Gaussoin

Auguste Gaussoin (1814-1846) fut pédagogue, compositeur et musicographe.

Dans l'ouvrage de Els Witte et Fernand V. Borné, Documents relatifs à la franc-maçonnerie belge du XIXe siècle, 1830-1885, on lit (p. 130) qu'Auguste Gaussoin, artiste musicien :

la Société des concerts du peuple

Sur cette société, on peut lire les pp. 151-4 du 2e semestre 1837 de la Belgique littéraire et industrielle, revue dont Gaussoin était un des fondateurs.

Le soutien apporté à Gaussoin par sa Loge, dès sa réception, est caractéristique de la préoccupation d'éducation populaire qui se manifeste à l'époque dans beaucoup de Loges belges et qui atteste - même si sa forme nous paraît aujourd'hui bien paternaliste - d'une ambitieuse volonté d'amélioration de la Société, volonté qui marque une évolution de la maçonnerie à ce moment.

Le discours prononcé par Gaussoin lors de l'inauguration de la Société (il n'était pas encore maçon, mais allait rapidement le devenir) est à cet égard si exemplatif qu'il nous a semblé mériter d'être reproduit ici :

Messieurs,

Avanl de commencer le cours de musique qui nous réunit aujourd'hui, je crois nécessaire d'entrer dans quelques explications sur le but que nous voulons atteindre, et sur les résultats que nous espérons obtenir par la création de la Société des concerts du Peuple.

Frappés des immenses avantages que retirent les classes aisées de la société de l'instruction qu'elles sont à même d'acquérir, nous avons voulu que le peuple pût à son tour les partager avec elles. Les cours gratuits que nous venons d'établir, avec le secours des hommes amis du progrès, étaient les seuls moyens propres à obtenir ce résultat. Au nombre de ces différents cours dans lesquels on vous enseignera les langues française et flamande, l'écriture, l'arithmétique, la géométrie élémentaire et l'histoire populaire de la Belgique, nous avons cru indispensable d'admettre la musique.

La musique, en effet, n'est plus considérée de nos jours comme un simple art d'agrément : de même que la peinture, elle est placée au rang des arts utiles. 

La considération générale qui s'attache à l'artiste est la meilleure preuve de ce que j'avance ici.

L'homme inutile ne parvient point à attirer sur lui cette estime générale que l'on n'accorde qu'à des facultés supérieures, qui ne se développent que par l'éducation. Est-il juste de priver le peuple des bienfaits de l'instruction ? Ne lui présenter que celle nécessaire aux plus simples actes de la vie, n'est-ce pas vouloir l'empécher à jamais de concourir à nous faire atteindre le but que se proposent les sciences et les arts : le progrès ?

Pour avancer dans cette voie qui s'ouvre pour tous, différents chemins sont praticables : que l'on s'applique avec persévérance aux travaux d'un simple artisan, à ceux de l'écrivain ou de l'artiste, on parviendra par son travail à perfectionner ce que l'on aura entrepris, et par conséquent on aura rendu service à la société tout entière. Mais pour exceller dans une profession, il faut que l'on vous présente non-seulement la connaissance des travaux manuels, mais encore celle de quelques parties des sciences et des arts.

La société entend-elle ses intérêts en ne recherchant point jusque dans la classe ouvrière ces intelligences cachées qui ne demandent qu'une main protectrice pour éclore et faire de grandes choses ? Non, certes, et les professeurs de l'établissement que nous ouvrons aujourd'hui ne perdront point leur temps, en développant par la culture des sciences et des arts, ces facultés que plusieurs d'entre vous possèdent et qu'ils ignorent sans doute.

Quant aux résultats que nous espérons obtenir par notre cours de musique, ils sont aisés à concevoir. Persuadés que les facultés musicales sont également réparties entre les hommes, nous avons voulu les rechercher principalement parmi le peuple, qui forme la majorité de la société. Nous croyons rendre service à notre pays, en faisant descendre dans l'arène où se débattent les grands intérêts de l'intelligence, de nouveaux combattants dont les forces nous sont inconnues jusqu'à ce jour. Vous y appeler, c'est vous ouvrir la carrière pour laquelle vous avez peut-être le plus de dispositions, peut-être celle où le plus bel avenir vous est réservé. C'est vous montrer, en un mot, le chemin des honneurs et de la fortune auxquels tous les hommes ont droit.

Mais s'il en est parmi vous dont les dispositions naturelles ne répondent point aux efforts que nous tentons pour les diriger vers ce but élevé, ce temps que vous consacrerez aux études musicales ne sera point entièrement perdu. Indépendamment de l'état qni vous fait vivre, vous trouverez dans la musique une douce compensation à vos travaux pénibles. Vous sentirez par cet art vos idées s'agrandir, vos cœurs éprouveront le besoin de relations douces et intimes, et votre existence sera rendue plus heureuse par les bienfaits de l'instruction.

Travaillez ! et ceux qui se placeront aux premiers rangs de cette école honoreront la Belgique. Travaillez, et vous verrez alors toutes les classes de la société également honorées et respectées !! 

Education musicale populaire

La question de l'éducation musicale des masses populaires (et de l'élaboration de méthodes nouvelles pour la faciliter) est à ce moment une préoccupation majeure pour de nombreux musiciens, parmi lesquels on reconnaîtra plus d'un maçon belge, comme Snel, Raoux et Paquié

Fétis, dans le chapitre 9 de son ouvrage La Musique mise à la portée de tout le monde, exposé succinct de tout ce qui est nécessaire pour juger de cet art, et pour en parler sans l'avoir étudié, écrit notamment :

Les méthodes d'enseignement de la musique ne peuvent avoir pour but que deux résultats, à savoir, de former des artistes, et de donner aux masses populaires des notions de chant.

et particulièrement, à propos de la méthode de Wilhem :

La bonté, la fécondité de la méthode de B. Wilhem se démontrent par ses résultats, qui sont certainement ce qu'on pouvait désirer de plus satisfaisant. Partout où l'on voudra répandre dans le peuple les notions d'un art destiné à le rendre meilleur, à lui procurer de pures jouissances, et à dépouiller ses habitudes de ce qu'elles ont de grossier, cette méthode sera employée avec succès et fera bientôt reconnaître ses avantages. Le moment est favorable pour sa propagation, car de toutes parts on voit les autorités s'empresser d'accueillir dans leurs localités l'enseignement de la musique au nombre des éléments de l'éducation populaire.

Dans le Guide du chant choral en Wallonie et à Bruxelles, Robert Wangermée commente ce texte de la manière suivante :

Ce texte énonce les principaux arguments qui devaient être utilisés tout au long du XIXe siècle pour justifier la volonté d'inculquer à des masses la pratique et la compréhension d'un art savant. Il ne s'agissait pas seulement d'initier des ignorants aux mystères d'un langage complexe et à des plaisirs esthétiques nouveaux. On voulait en même temps les faire accéder à un niveau moral supérieur, convaincu que l'on était que le Bien était nécessairement lié à la Beauté.

Témoignage un peu cocasse du paternalisme avec lequel cette question était vue, cet extrait (également cité par Els Witte, p. 167) du Tracé de la Tenue du 25 août 1838 aux Amis Philanthropes :

Le Frère Coquilhat favorise l'Atelier d'un morceau d'architecture sur l'utilité de la musique afin de polir les moeurs des indigents relégués dans les colonies agricoles et des résultats qu'il en a obtenus lorsqu'il était chargé de leur instruction.

NB : Jacques-Philippe COQUILHAT (1772-1840), ancien officier français naturalisé belge, fut selon le Dictionnaire des hommes de lettres, des savans, et des artistes de la Belgique (p. 26) :

instituteur en chef des colonies agricoles en Belgique. Il a publié : Colonies agricoles de bienfaisance à Merxplas-Ryckevorsel (Revue Encyclopédique Belge, t. V, 3° livraison, 2° année, septembre, 1834).

On peut lire ce texte ici

On peut voir par ailleurs que Gaussoin

Henri Vanhulst signale ici (p. 15) qu'il collabora à partir de 1842 à la revue La Belgique musicale dont il devint propriétaire en 1843, et qu'il mourut en janvier 1846.

Tout cela nous est confirmé par Fétis dans le 1er volume de son Supplément :

GAUSSOIN (Auguste-Louis), professeur et compositeur, né à Bruxelles le 4 juillet 1814, est mort en cette ville, subitement, le 11 janvier 1846. Son père, français de naissance et d'origine, neveu du célèbre mathématicien Bezout, était devenu professeur au lycée de Liège, puis à celui de Bruxelles, et s'était fait naturaliser belge en 1814. Le jeune Gaussoin reçut une instruction littéraire très-soignée, ce qui ne l'empêcha pas de se livrer avec passion à l'étude de la musique. Il reçut d'abord des leçons de solfège de M. Masset, le futur ténor de l'opéra-comique, puis compléta son éducation musicale avec M. Snel, à l'athénée de Bruxelles. Après avoir entrepris l'étude du chant, que l'état de sa santé ne lui permit pas de continuer, il se livra à la composition, prit des leçons d'harmonie de Charles-Louis Hanssens, et apprit la fugue avec Fétis. Nommé répétiteur de la classe d'harmonie au Conservatoire de Bruxelles, la maladie l'obligea de renoncer au professorat. Il partagea alors son temps entre la production musicale et des travaux littéraires, composant de nombreuses romances et dirigeant plusieurs journaux, l’Annonce, la Belgique littéraire, l'Enclume, etc. En 1837, il créa à Bruxelles les concerts du peuple, ouvrit ensuite, à l'école communale de Saint-Josse-ten-Noode, un cours de chant d'ensemble pour les ouvriers, et enfin, en 1843, devint propriétaire du journal la Belgique musicale, dont il releva l’importance artistique, et dans lequel il inséra une Histoire de la musique belge, ouvrage considérable qui l'obligea à de laborieuses recherches dans les bibliothèques de Munich, Mayence, Darmstadt et Strasbourg, et dont plusieurs chapitres furent reproduits en France et traduits en Hollande et en Allemagne. 

Outre de nombreux morceaux de musique légère, dont quelques-uns ont paru dans divers recueils : l’Artiste, l’Orphée, l’Album de Chant, on connait de Gaussoin les compositions suivantes : 1° Sérénade pour orchestre, exécutée par les élèves du Conservatoire de Bruxelles pour fêter la nomination de Fétis à la direction de cet établissement; 2° Album lyrique, publié à Bois-le-Duc ; 3° la Chute des Feuilles, Élégie, exécutée à la société de Sainte-Cécile ; 4° le Poète mourant, cantate chantée en 1836, par Canaple, à un concert donné à la société de l'hôtel d'Angleterre; 5° la Mort du Contrebandier, cantate exécutée à la société des Arts ; 6° Album de chant, publié à Bruxelles en 1843 ; 7° Ouverture à grand orchestre, exécutée en 1842 à un concert de la société philharmonique, et faisant partie d'un opéra inédit. 

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