Le serment à la Fraternité
Ce cantique est un des deux que nous avons trouvés dans l'ouvrage Le chansonnier belge, choix de chansons des poëtes belges, suivi d'un choix de chansons françaises, édité à Bruxelles en 1850 et décrit plus en détail à un autre page de ce site. Il y occupe les pp. 239-41.
Il n'y a pas d'indication d'air - ce qui est normal puisque, comme on le verra plus bas, il y avait une partition spécifique (sans doute perdue) -, et l'auteur n'est ici désigné que par les initiales A. L.
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Le serment à la fraternité A ce banquet je ne vois que des
frères, Fraternité, c'est toi qui nous obliges Nous, Francs-Maçons qui n'avons qu'une mère
; Si le jour vient, jour de sublime épreuve
; Pour qu'il nous reste au moins de la jeunesse A. L.
On remarquera que, près de 10 ans après la condamnation de la maçonnerie par les évêques belges, l'auteur fait preuve (cfr couplet 2) de sentiments très chrétiens (et ce n'est pas la gravure ci-contre, choisie par l'éditeur du recueil, qui démentira cette impression !) : persuadés que c'est par erreur qu'ils ont été condamnés, beaucoup de maçons belges gardent en effet à ce moment un esprit profondément religieux, et ce n'est que plus tard que l'opinion maçonnique deviendra majoritairement areligieuse, et même parfois antireligieuse. Un phénomène analogue se produira bientôt en France. On lira avec intérêt à ce sujet le chapitre Le franc-maçon et le chrétien à la page Wikipedia concernant Verhaegen.
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Nous disposons de deux autres témoignages de l'existence de ce cantique.
Tout d'abord, exactement comme la chanson voisine Les Francs-Maçons, et comme en témoigne l'extrait ci-dessous, elle se trouve aussi (avec quelques variations, principalement dans la ponctuation) dans un cahier manuscrit autographe (non daté) de la main de Félix Bovie, qui est la propriété du Musée belge de la Franc-maçonnerie. Ce cahier comprend aussi une 3e chanson qui, elle, porte la signature de Bovie et dont on peut donc lui attribuer la paternité. Mais les deux autres textes semblent être plutôt des transcriptions qu'il aurait effectuées, et celui-ci ne saurait en tout état de cause pas être de lui, puisque, comme indiqué plus bas, nous en connaissons l'auteur.
Il faut donc supposer que Bovie aurait copié ce texte - éventuellement pour le chanter lui-même - après l'avoir trouvé à son goût. Dans ce cas, les différences par rapport à la version imprimée donnent l'impression qu'il s'agit d'une transcription à l'audition plutôt que d'une copie sur document.
Mais le même Musée détient aussi un imprimé qui nous donne beaucoup plus de détails sur les circonstances de création de ce cantique ; en voici un détail :
Nous y voyons :
que l'auteur A. L. s'appelle en réalité A. Lafontaine
que le compositeur de la partition est le Frère J. B. Katto
que la date de création est en 1847 (le 10 juillet, si nous lisons bien)
que la Loge était celle des Amis Philanthropes.
En outre, nous avons pu identifier le chanteur : le Frère L. Théremin sera en effet le Grand Secrétaire du Grand Orient de Belgique en 1854 (David Vergauwen, dans son ouvrage Maçonnieke chansons in negentiende-eeuws België, nous apprend en outre qu'il fut en 1848 un des fondateurs de la Loge louvanistede La Constance).
On remarquera que sur ce document - qui émane d'une Loge - les abréviations maçonniques sont abondamment utilisées.
Le texte se trouve reproduit en 1851 (pp. 57-8) au n° 3 de la revue française l'Ouvrier franc-maçon, qui confirme bien les données ci-dessus (mais a lu Jheremin au lieu de Theremin).