Cantique offert 
aux Frères Réunis de Tournai

 

On sait que la Loge tournaisienne des Frères Réunis, vu son opposition au principe de la protection spéciale du Roi, avait refusé d'intégrer le Grand Orient de Belgique après sa création en 1833, création à laquelle elle avait pourtant participé avec 12 autres.

C'est Defrenne qui fut l'artisan de sa réintégration en 1836, ce qui lui valut d'être bientôt admis comme membre d'honneur de l'Atelier, dont il devint député.

C'est le 17 février 1838 (ou, selon d'autres sources, 1839) que Verhaegen procéda à l'inauguration du nouveau Temple de la Loge.

Dans les archives manuscrites de cette Loge, figurent ces

Couplets offerts à la Respectable Loge des Frères réunis à l'Orient de Tournaÿ
Par le Frère Defrenne son Député Près le Grand Orient Belge

dont un de ses membres a bien voulu nous communiquer la transcription ci-dessous :

1er Couplet

A l'orient d'une cité de Braves, 
d'après César appelé Nerviens
il est un temple où malgré les entraves, 
se sont tissés de durables liens ; 
de son enceinte asile du mystère, 
sots & cufarts (1) sont à jamais bannis,
& l'on y voit, munis de leur Equerre, 
marcher d'accord les Frères Réunis (Bis)

2e Couplet

A leur Travaux guidés par la prudence, 
applaudissons avec vivacité ;
on les a vus, animés de constance, 
unir Sagesse, avec Force & Beauté.
afin de mieux vaincre leurs adversaires, 
honteux déjà de se savoir honnis, 
contribuons aux efforts salutaires 
de l'Atelier des Frères Réunis.

3e Couplet

Ces vétérans de l'ordre maçonnique, 
depuis cent ans, sous ses couleurs rangés, 
sont en védette (2) où finit la Belgique, 
pour avertir quand viendront les dangers. 
à leur appel les drapeaux de nos pères, 
Triompheront, car Dieu les a bénis ;
contre leur cœur, la muse de nos frères, 
ira presser les Frères Réunis.

4e Couplet

Que l'union décuple nos forces, 
serrons les rangs contre nos agresseurs ; 
de la vertu n'ayant plus que l'écorce, 
ôtons le masque à ces vils imposteurs. 
loin de fléchir, tenons tête à l'orage ; 
de la fermeté qu'on nous voÿe munis ; 
dans le péril, imitons le courage, 
de l'Atelier des Frères Réunis.

5e Couplet

De tes enfans exauce la prière, 
toi qui gouverne & la terre et les cieux, 
Dieu tout puissant, à notre heure dernière
juste et clément, jette sur nous les yeux ; 
n'écoute point le fougueux catholique, 
qui de Ton sein nous déclare bannis, 
et que le ciel quoiqu'on en pronostique, 
Demeure ouvert aux Frères Réunis. 

Envoi

C'est en tremblant que j'offre cette esquisse,
aux commettants dont je tiens le pouvoir ; 
que chacun d'eux s'y montre propice, 
comble mes vœux ainsi que mon espoir !
si leur avis m'était défavorable, 
mais (sic) vains efforts seraient trop punis ; 
sans hésiter, qu'on se montre traitable, 
pour le Nestor (3) des Frères Réunis.

Le Tracé précise que ce cantique enleva les applaudissements de tous les Frères auxquels un exemplaire avait été distribué auparavant à chacun d'eux.

Il donne également les notes explicatives suivantes :

(1) Cufart : paresseux, lâche.
(2) Védette : étymologie : italien vedetta (d'où l'accent) ; militaire : sentinelle. (NB : Tournai est proche de la frontière française ; on voit que vedette était alors un mot rare, très loin d'avoir encore pris - vers 1845 ? - son sens actuel)
(3) Nestor : roi légendaire de Pylos ; type du sage conseiller.

La seconde partie du 5e couplet, tout comme le 4e, fait évidemment allusion à l'agression, en forme d'excommunication, des évêques belges contre la maçonnerie en 1838. Malgré elle, les maçons restent persuadés qu'au jour du Jugement leur pratique des vertus (maçonniques) pèsera plus lourd dans le plateau que des anathèmes qu'ils considèrent comme injustes, dépourvus de sens et donc de portée. Le Frère Lippens exprimera la même conviction en chantant, en 1842, dans ces couplets au solstice d’été du Travail

Sachons braver l'effet de l'anathème
Qu’au Vatican on a lancé sur nous.
Et fions-nous à la bonté suprême,
Du même Dieu qui nous jugera tous.

L'air à utiliser n'est pas mentionné, alors que l'habitude de Defrenne, en semblables circonstances, était de demander, à un Frère compositeur de sa Loge ou de sa connaissance, une partition pour son texte. 

Peut-être cette fois (à moins que la partition ne soit perdue) n'en a-t-il pas eu l'occasion ... Il peut dans ce cas s'être servi d'un air, soit à la mode à l'époque, soit d'un de ses cantiques antérieurs (comme il écrivait souvent en couplets de 8 vers décasyllabes, leurs musiques sont d'ailleurs probablement interchangeables ; et on peut très facilement chanter le texte ci-dessous par exemple sur l'air que Zerezo avait fait pour un autre texte de Defrenne, Les FrancsMaçons et le Clergé Belge, air que vous pouvez entendre en cliquant ici, ou sur celui que le même Zérézo avait fait pour les Outils maçonniques).

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