Autres [Couplets d'un jour d'élection]

par le même Frère en 1759

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Cette page est la p. 458 de La Lire Maçonne. C'est l'édition 1766 qui est reproduite ici, mais l'édition 1775 ne différera que par une mise en page un peu plus aérée.

D'une commune ardeur, 
Dans ce jour d'allégresse,
Chantons notre bonheur ; 
Exaltons la sagesse, 
Qui de notre tendresse, 
Va resserrer les nœux ; 
Puisse-t-elle sans cesse, 
Remplir ainsi nos vœux! 

Lieutenant de Thémis
Grand-Maître respectable, 
C'est à vos bons avis,
Qu'on en est redevable. 
Un silence admirable 
Succède à votre aspect ; 
On voit régner à table, 
L'amour & le respect.

D'Orient, d'Occident
Vous unissez l’hommage. 
Si Bengale vous rend 
Son rare témoignage, 
Saint Eustache, à l'Ouvrage, 
S'applique avec ferveur ; 
Et notre voisinage, 
Bénit votre douceur.

D'un but si glorieux, 
Poursuivez la carrière ; 
Répandez en tous lieux, 
La paix & la lumière. 
Moins en Maître qu'en Père 
Dispensez vos leçons,
Pour peupler l’hémisphere, 
De dignes Francs-Maçons.

Il s'agit, comme à la page (et à l'année) précédente, de couplets pour un jour d'élection dont l'auteur est le Frère du Bois.

La mention en 1759 dans le titre permet de savoir que le nouveau Grand Maître auquel la chanson s'adressait était le baron Van Boetzelaer

Il est à noter que l'édition de 1787 ne reprendra plus cette mention. 

Les mots (3e couplet) D'Orient, d'Occident / Vous unissez l'hommage / Si Bengale vous rend / Son rare témoignage / Saint Eustache à l'ouvrage / S'applique avec ferveur méritent une tentative d'explication. On sait que l'activité maçonnique s'est rapidement répandue dans les colonies par le transfert, ou le passage, de fonctionnaires, de militaires et de commerçants. Il en a bien été ainsi dans les colonies hollandaises : le Grand Orient des Pays-Bas comprend d'ailleurs, encore de nos jours, pas mal de Loges extérieures, et bien d'autres - notamment en Afrique du Sud et en Indonésie - qui avaient été fondées sous ses auspices ne sont actuellement plus en activité ou ont été absorbées par les Obédiences locales (cfr. la liste des slapende loges - Loges en sommeil - sur la page Wikipedia correspondante).

Cette activité maçonnique ne débouchait pas nécessairement - du moins pas immédiatement - en constitution de Loges, mais elle était connue et suivie au pays d'origine. C'est sans doute à elle que se réfère ce couplet. On sait d'ailleurs qu'une Loge (dénommée Salomon) aurait été fondée (mais reconnue plus tard que 1759) au Bengale par des Hollandais, et que Saint-Eustache est une des Antilles néerlandaises, ensemble d'îles comprenant Curaçao - dont il se trouve que Van Boetzelaer était précisément gouverneur.

C'est donc bien à l'Est comme à l'Ouest de l'hémisphère nord (cfr. avant-dernier vers) que le Grand Orient des Pays-Bas étendait son influence, à l'image du pays lui-même (ci-dessous la carte, empruntée à Wikipedia, de l'empire colonial des Provinces-Unies).

Comme indiqué, l'air (qui est aussi celui de la p. 138, laquelle en donne la partition) est le célèbre air de la béquille.

Le recueil de la Veuve Jolly donne (pp. 55-6) la même chanson, sans partition mais avec la même référence d'air (la Béquille) que la Lire, avec le titre Couplets chantés en Grande Loge le 23 décembre 1759 à l'honneur du Grand Maître et avec un texte presque identique.

La même chanson sera récupérée en 1768 par la Lyre maçonne ou recueil choisi des plus jolies chansons dédiées à M. le M... de G... (ndlr : Marquis de Gages) Grand-Maître des Loges jaunes dans les Pays-Bas, pp. 179-80, avec la même indication d'air, mais avec le titre Autre pour le Grand Maître des Orients des Pays-Bas ; cependant, il s'agit ici des Pays-Bas autrichiens et le Grand Maître en est Gages lui-même, comme en témoigne le changement des vers 3 et 4 du couplet 2 de C'est à vos bons avis qu'on en est redevable en G... à vos bons avis on est très-redevable

Mais, si notre interprétation ci-dessus du couplet 3 est exacte, le sens de ce couplet semble avoir complètement échappé à celui qui a transposé pour Gages la chanson dans les Pays-Bas autrichiens (totalement étrangers à toute politique de colonisation), puisqu'il a maintenu la mention du Bengale. Par contre il a, pour des raisons que nous n'avons pas comprises, remplacé Saint Eustache par Saint Jérôme (qui n'est pourtant pas un des prénoms de Gages).

Dans la version initiale, cette chanson figurera également (pp. 285-6) dans La Muse maçonne de 1806 (Amsterdam), sous le titre Autres couplets d'un jour d'élection.

 

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