujourd'hui, par exemple (p. 13) :
Honte aux plumes
qu'on achète,
Caméléons complaisants
Qui dînent de la Gazette
Et s'habillent du Bon Sens !
[ndlr : On sait que la Gazette de France fut un journal dont l’orientation politique changea en fonction des régimes en place et dont le ton resta impartial et très prudent ; le quotidien Le bon sens, qui parut jusqu'en 1839, avait été en 1834 accusé de soutenir à la fois la Monarchie et la République, ce qui provoqua un duel célèbre.]
D'autres sont beaucoup plus claires, comme celle-ci (p. 11) qui fait manifestement référence à 1830 :
Mais Juillet a
montré qu'en France,
Pour châtier, et d'importance,
Les suppôts d'un roi très-chrétien,
Le peuple y voit fort bien.