Fétis
Voici ce que
dit Fétis de Scheibe dans son Tome 7 :
SCHEIBE (Jean-Adolphe), naquit à Leipsick, en 1708. Doué d'heureuses dispositions pour la musique, il
commença l'étude de cet art dès l'âge de six ans. A la même époque, il eut le malheur de perdre
l'œil droit par l'inadvertance d'un ouvrier, dans l'atelier de son père. A neuf ans, il se
livra à l'étude du clavecin, mais il ne put le faire d'une manière suivie qu'après avoir
atteint sa quatorzième année. En 1725, il suivit les cours de droit de l'université, après
avoir achevé ses humanités au collège de Saint-Nicolas ; mais bientôt la ruine de son
père l'obligea à les abandonner pour la musique, qui lui offrait des ressources plus
immédiates. Il reprit donc avec ardeur ses exercices sur le clavecin et sur l'orgue, dans
l'espoir d'obtenir une place d'organiste. Plusieurs devinrent vacantes à Leipsick, mais malgré
ses efforts il ne put parvenir à en obtenir une seule. Désespérant de réussir dans
cette
carrière, il crut qu'il serait plus heureux dans la composition, qui partagea ses travaux avec la
théorie de la musique. Après avoir donné pendant quelques années des leçons de clavecin à
Leipsick, il fit, en 1735, un voyage à Prague et à Gotha. Après un court séjour à
Sondershausen, il se rendit à Hambourg, dans l'espoir d'y être employé comme compositeur à l'Opéra ;
mais ce spectacle ayant été fermé peu de temps après, Scheibe entreprit la publication d'un
écrit périodique intitulé le Musicien critique, dans l'espoir que la littérature de l'art lui serait
plus utile que l'art lui-même. Malgré quelques tracasseries, la fortune sembla lui devenir plus
favorable, en 1740, qu'elle ne l'avait été jusque-là, car le margrave de Brandebourg-Culmbach le nomma son maître de chapelle.
Scheibe, dans cette nouvelle position, n'interrompit pas la publication de son Musicien
critique, qui souleva contre lui d'assez vives attaques de la part de Mizler et de Schrœter,
parce qu'il avail dit, dans un des numéros de cet écrit, que les mathématiques sont
absolument inutiles à la théorie de l'harmonie. La réputation de savant musicien, que lui avait
procurée cette publication, lui fit obtenir, en 1744, la place de maître de chapelle du roi de
Danemark. L'année suivante, il donna une deuxième édition du Musicien critique,
augmentée des discussions que cet écrit avait fait naître. Pendant les douze
ou quinze années qui suivirent, son sort fut heureux, et il se livra à la composition avec beaucoup d'activité ;
mais l'arrivée de Sarti à Copenhague lui fit perdre sa position ; car ses lourdes productions
ne pouvaient lutter avec la musique élégante et facile du compositeur italien. Scheibe fut
mis à la retraite, en 1758, avec une pension de quatre cents écus. Il vécut encore dix-huit
ans, occupé de travaux scientifiques relatifs à la musique, et mourut à Copenhague, au mois
d'avril 1776, à l'âge de soixante-huit ans.
La plupart des compositions de Scheibe sont
restées en manuscrit : elles consistaient en plus de deux cents morceaux de musique
d'église, cent cinquante concertos pour la flûte, composés pour le margrave de
Brandebourg-Culmbach, trente concertos pour le violon, soixante-dix symphonies à quatre
parties, une multitude de trios et de sonates pour le clavecin, un opéra en langue danoise,
des cantates italiennes et allemandes, et beaucoup de chansons. Tout cela parait avoir été
dépourvu d'imagination. On n'a imprimé de cette immense quantité d'ouvrages que ceux-ci :
1°
Tre sonate per il cembalo obligato e flauto traverso, op. 1 ; Nuremberg, in-fol.
2° Musikalische Erquick-Stunden, consistant en six sonates pour flûte et basse
continue ; Leipsick, 1729, in-fol. 3° Thusnelda, opéra danois en quatre actes, avec une préface sur
la possibilité et les qualités d'un bon opéra ; Leipsick et Copenhague, 1749.
4°
Chansons de francs-maçons ; Copenhague, 1749. 5° Cantates tragiques à deux voix, avec
accompagnement de clavecin, précédées d'une préface sur le récitatif en général, et sur les cantates en
particulier ; Copenhague et Leipsick, 1765. 6° Chansons morales pour des enfants, avec
une préface sur ce genre de compositions ; Flensbourg, 1766. Parmi ses compositions
manuscrites, son oratorio de la Résurreclion et de l'Ascension de Jésus-Christ a été
distingué de son temps comme un ouvrage bien écrit.
Scheibe n'a conservé de réputation que par
ses écrits sur la musique. Il y fait preuve non seulement de savoir, mais, ce qui était plus
rare de son temps parmi les musiciens, d'esprit d'analyse et de vues ingénieuses. Par
exemple, il est le premier qui ait dit que l'origine de l'harmonie se trouve chez les
peuples du Nord. Cette assertion, alors si neuve, prouvait que son auteur avait
attentivement examiné la question : elle ne fut cependant pas remarquée ; mais peu de temps après,
Jean-Jacques Bousseau la reproduisit, et les écrivains français la traitèrent d'insoutenable
paradoxe, quoique le fait ne puisse plus être aujourd'hui contesté. Les ouvrages de littérature musicale et de théorie publiés par Scheibe
sont les suivants : 1° Der Critischen Musicus (le Musicien critique), journal hebdomadaire
dont il parut soixante-dix-huit numéros ; Hambourg, 1737-1738, in-8°. En 1745, il
donna à Leipsick une deuxième édition de ce recueil, augmentée de plusieurs dissertations
et de pièces relatives aux discussions de l'auteur avec Birnbaum , Mizler et Schrœter,
quatre parties, grand in-8° de mille cinquante-neuf pages. 2° Abhandlung von den
musikalischen Intervallen und Geschlechten (Traité des intervalles et des genres musicaux),
Hambourg, 1730, in-8° de cent quatorze pages. Dans cet ouvrage, Scheibe considère les
intervalles absolument musicalement et sans aucun rapport avec les proportions mathématiques.
3° Abhandlung von Ursprunge und Aller der Musik, insonderheit der Vokalmusik
(Dissertation sur l'origine et l'antiquité de la musique); Altona, 1754, in-8°
de cent sept pages, avec une préface critique de LXX p. qui peut être considérée comme une des
meilleures productions de Scheibe. 4° Beantwortung der unparteïschen Anmerkungen
über eine bedenkliche Stelle in dem sechsten Stücke des Kritischen Musicus (Réponse aux
remarques sur un passage important du sixième numéro du Musicien critique) ;
Hambourg, 1738, in-8° de quarante pages. Les remarques auxquelles Scheibe répond dans cet écrit sont
celles que Birnbaum avait publiées sur la critique faite par Scheibe des compositions de
J.-S. Bach, qu'il appelle pourtant un grand homme. C'est cette réponse qu'il inséra dans
la deuxième édition de son Musicien critique. 5° Schreiben an die
Herren Verfass. der neuen verschiedener Schriften zur Aufnahme und Verbesserung der
schœnen Wissenschaften und danischen Sprache, die in Sorau heraus kam (Lettre aux
auteurs de l'écrit périodique publié à Sorau sous le titre : Recueil de pièces ayant pour
objet les progrès des sciences et de la langue danoise) ; Copenhague,
1765, in-8° de cinquante-six pages. Une cantate que Scheibe avait composée pour la confirmation du prince
royal de Danemark, et qui avait été critiquée dans le recueil de Sorau, donna lieu à cet écrit.
6° Abhandlung über das Recitativ (Dissertation sur le récitatif), dans la bibliothèque
(allemande) des sciences et des beaux-arts (tome II, pages 209-268, et tome XII, pages
217-266). 7° Ueber die musikalische Composition (Sur la composition musicale), première
partie, contenant la théorie de la mélodie et de l'harmonie ; Leipsick, Schwickert, 1773,
un volume in-4° de six cents pages, avec une bonne préface historique et critique de LX
pages. Cet ouvrage devait avoir quatre volumes ; mais la mort de l'auteur ne lui permit
pas de l'achever. Dans le volume publié, Scheibe traite des intervalles, de l'harmonie à
trois et à quatre parties, de la tonalité, de la modulation, de la mesure et du
rythme. On y trouve une longue analyse du système de Rameau, un bon morceau sur la comparaison
de la tonalité moderne avec les modes des anciens et les tons du plain-chant, un autre sur
les différents systèmes de solmisalion, et un troisième sur les genres chromatique
et enharmonique. Bien qu'on puisse reprocher au livre de Scheibe des longueurs et des redites,
on ne peut refuser à l'auteur l'esprit méthodique et un savoir fort étendu. 8°
Compendium musices theorico-praticum, ou abrégé des règles les plus nécessaires pour la composition.
Le manuscrit de cet ouvrage, qui n'a point été publié, appartient à M. Charles-Ferdinand
Becker, de Leipsick ; il est composé de trente feuilles in-4°. M. Becker le considère comme
un travail destiné a l'instruction des élèves de Scheibe.
Nettl
Dans son ouvrage
Mozart and Masonry, Paul Nettl écrit (pp. 34-5) :
In 1749 appeared the first collection
by a German musician, Johann Adolf Scheibe (1708-1776), whose name is important in the history of Masonic music,
and who also acquired fame of another sort because of his opposition to J. S. Bach. When the organist of the St. Thomas church
in Leipzig, Christian Grabner, died in 1729, several musicians, among them Scheibe, applied for the position. Scheibe was unsuccessful
and the post went to Gorner. Bach was cantor of the church at the time, and a member of the committee which judged
the candidates. Scheibe later moved to Hamburg where he edited a periodical, Critischer
Musicus, in whose sixth issue he attacked Bach violently, calling his music "as tortuous as it is futile because
it is contrary to all reason." Bach replied by composing one of his most beautiful secular cantatas,
The Contest between Phoebus and Pan. In this cantata he mocked Scheibe, representing him by the
character of Midas, much as Wagner satirized the critic Eduard Hanslick, who had attacked him, in the figure of Beckmesser in
Die Meistersinger.
It is to Brother Scheibe's great credit that he did his best to
rectify his error some years later. The following passage appeared in Critischer Musicus on July 28, 1739:
"Some time ago in a famous city there lived a person whom I
can describe very accurately because I have been close to him since childhood and know him as well as myself. Let us call him Alfonso.
Circumstances forced him to make his living by music. As he made progress, he began to feel envious of the advantages
of others. And when he heard the ability of experienced men praised, he would envy them simply because he did not possess
the same skill. Later this envy, which had held him captive, changed to ambition, which spurred him on to the emulation of
famous men. Thus he gradually overcame his weakness and was able to hear others praised without blushing. Finally, he became
able to extol them himself and to acknowledge their right to fame."
This act was truly in the Masonic spirit. Scheibe was one of the
most formidable theorists and critics of his day. One of his lasting claims to fame is his theory that polyphonic music originated in
the North of Europe, an opinion that has never been discarded. Scheibe was less important as a musician, however, and Masonic
music would be richer today if his adversary Bach had entered the Craft.
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