La Société des Francs-penseurs
Nous ne connaissons l'existence de cette Société des Francs-penseurs que par quatre références :
à la p. 334 de son Tuileur général de la francmaçonnerie ou Manuel de l'initié (1861), Ragon mentionne :
Société des Francs-Penseurs, en 1818.
parmi une liste (s'étalant sur 8 siècles) de
Sociétés secrètes (anciennes) organisées contre l'oppression.
A la p. 345 du tome 1 de son célèbre ouvrage (1867) Les sociétés badines, bachiques, littéraires et chantantes, leur histoire et leurs travaux, Dinaux écrit :
FRANCS-PENSEURS (Société des). Fondée le 16 novembre 1818, elle tint ses séances jusqu'au 17 février 1821, à Paris. Ses membres tenaient un cours de maçonnerie littéraire. Cela ne put conduire bien loin.
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André Lerouge (1766-1833) était un collectionneur de livres sur la Franc-maçonnerie et les sociétés secrètes, dont la monumentale bibliothèque a été dispersée en vente publique en 1835. Au catalogue de cette vente, on trouve :
510. Société des Francs-Penseurs; gr. in-4, div. en 9 cahiers et renf. dans un étui. Manuscrit presqu'entièrement exécuté par M. Lerouge, et contenant, 1° une Notice historique sur l'origine et les travaux de cette Société ; 2° le Cours de Maçonnerie littéraire tenu par cette Société ; 3° les Procès-Verbaux de ses séances, depuis l'origine, 16 novembre 1818, jusqu'au 17 février 1821 ; 4° la liste des membres de la Société, et la plupart des lettres de convocation. |
Je lance donc ici un appel à tous les lecteurs et lectrices de ce site, dans l'espoir que l'un(e) d'eux ait d'autres informations sur cette Société et soit disposé à les partager.
penseurs francs ou libres ?
Franc voulant dire libre, faut-il voir dans cette Société des Francs-Penseurs l'ancêtre des Sociétés de Libre-Pensée qui se sont multipliées au XIXe, souvent sous l'impulsion de maçons ? C'est peu probable, la Société des Francs-Penseurs ayant manifestement été très confidentielle.
Mais il y a certainement, en France comme en Belgique, une parenté philosophique entre la maçonnerie, qui tout au long d'une grande partie du XIXe siècle s'est battue pour l'accroissement de toutes les libertés, et les associations promouvant la mère de ces libertés, la liberté de pensée. (A noter que la permanence de cette parenté au XXe est mise en évidence dans l'article de Jeffrey Tyssens et Petri Mirala, Transnational Seculars: Belgium as an International Forum for Freethinkers and Freemasons in the Belle Époque, paru en 2012 dans la Revue belge de Philologie et d'Histoire,).
Voyez par exemple ce Chant des Loges maçonniques du Frère Dechevaux-Dumesnil en 1856 :
La Liberté, qui
doit sauver le monde,
Est franc-maçonne ; elle a fait tout progrès
ou cette chanson intitulée Les libres penseurs du Frère Dutertre en 1866 et son refrain :
Libres
penseurs, apôtres des lumières,
Sur le chemin de l’avenir
Marchons ! marchons ! déployons nos bannières,
Et le vieux monde va finir.
Et rappelons-nous que c'est la loge Les Libres-Penseurs du Pecq qui, transgressant le 14 janvier 1882 landmarks et idées reçues, initia Maria Deraismes, transgression qui est à l’origine du Droit Humain.
Rappelons-nous aussi le long combat qui dut être mené pour finalement introduire en 1877 la notion de liberté de conscience dans la Constitution du Grand Orient de France.
Il faut encore citer à ce sujet la lettre de candidature d'Eugène Pottier à la Loge Les Egalitaires de New York en 1875 : Je demande ... à être admis dans votre loge. Je sais qu'elle est composée d'un groupe de libres penseurs qui, ayant fait table rase des traditions et ne reconnaissant rien de supérieur à la Raison humaine, emploient consciencieusement la leur à la recherche de la Vérité et de la Justice.
N'oublions pas non plus que la fondation, en 1834, de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), dont le premier article des statuts énonce depuis 1894 qu'elle fonde l'enseignement et la recherche sur le principe du libre examen, est une oeuvre purement maçonnique. Le plus important de ses cercles étudiants s'appelle d'ailleurs le Cercle du Libre Examen
A défaut de pouvoir vous présenter une chanson propre à la Société des Francs-Penseurs, je vous propose, pour illustrer cette page, l'hymne officieux de cette université, Le Semeur. Il est souvent chanté dans des loges belges.