COUPLETS sur le même sujet 
(i. e. : Cantique des Santés)

En cliquant ici, vous entendrez le fichier midi, séquencé par B. A., de la partition du bas de page

Ce cantique apparaît pour la première fois, sous le simple titre Couplets, aux pages 31 à 33 du recueil d'Honoré, qui indique comme air Un chanoine de l'Auxerrois et mentionne que l'auteur en est (comme celui des 2 chansons suivantes, aux pages 33 et 35) le Frère Garnier, Procureur au Châtelet, membre de la Loge de Sainte Sophie à l'Orient de Paris.

Celui-ci ne peut qu'être le Germain Garnier (1754-1821) mentionné par Le Bihan (dans son ouvrage Francs-maçons parisiens du Grand Orient de France) comme Procureur au Châtelet de 1779 à 1788 et comme membre de ladite Loge pour les années 1783 à 1786 (mais, le recueil d'Honoré ayant été conçu en 1781, nous voyons ici qu'il l'était déjà auparavant).

Wikipedia nous donne à son sujet les détails suivants:

GARNIER (le comte Germain), économiste, né à Auxerre en 1754, mort à Paris en 1821, fut procureur au Châtelet, puis secrétaire de Mme Adélaïde, sœur de Louis XVI, et fut appelé en 1791 au ministère de la justice, mais il refusa cet honneur et s'expatria en 1793. Sous l'Empire, il fut nommé préfet, comte, puis sénateur, et devint en 1809 président du Sénat. Il a traduit les Recherches sur les richesses des nations de Smith, 1802, et a laissé lui-même plusieurs bons ouvrages d'économie politique : De la propriété dans ses rapports avec le droit politique, 1792 ; Principes d'économie politique, 1796 ; Valeur des monnaies de compte dans l'antiquité, 1817 ; Histoire de la monnaie depuis la plus haute antiquité jusqu'à Charlemagne, 1819. - Son frère aîné, Ch. Garnier, 1746-95, avocat et littérateur, a donné des Proverbes dramatiques, 1784, et a édité le Cabinet des Fées, 41 vol. in-8, 1784 et années suiv., et les Voyages imaginaires, 39 vol. in-8, 1787, etc.    

ndlr : 

  1. ledit Charles Garnier est donné par Le Bihan comme membre des Neuf Soeurs de 1776 à 1782

  2. on trouvera plus de détails encore sur Germain Garnier à la page 124 de l'ouvrage d'Auguste Walras (1831) De la nature de la richesse et de l’origine de la valeur publié sur le site les classiques des sciences sociales de l'Université du Québec.

1

Dans cet agréable réduit, 
Loin des profanes et du bruit, 
L'amitié nous rassemble ;
Sans gène, chagrin ni souci,
Mes frères, livrons-nous ici 
Au bonheur d'être ensemble ;
Et dans notre commun transport, 
Pour signe d'un parfait accord, 
Faisons tous feu,
Faisons tous bon feu, 
Le vrai feu maçonnique.

2

De l'amour les feux séducteurs 
Ni ceux que portent dans les cœurs 
La discorde et la guerre,
Toujours éloignés de ces lieux
Ne font point briller à nos yeux 
Leur funeste lumière :
Amitié, douce égalité, 
Concorde et sage liberté, 
Voilà le feu , 
Voilà, etc.

3

Lorsque dans ses hardis desseins, 
Jadis Promethée aux humains 
Voulut donner une ame, 
Pour former des êtres heureux 
En vain il alla jusqu'aux cieux
En dérober la flamme ;
Son ouvrage eût été parfait 
S'il eût su pour ce beau projet,
Prendre le feu, etc.

4

De quels feux étaient animés 
Ces sept sages si renommés 
Que possédait la Grèce;
Par leur nombre juste et parfait
On voit assez de quel objet
S'occupait leur sagesse ;
Dans leurs banquets si révérés, 
Par Platon jadis célébrés, 
Ils faisaient feu, etc.

5

Dans la fable on voit qu'Appollon 
Pour se faire ici bas Maçon,
Fuit la troupe immortelle ;
Mais bientot le Sénat divin 
Jaloux de son heureux destin 
Près de lui le rappelle, 
Afin qu'au céleste sejour 
Il apprenne aux Dieux, à leur tour, 
A faire feu, etc.

6

Comblé d'honneurs et de renom,
Voltaire,
(1) le plus beau fleuron,
Manquait à ta couronne.
Tu voulus te rendre Maçon,
Et relevant par ce beau nom,
L'éclat qui t'environne,
Malgré ton âge et tes censeurs,
Goûter les plaisirs enchanteurs
De
faire feu, etc.

(1) M. de Voltaire fut reçu Maçon à la Respectable Loge des Neuf-Soeurs, le 7 avril 1778.
(note de bas de page )

7

Que de ce beau feu parmi nous 
De Bacchus le présent si doux
Soit la parfaite image ;
Qu'en ces lieux il fasse à jamais 
Régner la concorde et la paix, 
Liberté toujours sage ;
Et lorsqu'ici tous à-la-fois, 
Nous goûtons ce doux jus par trois, 
Pensons au feu,
Pensons au bon feu, 
Au vrai feu maçonique.

On retrouve ce cantique  aux pages 127 à 129 de l'édition 1787 du Recueil de Cantiques du Manuel des franches-maçonnes ou la vraie maçonnerie d'Adoption. Mais sans le couplet 6, relatif à Voltaire.

On le trouve également - sous la même forme amputée de son couplet voltairien - aux pages 191 à 193 (nous ne reproduisons que la première d'entre elles) du Code récréatif, où il fait suite au Cantique des Santés 

Grenier a-t-il simplement copié une édition du XVIIIe ne comportant pas ce couplet 6 ? Ou bien Voltaire était-il quelque peu passé de mode sous l'Empire ?

On trouve encore (pp. 68-71) le même cantique, également à la suite du Cantique des Santés classique, et dès lors avec ici également le titre Couplets sur le même sujet, au Nouveau Recueil de chansons francs-maçonnes de 1810 et à la Lyre maçonnique de 1809, toujours sans le couplet 6.

Mais à la Lyre, cette fois non seulement le couplet 6 manque, mais également le couplet 2. En outre, l'éditeur a ajouté en note, non sans quelque cuistrerie : Dans ce dernier couplet, l'auteur fait rimer fois avec fois, et dans tous les autres ne donne pas de rime à feu et au mot maçonnique ; mais nous avons cru devoir conserver ce Cantique pour les idées qu'il renferme.

Il semble que Voltaire fasse l'objet d'une plus grande considération au moment où les idées libérales seront à nouveau plus à l'honneur dans la franc-maçonnerie française.

A la p. 223 de sa Morale de la Franche-maçonnerie en 1827, Bazot donne en effet deux couplets (dont celui à Voltaire) de cette chanson, en mentionnant qu'il l'a trouvée dans l'état du Grand Orient de France de 1779, aux pp. 72-5 de sa 2e partie.

Et on la retrouve aussi à la Lyre des francs-maçons de 1830 (pp. 114-6), cette fois au complet (mais avec inversion des deux derniers couplets) ; on relève aussi quelques différences dans le texte (particulièrement au 2e couplet) ; le titre est explicite : Couplets chantés à la Loge des Neuf-Soeurs lors de la réception de Voltaire, en 1778.

  

C'est cette version qui se retrouve au n° 28 de ce carnet manuscrit.

Nous avons trouvé la partition (adaptation de Marcel Huart, version et harmonisation de Francis Casadesus) dans le Recueil de chansons maçonniques publié en 1918 par la Loge Ernest Renan du Grand Orient de France, qui lui donne comme titre les Santés maçonniques (et qui, ayant exclusivement puisé dans le Manuel des franches-maçonnes, continue d'oublier le couplet sur Voltaire) :

Cliquez ici pour voir (pdf) la même partition, remise en forme par B. A.

Retour au sommaire du Code récréatif :

Copie de Gr00.gif (4742 octets)

Retour au sommaire du recueil d'Honoré :

Retour au sommaire du Recueil de la Loge E. Renan :

couv.gif (4209 octets)