Anna Amalia zu den drei Rosen (Weimar)
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La Loge de Weimar
Anna Amalia zu den drei Rosen
fondée en 1764 est toujours en activité.
Elle connut des interruptions, de 1782 à 1808 et, comme toutes les loges allemandes, pendant le nazisme. Elle compta parmi ses membres Goethe, Wieland, Bode, Hummel, Herder, Moltke, Carl Eberwein, Jungmann. Sur ce site sont mentionnées diverses compositions concernant cette Loge : La Loge a édité en 1851 son propre chansonnier (avec partitions). |
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A Weimar, la première loge avait été érigée le 24 octobre 1764, jour anniversaire de la duchesse mère Anna Amalia (1739-l807) dont elle prit le nom Anna Amalia zu den Drei
Rosen. Le premier vénérable de l'atelier fut le baron Jakob von Fritsch (1731-1831), Eques a
Clypeo, président du Conseil privé ducal (1767-1800). La capitale du duché de Saxe-Weimar-Eisenach était alors une petite ville endormie [10 000 habitants] avec une cour étriquée et une vie culturelle et commerciale modeste. Nièce du Grand Frédéric, sœur du prince Friedrich August (1740-1805) de Brunswick, cité plus haut, veuve en 1758 du duc Ernst August II de Saxe-Weimar Eisenach (1739-1758), Anna Amalia exerça la régence au nom de son fils Charles Auguste (1757-1828). Mécène lettrée, pianiste et compositrice, elle tint un salon littéraire fameux, le
Musenhof, et prépara Weimar à devenir une "Nouvelle Athènes". Elle fit venir, pour éduquer son fils aîné, le poète Christoph Martin Wieland (1733-1813), futur éditeur du
(Neuer en 1789) Teutscher Merkur (1773-1810), mais longtemps rétif vis-à-vis de la franc-maçonnerie. Dès que le prince eut dix-huit ans (1775), Anna Amalia lui céda le pouvoir. Le souverain épousa la même année Louise Augusta de Hesse-Darmstadt dont les trois frères furent maçons.
Au même moment, Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), tout auréolé du succès de sa pièce Götz von Berlichingen (1773) et de son roman Die Leiden des jungen Werther (1774), s'installa à Weimar où il devint attaché, puis conseiller du jeune duc. L’année suivante, il fit nommer son ami le philosophe et théologien Johann Gottfried Herder (1744-1803), fait maçon à Riga et rallié à la Stricte Observance Templière, surintendant général du consistoire luthérien et conseiller ecclésiastique de la cour. Le pasteur ne quittera plus Weimar. Son œuvre devra se lire à travers l'amitié et la collaboration avec Goethe … Dans un premier temps, la loge de Weimar regroupa des nobles et administrateurs du duché, plutôt jeunes et d'esprit réformateur. Elle reçut divers notables, notamment Friedrich Justin Bertuch (1747-1822), secrétaire particulier du duc et futur éditeur de l'Allgemeine Literatur Zeitung (1785-1849). Elle connut un regain d'activité avec l'arrivée à Weimar, en 1779, de Johann Joachim Christoph Bode (1730-1793), procurator generalis de la VIIe Province, de la Stricte Observance Templière (1766). Secrétaire particulier de la veuve de l'ancien ministre danois des Affaires étrangères, la comtesse Charitas Emilie von Bernstorff (1733-1820), qui tint salon à Weimar, il suivit son employeuse dans la cité thuringienne où il occupera diverses fonctions diplomatiques au service de principautés allemandes. Tout en devenant vénérable (1782-1786) de sa loge-mère hambourgeoise Absalom, il se montra particulièrement actif au sein de ladite Observance. Rapidement, il s'aboucha avec Goethe. Ce dernier s'informait en réalité des orientations que Bode donnait à la loge. Le futur auteur du Faust désirait faire recevoir le prince régnant en franc-maçonnerie mais, en bon tout nouveau commissaire à la guerre, il voulait savoir le sérieux de l'institution. Goethe franchit le pas. La lettre qu'il adressa en janvier 1780 au vénérable von Fritsch montrait une vraie empathie pour l'Ordre … Lors de la présentation de sa candidature en franc-maçonnerie, le président ministre Fritsch, un tantinet jaloux de ce jeune rival, n'était guère enthousiaste. Goethe fut néanmoins fait maçon le 23 juin 17803, Bode tenant le premier maillet pour la circonstance ... Bon frère, il fut augmenté compagnon le 23 juin 1781. Le prince Carl fut reçu le 5 février 1782 en présence du duc régnant Ernest Il de Saxe-Gotha et Altenbourg, ancien grand maître de la Grande Loge Nationale sise à Berlin (1775-1776) et de son frère le prince Peter August (1747-1806). Un mois plus tard, Goethe fut exalté à la maîtrise le 2 mars et le prince régnant reçut les deux derniers grades « bleus ›› deux jours après. Avec le quatuor du Weimarer Klassik (Goethe, Herder, Schiller, Wieland), ce fut le temps de la décennie "géniale", comme la nomme joliment Jean Delinière. Néanmoins, la cité connut une certaine stagnation économique et sociale. Ce fut également le moment de la mise en sommeil de l'atelier. Comme dans d'autres orients, la loge de Weimar fut secouée par les débats internes de la franc-maçonnerie allemande. Le pouvoir jugea plus prudent d'en suspendre les travaux, le 24 juin 1782, dans l'attente du bilan du convent de Wilhelmsbad qui devait s'ouvrir en juillet. En septembre, les résultats ne parurent pas probants au prince Carl et au ministre Fritsch, qui maintinrent la suspension. Peut-on classer cette interdiction, prise par deux maçons membres de la loge, comme une mesure latomophobe, d'autant qu'Anna Amalia avait toujours maintenu son caractère aristocratique, mondain et légitimiste (les intellectuels qui la fréquentaient comme Baruch, Bode, Goethe, Herder, Musäus ou Wieland relevant de la cour) et son caractère libéral, ouvert et raisonnablement réformateur ? Une partie des anciens (ou futurs) maçons, dont Goethe, se retrouva, à la suite de Bode, chez les illuminaten. (extraits du Tome II (cfr pp. 122-5) de l'Europe sous l'acacia par Yves Hivert-Messeca (Dervy, 2012) |