Vivent les francs-maçons !
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La BNF a mis en ligne ce Cantique maçonnique, qu'elle date de 1852 d'après son cachet de dépôt légal ; il est intitulé Vivent les francs-maçons et signé Cauchois.
A de nombreuses reprises Orateur ou Vénérable de la Loge des Coeurs-Unis, Henri Cauchois, avocat à la Cour impériale, est en 1863 l'auteur d'un très doctoral Cours oral de Franc-maçonnerie symbolique en douze séances (ouvrage approuvé par le Grand Orient). Dans la ligne de l'article 1er de la Constitution du Grand Orient introduit en 1849, il y affirme (p. 10) que l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme constituent les deux bases essentielles de la franc-maçonnerie, et sont aussi celles de toutes les philosophies et de toutes les religions, sainement comprises. Dans le débat (on lira avec intérêt, sur l'histoire de ce débat, l'article d'André Combes, L'origine de l'adage "Le Franc-Maçon libre dans la Loge libre", publié dans le numéro 124 de Points de vue Initiatiques et rediffusé en 2021 sur le blog de Jean-Laurent Turbet) qui divisa la maçonnerie française au coeur du XIXe siècle, il se profile ainsi comme un adversaire radical des partisans de la liberté de conscience, qui finiront par l'emporter. Dans ce cadre, Cauchois est un des propagandistes les plus ardents des thèses conservatrices du Journal des Initiés, avec Riche-Gardon (qui en est l'animateur) et Boubée. Dans un article publié dans le n° d'avril 1865 de ce journal, il s'en prend aux réformateurs qui, en utilisant le mot tolérance comme un cheval de Troie, s'apprêtent à livrer la Franc-Maçonnerie à ceux qui veulent en détruire les bases et il assène le principe que la société maçonnique doit se priver d'un membre qui ne reconnaît pas l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme. En avril 1870, sa Loge célébra le cinquantenaire de son initiation. Cauchois est également l'auteur de cet autre cantique en 1865. |
La philosophie de Cauchois est parfaitement illustrée par le présent cantique, dont certains passages (par exemple Allez dans l'Univers combattre l'athéisme / Qui bientôt détruirait tout lien social) font penser au Syllabus de Pie IX condamnant les monstrueuses erreurs modernes.
Au premier couplet, le tout nouveau Grand Maître Murat est évidemment louangé pour avoir obtenu la réouverture de nombreuses loges fermées après le coup d'état. Cauchois est d'autant plus porté à le flatter - comme le fera aussi Boubée en 1854 - que Murat partage les thèses du Journal des Initiés et entend bien utiliser ses pouvoirs de Grand Maître pour les faire prévaloir.
C'est donc lui - et l'épuration qu'on attend de lui - qui permettront de relever les bannières, de voir refleurir l'acacia et de chanter légitimement vivent les Francs-Maçons.
Comme le signale Pierre-André Mailly dans son passionnant article le Grand Orient de France et la question de la laïcité (1848-1905), ce cantique a été reproduit (p. 160) dans le Bulletin du Grand Orient pour juillet 1852 (ce qui confirme la datation donnée par la BNF).
On remarque que, en guise d'argument d'autorité, Cauchois insiste lourdement sur ses abondants grades et qualités : 30e, Ancien Orateur du Grand Orient de France, Orateur des Loge et Chapitre des Cœurs-Unis, Président du Suprême Conseil des Gaules, Orient et Vallée de Paris.
Nous n'avons trouvé qu'une seule référence pour l'air mentionné, Si vous m’avez aimé : c'est la larmoyante chanson d'Adolphe Porte (datée de 1848, et dont la métrique correspond) Les feuilles mortes, qui renseigne Musique de Louis Abadie, se trouve à Paris, chez M. Heugel, édit., r. Vivienne, 2 bis. Cette partition se trouve ici.
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CANTIQUE MAç0NNIQUE.
VIVENT les francs-Maçons !
Air : Si vous m’avez aimé.
Notre Ordre bienfaisant, dont la forme discrète
Honneur, trois fois honneur au Frère magnanime,
Allez dans l'Univers combattre
l'athéisme,
Avide du néant, le matérialiste
Assez et trop longtemps la Discorde cruelle
Surtout qu'aux malheureux notre cœur secourable
Le devoir accompli, les banquets maçonniques
Paris. - Imprimerie de BACHELIER, rue du Jardinet, 12.
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