Chansons maçonniques orangistes
On sait que, après l'indépendance de la Belgique en 1830, une partie du pays continua à considérer le roi des Pays-Bas, qui avait régné de 1815 à 1830, comme seul souverain légitime. Ce courant dénommé l'orangisme était particulièrement actif à Gand, surtout dans la grande bourgeoisie dont les intérêts économiques avaient été lésés par la révolution de 1830. La principale Loge de Gand, le Septentrion, et son inamovible Vénérable Metdepenningen furent de véritables piliers de l'orangisme gantois. Ses membres n'étaient pas seulement des citoyens qui révéraient le roi Guillaume, c'étaient aussi des maçons attachés à leur Grand Maître, le prince Frédéric (qui était le frère cadet du prince héritier, également maçon) : ils refusèrent donc l'initiative de ceux qui, rejetant l'autorité de celui-ci, avaient créé en 1833 le Grand Orient de Belgique (auquel ils n'adhérèrent finalement qu'en 1883). Cette résistance gantoise était évidemment ressentie par le nouveau Grand Orient de Belgique comme un caillou dans sa chaussure. Aussi s'appliqua-t-il à créer à Gand une Loge loyaliste, ce qui se réalisa le 28 octobre 1837 avec l'inauguration de la Fidélité. Le discours (cité, pp. 74-9, par Els Witte et Fernand Borné dans Documents relatifs à la Franc-maçonnerie belge du XIXe siècle, 1830-1855, Nauwelaerts éd., 1973) prononcé à cette occasion par le Frère Faider est très révélateur : Il doit être bien aveugle ou bien malheureux celui qui ... se rabaisse au point de mendier un joug étranger et trouve quelque plaisir à vivre sous d’autres lois que celles de ses frères ... les visiteurs s'éloignèrent avec horreur d'Ateliers où, loin d'entendre la parole de vie, ne retentissaient que des paroles de haine et d'une impuissante vengeance. Un recueil orangiste de poèmes et chansons, dû à Charles Froment et Auguste Lebrocquy, et publié en 1838 sous le titre Fleurs d'oranger, précisément à Gand, contient tant des textes maçonniques qu'un texte sur le retour des Nassau, dédié par un abbé à un autre ; une telle coexistence peut surprendre si l'on se rappelle qu'à ce moment la rupture était consommée entre l'Eglise et la maçonnerie. Nous y avons trouvé deux chansons destinées à être chantées en loge :
Leur ton particulièrement politique, polémique et même haineux se trouve extrêmement éloigné des habitudes de tolérance maçonnique et justifie sans doute le reproche de paroles de haine fait par Faider au Septentrion, dont on peut penser, sur base des textes de ces chansons, que l'activité fut sans doute effectivement plus politique que maçonnique. |