Pompe funèbre en Adoption (1811)

A la suite de son roman antimaçonnique de 1848, Jacquemin le Franc-maçon, légendes des sociétés secrètes, Collin de Plancy publie une série d'appendices constitués pour bonne part de copies de documents maçonniques.

Parmi ceux-ci, il donne, sous le titre Maçonnerie d'Adoption - Funérailles maçonniques, une copie de l'in-8° de 16 pages paru en 1811 à Paris et intitulé Cérémonie funèbre au Souverain Chapitre Métropolitain des Dames écossaises de la colline du Mont-Thabor à la mémoire de Madame Adélaïde Giroust, née d'Elmillac, grande hospitalière aumonière de ce chapitre, décédée la 5e aurore du 10e signe de 5.811 (nous découvrons ainsi un système de datation propre aux Loges d'Adoption, mais à notre connaissance peu usité).

Ce tracé avait été reproduit aux pp. 65-81 du Tome premier de Hermès, ou Archives maçonniques.

Le Rituel, d'une mise en scène étudiée, est entrecoupé de poèmes, discours (de Mangourit), musique instrumentale (non spécifiée) et musique vocale. Nous reproduisons ci-dessous les textes des diverses prestations vocales (faisant intervenir des vedettes telles que Bertin et Laforêt).

RéCITATIF chanté par le Frère Laforêt, de l’Opéra.

(Les paroles sont de madame Dufrenoy [NDLR : serait-elle la poétesse Adélaïde-Gillette Dufrénoy ?], et la musique est de la composition du Frère Roll, commandeur du Mont-Thabor, pensionnaire du roi à Rome, classe de musique.) 

Donnons un libre cours à nos justes douleurs;
Sur ce tombeau sacré laissons couler nos pleurs :
Qu'au sommet du Thabor nos vœux se réunissent !
Que de nos tristes chants ses vallons retentissant !
Sœur Adèle n'est plus. 

... 

Duo de Sœurs

Dieu tout puissant, veille sur elle !
Qu’au divin séjour des élus
Ta céleste bonté l’appelle,
Pour récompenser ses vertus.

Choeur GÉNÉRAL

Astre éclatant de la lumière,
Entends nos lugubres accents ;
Dieu du Thabor, écoute la prière
De tes enfants.

...

Chant funèbre

Choeur

Elle n'est plus notre Soeur adorée ;
Douces vertus, grâce, talents, appas,
Tout a péri sous la faulx du trépas!
Pleurons, pleurons sa mort prématurée :
Elle n'est plus, notre Soeur adorée.

...

Un Frère (Chant), le Frère Bertin, de l'Opéra.

La pitié sainte habitait dans son coeur,
Secours du pauvre, appui de l'innocence,
Elle donnait des larmes au malheur,
Et tout son culte était la bienfaisance.

Une Soeur (Chant.)

La jeune plante, arrondie en berceaux,
Prodigue au loin son généreux ombrage ;
Mais sans pitié pour des faibles rameaux,
Le vent l'abat, attriste le bocage.

...

Une Soeur et un Frère

Ah! prenons tous nos longs voiles de deuil ! 
Jetons des fleurs ; que l'amour se désole : 
Et qu'éveillée au fond de son cercueil, 
L'adieu dernier un moment la console.

...

CHOEUR

Mais pourquoi ces transports, ces éclats douloureux ? 
Pourquoi pleurer, gémir sur la tombe d'Adèle ? 
Des plus rares vertus le plus parfait modèle,
Adèle maintenant, Adèle est dans les cieux.
Des pures voluptés elle goûte les charmes ...
Ne troublons pas la paix de ce divin séjour.
Douce et tendre amitié, tendre et fidèle amour, 
Adèle est dans les cieux ; cessez, cessez vos larmes.

Les Dames écossaises de la colline du Mont-Thabor

Les Dames écossaises de la colline du Mont-Thabor sont généralement considérées par les historiens comme une Loge d'Adoption (créée le 7 juin 1808) assez prestigieuse, souchée sur la Loge masculine des Commandeurs du Mont Thabor, Loge d'Adoption qui, comme on le voit ci-dessus, avait même un Chapitre.

Le Tome second de Hermès, ou Archives maçonniques donne ici un extrait de l'Article 16 du 5e Chapitre des Statuts des Dames écossaises (p. 381, avec des couplets qui reprennent leur devise) :

L'objet principal du Chapitre des Dames Ecossaises est de donner du pain et du travail aux personnes de bonne conduite du sexe féminin, que leur sort malheureux inquiète ; de les aider d'abord, de les consoler ensuite, et de les préserver, par les bienfaits et l'espérance, de l'abandon des principes et du supplice du désespoir.

Dans son Histoire pittoresque de la franc-maçonnerie et des sociétés secrètes (p. 118), Bègue-Clavel considère pour sa part qu'il s'agissait d'une Société séparée :

... Enfin, une dernière association, l'Ordre des dames écossaises de l'hospice du Mont-Thabor, qui avait beaucoup de ressemblance avec la maçonnerie d'adoption ordinaire, fut fondée à Paris, en 1810, par M. de Mangourit, qui s'en constitua le grand-maître. Elle avait pour grande-maîtresse Mme de Carondelet. Les instructions que recevaient les néophytes dans les divers grades dont se composait le système tendaient spécialement à les ramener vers les occupations auxquelles les institutions sociales ont particulièrement destiné les femmes, et à les prémunir contre l'oisiveté et la séduction qu'elle traîne à sa suite. « Donner du pain et du travail aux personnes de bonne conduite du sexe féminin qui en manquent; les aider d'abord, les consoler ensuite, et les préserver, par des bienfaits et par l'espérance, de l'abandon des principes et du supplice du désespoir » tel était le but de cette société, qui a fait beaucoup de bien, et qui s'est dissoute vers la fin de la restauration.

Dans son Manuel complet de la maçonnerie d'adoption ou maçonnerie des dames, Ragon (pp. 114 ss.) donne quelques détails sur ce Rite (en 7 grades) et estime qu'il s'agit d'un Rite trop prétentieux.

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