L'Oncle et le Neveu

Ce cantique, intitulé L'Oncle et le Neveu, figure aux pp. 29-34 du Recueil de vers et cantiques maçonniques, improvisés et dédiés à la Respectable Loge des Arts-réunis, Orient de Rouen, par le Frère Houdard jeune en 1841.

Elle est exemplative de l'incompréhension des maçons devant l'hostilité croissante manifestée à leur égard par l'Eglise catholique et particulièrement par les membres les plus obscurantistes de son clergé. L'auteur met dans la bouche de l'oncle curé (qui fait profession de ne pas être indulgent), sermonnant son neveu maçon, les reproches traditionnellement faits à la maçonnerie : 

Le trait peut passer pour un peu gros sinon caricatural ; et pourtant, ces propos sont encore bien modérés en comparaison de ceux que, quelques années plus tard, on trouvera à foison sur la maçonnerie (cette Synagogue de Satan) dans les textes d'inspiration ou d'origine catholique, à commencer par les papes eux-mêmes, comme Pie IX  (en 1865, il dénoncera cette société perverse d'hommes, vulgairement appelée maçonnique, qui, contenue d'abord dans les ténèbres et l'obscurité, a fini par se faire jour ensuite, pour la ruine commune de la Religion et de la société humaine comme une secte respirant le crime) ou Léon XIII (qui dans Humanum Genus en 1884 dénonce publiquement la secte des francs-maçons comme une association criminelle et ajoute que les maçons agissent au nom du diable).

Haro sur les maçons

Particulièrement illustrative de l'allergie cléricale est la savoureuse anecdote rapportée, à la date du 16 décembre 1827, par Auguste de Wargny dans le Tome VI (années 1825 à 28) des Annales chronologiques, littéraires et historiques de la maçonnerie des Pays-Bas à dater du 1er janvier 1814 (accessible via la digithèque des bibliothèques de l’Université Libre de Bruxelles), page 400 :

Ce jour éclaira parmi nous un acte d'intolérance et de fanatisme dont la hardiesse le dispute au ridicule. La Loge L'aurore d'Audenarde, célébrait la fête de l'ordre dans son nouveau temple, qu'elle inaugurait et qu'elle venait de faire édifier. Le banquet se préparait dans un bâtiment attenant par les soins du Frère Servant et de sa famille existant des bienfaits de la Loge dans ce local depuis plus de 20 ans.- Pendant les travaux le curé doyen, accompagné de ses vicaires et de plusieurs affidés, se transporte en plein jour devant la porte du serviteur ; il y parle à haute voix et ameute les passants dont le nombre s'accroît bientôt jusqu'à plus de cent personnes. Alors il entre, effraie par ses menaces et ses anathèmes contre les francs-maçons Adorateurs du Diable, l'épouse et les filles de ce même serviteur dont l'une avait fait sa première communion dans l'année, et leur fait déserter la maison. Le Frère Servant, entraîné par ce spectacle, par les larmes de sa famille, intimidé par les invectives des prêtres, ne tarde pas à la suivre et laisse tout à l'abandon. Les Frères réunis ne sont informés que plus tard … la prudence contient leur indignation et dirige leurs mesures ; ils parviennent à écarter la foule et à sauver le reste des matériaux destinés à la fête, que l'on avait commencé à détourner ! … Le scandale fut complet ; quelques jeunes Frères voulaient le venger sur-le-champ, mais les ministres d'un Dieu de Paix et de tolérance venaient de se retirer triomphants … Le Servant est démissionnaire ; sa famille manque de pain !

La Fille de Dominique est une comédie-vaudeville en un acte (1833) de Ferdinand de Villeneuve et Charles de Livry. Il s'agit probablement ici de l'air final, qui est mentionné à la scène XIII comme étant un air d'Adam. Mais nous n'en connaissons pas de partition.

 

    

    

   

L'ONCLE ET LE NEVEU.

 

ANECDOTE MISE EN COUPLETS.

 

ARTS-RÉUNIS. — Orient de ROUEN, 5840.

 

AIR : De la fille de Dominique.

 

Se trouvant près d'un Temple
Un vieux prêtre avec feu, 
Voulant prêcher d'exemple, 
Disait à son neveu : 
« Mon neveu, ma maxime 
» N'est point d'être indulgent.
» Partout je vois l'abîme ..... »
Quand soudain ..... il entend ......

 

CHOEUR GÉNÉRAL.

Frères à l'ordre tous, chargeons
Alignons, braquons nos canons
Munis de poudres ..... Amorçons,
Feu ...... Buvons en bons Maçons.

 

 

« Entends-tu ces profanes
 » Conspirer en payens,
» Viens, fuis ..... ou tu te damnes
» Avec ces faux chrétiens.
— » Mais, on parle ..... silence,
» De veuve, d'orphelin ! ! !
» On parle ..... Bienfaisance ....
» Pour aider son prochain. »

 

CHOEUR GÉNÉRAL.

Frères à l'ordre tous, chargeons
Alignons, braquons nos canons
Munis de poudres ..... Amorçons,
Feu ...... Buvons en bons Maçons.

 

 

« Vos arrêts sont sévères, 
» Les traiter de payens,
» Ils s'appellent tous Frères.
» — Eux ? ..... ce sont tous vauriens !
» Entends-tu cette bande,
» Prêcher l'égalité ;
» N'importe qui demande,
» Ils font la charité ! »

 

CHOEUR GÉNÉRAL.

Frères à l'ordre tous, chargeons
Alignons, braquons nos canons
Munis de poudres ..... Amorçons,
Feu ...... Buvons en bons Maçons.

 

 

« Ils ne parlent que guerre ; 
» Entends leurs cliquetis. 
» Viens, fuyons le repaire 
» De ces démons maudits. 
— » Mon oncle, sans scandale, 
» Restez, ne craignez rien; 
» On prêche une morale, 
» Dont on se trouve bien. »

 

CHOEUR GÉNÉRAL.

Frères à l'ordre tous, chargeons
Alignons, braquons nos canons
Munis de poudres ..... Amorçons,
Feu ...... Buvons en bons Maçons.

 

 

« Pécheur, je t'abandonne,
» Va te faire exécrer .....
— » Ecoutez ..... on pardonne
» A qui put s'égarer.
» Loin que l'on se maudisse,
» Chacun se tend la main ;
» Partez ...... Dieu vous bénisse,
» J'entonne le refrain. »

 

CHOEUR GÉNÉRAL.

Frères à l'ordre tous, chargeons
Alignons, braquons nos canons
Munis de poudres ..... Amorçons,
Feu ...... Buvons en bons Maçons.

 

 

« Adieu ; si j'en réchappe,
» Pour me purifier,
» Je vais écrire au Pape,
» De t'excommunier.
— » Partez, allez à Rome,
» Chantez vos orémus,
» Je reste, je suis homme,
» Avec tous ces élus. »

 

CHOEUR GÉNÉRAL.

Frères à l'ordre tous, chargeons
Alignons, braquons nos canons
Munis de poudres ..... Amorçons,
Feu ...... Buvons en bons Maçons.

 

 

L'an dernier, le pauvre homme 
Me redisait encor : 
« Fais ton salut à Rorne,
» Ça te vaudra de l'or. 
» — A votre or je préfère, 
» Fidèle à mon serment
» Presser la main d'un frère
» Et puis chanter gaîment : »

 

CHOEUR GÉNÉRAL.

Frères à l'ordre tous, chargeons
Alignons, braquons nos canons
Munis de poudres ..... Amorçons,
Feu ...... Buvons en bons Maçons.

 

 

Mon oncle, dans sa chaire
Contre moi peut tonner ; 
Enfant de la lumière 
Je sais lui pardonner.
Sans prône, ici, ni chaire
Nous aidons au malheur, 
Quand on soulage un frère 
Cela porte bonheur.

 

CHOEUR GÉNÉRAL.

Frères à l'ordre tous, chargeons
Alignons, braquons nos canons
Munis de poudres ..... Amorçons,
Feu ...... Buvons en bons Maçons.

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