aux Illustres Sœurs de Sainte Joséphine

 Cliquez ici pour entendre le fichier midi de la partition de Trouverez-vous un parlement ?, séquencé par Christophe D.

Ces Couplets figurent aux pages 187-8 de la Lyre maçonnique pour 1809.

On doit à l'auteur, Cadet de Gassicourt, beaucoup de chansons (qu'il a souvent publiées sous le pseudonyme de Charles Sartrouville), mais nous n'en avons encore trouvé que celle-ci qui ait un caractère maçonnique. Les couplets sont de 8 vers de 8 pieds, comme c'est habituel chez lui.

Le sujet (faire, avec moult flatteries, une cour empressée aux Soeurs de la Loge d'Adoption) n'a rien d'original pour l'époque, mais il est ici gentiment troussé.

AUX ILLUSTRES SŒURS

DE SAINTE JOSEPHINE.

AIR : De Molière à Lyon

Ou : J'avais jeté les yeux sur vous.

POUR obtenir un grand secret, 
Dans notre temple, chaque frère 
Fait le serment d'être discret : 
Souvent ce serment coûte à faire ! 
Sœurs trop aimables, dites-nous 
Le secret de toujours vous plaire, 
Et dans l'instant, à vos genoux, 
Nous allons jurer de nous taire. 

Avec un bandeau sur les yeux, 
Quand un profane se présente, 
De revoir la clarté des cieux 
Son âme est très-impatiente. 
S'il est jaloux de s'éclairer 
Pour pénétrer notre mystère, 
C'est aussi pour vous admirer 
Qu'il soupire après la lumière.

Les Grâces n'étaient point trois sœurs, 
Comme l'a dit le bon Homère : 
On trouve aussi beaucoup d'erreurs 
Dans les annales de Cythère. 
Certes Vénus ici dirait 
De chaque belle : Elle est ma fille ! 
Le bon Homère sommeillait, 
Quand il a compté ma famille. 

Par le Frère C. L. CADET-GASSICOURT, 

Orateur Adjoint. 

Comme on le voit ici, la Loge Sainte-Joséphine était avec Saint-Napoléon l'une des plus prestigieuses du Paris impérial. On trouvera ici une autre chanson lui dédiée.

On trouve sur le web de multiples utilisations de l'air De Molière à LyonMolière à Lyon est manifestement une pièce, dont nous n'avons pas trouvé trace, mais qui contenait l'air (de Doche) Trouverez-vous un parlement ? (n° 572 de la Clé du Caveau) et aussi l'air Que d'orgueil prompt à s'enivrer (que nous n'avons pu identifier).

Nous n'avons pas trouvé d'air intitulé J'avais jeté les yeux sur vous. Tout au plus avons-nous noté que cette phrase est un vers d'un air de Fanchon la Vielleuse (1803) se chantant sur Dans ce salon où de Pousin. Dans ce sal[l]on où du Poussin est donné par la Clé du Caveau sous le n° 794 comme titre alternatif de l'air du vaudeville de Florian.

Le premier couplet sera reproduit en 1835 à la colonne 164 de L'Univers maçonnique

Cadet de Gassicourt

L'auteur, Charles Louis Cadet-Gassicourt (1769-1821), sans doute bâtard de Louis XV et fils adoptif d'un officier du Grand Orient, fut avocat, pharmacien (il fut celui de Napoléon), écrivain et chansonnier (notamment au Caveau Moderne). Initialement partisan de la Révolution, il fut ensuite condamné à mort après en avoir dénoncé les excès et ne dut son salut qu'à une cure de clandestinité en province. 

Il s'afficha comme un adversaire déclaré de la maçonnerie en publiant en 1796 Le tombeau de Jacques Molai, ou Histoire secrète et abrégée des initiés anciens et modernes, des templiers, francs-maçons, illuminés, etc. et en 1800 Les Francs-maçons ou Les Jacobins démasqués : Fragmens pour l'histoire. Mais il renia ces écrits et devint un maçon très actif. 

Bègue-Clavel, dans son Histoire pittoresque de la franc-maçonnerie et des sociétés secrètes, écrit (p. 157) que :

... Robison attribue, non à la franc-maçonnerie ordinaire, dont il proclame l'innocence, en Angleterre particulièrement, mais aux hauts grades de toute nature qu'on avait entés sur les trois premiers, le but de renverser les autels et les trônes. Trois autres écrivains adoptèrent ce système. Le premier, Cadet de Gassicourt, le développa, en 1796, dans le Tombeau de Jacques Molay ; le second, l'abbé Barruel, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme publiés en 1799 ; le dernier enfin, l'abbé Proyart, dans un livre intitulé : Louis XVI détrôné avant d'être roi, qui parut en 1800. Toutes les accusations dirigées par ces écrivains contre la maçonnerie ne sont qu'un tissu d'erreurs ou de calomnies. Il est bien vrai que les emblêmes et le but apparent de la plupart des hauts grades pouvaient, jusqu'à certain point, motiver de graves soupçons contre les actes de la société maçonnique ; mais aucun fait solidement établi ne les a jamais justifiés. D'ailleurs ceux des auteurs qui ont attaqué la franc-maçonnerie avec le plus de violence, Barruel, Lefranc, Proyart et Cadet de Gassicourt, n'appartenaient pas à cette société, et n'avaient pu par conséquent donner un témoignage sérieux des accusations qu'ils articulaient. L'un d'eux, Cadet de Gassicourt, confessa depuis que, dans le Tombeau de Jacques Molay, il n'avait fait que reproduire, en les amplifiant, les assertions de l'abbé Lefranc et de Robison. Il sollicita même son initiation dans la maçonnerie, qui eut lieu en effet, en 1805, dans la loge de l'Abeille, à Paris. Il exerça successivement dans cette loge les fonctions d'orateur et celles de vénérable. En 1809, étant orateur adjoint de la loge de Sainte-Joséphine, il alla jusqu'à prononcer l'éloge de ce même Ramsay dont il avait attaqué les hauts grades avec tant de véhémence et d'indignation. 

La Loge de l'Abeille est celle qui est devenue en 1806 l'Abeille Impériale. Clavel se trompe peut-être en datant de 1805 l'initiation de Gassicourt : à cette date, celui-ci était en effet, selon certains, le Vénérable de ladite Loge. Dans son ouvrage Les francs-maçons au théâtre : de la Révolution à la Belle Epoque (Véga, 2011), François Cavaignac affirme (à tort, puisque cette Loge fut fondée en 1802) qu'il fut initié - manifestement bien avant 1797 - à la loge l'Abeille.

La date d'initiation de 1805 à l'Abeille est cependant confirmée ici par un de ses descendants, qui mentionne également qu'en 1809, comme on le voit ci-dessus, il était Orateur-adjoint à Sainte-Joséphine, où il prononça un éloge de Ramsay.

Mollier signale également son appartenance aux Frères Artistes.

Pierre Mollier consacre à Gassicourt le chapitre IX (qui est une de nos sources pour cette page) de son livre Curiosites Maconniques, sous le titre Quand un antimaçon devient un excellent Frère : le chemin de Damas maçonnique de Charles-Louis Cadet de Gassicourt.

 

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