Hymne maçonnique (et religieux)

 Cliquez ici pour entendre l'air (si par hasard vous ne le connaissez pas !)

La Bibliothèque numérique de la ville de Périgueux (Médiathèque Pierre Fanlac) a eu l'heureuse idée de mettre en ligne un recueil contenant 2 imprimés (les Statuts de la Loge des Amis persévérans à l'Orient de Périgueux - dont un autre exemplaire est disponible ici - et un Hymne maçonnique dédié à cette Loge, sur l'air de la Marseillaise), avec des notes et un manuscrit (orné d'intéressantes illustrations en couleurs) d'Auguste Charrière.

Les statuts eux-mêmes portent la date de 1840, l'hymne est de 1841 et les pages manuscrites sont certainement encore postérieures (peut-être 1869, comme le donne à penser la page 152 des notes de Charrière).

Nous connaissions déjà un certain nombre de Marseillaises maçonniques, mais qui toutes sont bien dans l'esprit révolutionnaire de l'original. 

On est donc quelque peu surpris en voyant ici cet air utilisé pour une invocation au divin Grand Architecte. Mais pour la plupart, les maçons de l'époque se montrent fort croyants, et c'est particulièrement le cas de cette Loge et de Charrière lui-même. La Loge (ou du moins son chapitre) ne proclamait-elle pas dans le Globe en 1842 (non sans quand même une once de critique vis-à-vis de l'institution ecclésiale) que :

Nous ne prêchons que l'amour de nos frères, le respect de nous-mêmes, la morale la plus pure, la tolérance la plus entière, la religion, mais sans fanatisme et sans superstition, et nous proclamons ainsi que le prêtre, comme les plus admirables enseignements, les leçons sublimes de l'Evangile, que nous cherchons à suivre, et qui ne le sont pas toujours par ceux qui le prêchent le plus.

Religiosité qui est soulignée par le refrain Dans ce banquet sacré, Dieu, que nous bénissons, descends, descends, de ton esprit embrase les Maçons !

Les Amis persévérans 

Selon cette source (voir pp. 199-236), il y avait, au début de la Restauration, deux Loges à Périgueux (toutes deux fondées en 1814), les Amis Réunis et les Amis d'Henri IV, qui tombèrent bientôt en sommeil.

La Loge des Amis persévérans avait été créée en 1831 par des survivants de ces deux Loges, mais elle était tombée en sommeil de 1835 à 1839 et de nouveau en 1852.

En 1855, elle se réveilla de nouveau, en même temps que se créait une Loge nouvelle, l'Etoile de Vésone (Vésone, Vesunna en latin, est l'ancien nom de Périgueux), avec laquelle elle fusionna rapidement sous le titre distinctif les Amis persévérants et l'Etoile de Vésone réunis. On trouve ici le compte-rendu de l'inauguration de son Temple en 1869. Cette Loge est toujours en activité.

En furent notamment membres Lachambeaudie, Antoine de Tounens et Eugène Le Roy.

Les images ci-contre sont reproduites, avec l'aimable autorisation de l'auteur, du précieux ouvrage de Marc Labouret, Les Métaux et la Mémoire (on remarquera les fautes d'orthographe Pesév[érants] et Vésonne).

      

                      

Hymne maçonnique

 

dédié à la Très respectable Loge

 

des Amis Persévérans,

 

à l'Orient de Périgueux.

 

 

Air de la Marseillaise

 

Être infini que l’homme adore
Sous des noms, des cultes divers,
Entends le Maçon qui t’implore
Par ses vœux, ses pieux concerts.
Que toute la terre fléchisse
Devant ta sainte volonté :
Nous espérons en ta bonté,
Même en redoutant ta justice !

Dans ce banquet sacré, Dieu, que nous bénissons,
Descends, descends, de ton esprit embrase les Maçons !

 

 

 

 

En créant l'homme à ton image,
Tu le fis libre comme toi ;
L'humilier par l’esclavage,
Serait attenter à ta loi.
Dieu vengeur, défends ton ouvrage
Des entreprises des tyrans :
Tous les hommes sont tes enfants,
Toi seul mérites leur hommage.

Dans ce banquet sacré, Dieu, que nous bénissons,
Descends, descends, de ton esprit embrase les Maçons !

 

 

 

 

De notre touchant évangile
Le culte est sans sévérité :
La raison est notre mobile ;
Notre foi, c'est la vérité.
Sécher les pleurs de la misère,
Du faible être le protecteur,
C'est le code consolateur
Des vrais enfants de la lumière.

Dans ce banquet sacré, Dieu, que nous bénissons,
Descends, descends, de ton esprit embrase les Maçons !

 

 

 

 

Du Franc-Maçon, noble patrie,
Le globe entier est le pays ;
Partout où l’infortune prie,
Il s’élance et vole à ses cris !
Sous le niveau de son équerre,
Plaçant les bergers et les rois,
De tous il respecte les droits,
S'ils furent justes sur la terre.

Dans ce banquet sacré, Dieu, que nous bénissons,
Descends, descends, de ton esprit embrase les Maçons !

 

 

 

 

Grand Jéhovah, suprême essence,
Courbés devant ta majesté,
Les fils de la Persévérance
Invoquent ton nom, ta bonté.
Laisse de ton regard sublime
Tomber un rayon glorieux ;
Que tous les hommes soient heureux,
Guidés par toi sur cet abîme !

Dans ce banquet sacré, Dieu, que nous bénissons,
Descends, descends, de ton esprit embrase les Maçons ! 

 

 

 

 

 

 

 

La signature est d'Auguste Charrière, Rose-Croix (18e) au Rite d'Hérédom. Il se désigne comme Vénérable d'honneur, ce qui confirme que cette inscription est bien postérieure à l'hymne.

Charrière a rédigé quelques souvenirs sous le texte de son hymne. Voici ce que nous avons pu en déchiffrer :

Cet hymne composé par moi fut chanté en chœur le 24e jour du 4e mois 5841, fête solsticiale d'été. Le banquet eut lieu à l'hôtel de France dirigé par M. Michelet père. Il eut lieu dans la grande salle à gauche donnant sur la cour. J'étais alors Orateur de la Loge, elle demanda l'impression de cet hymne, ce qui fut exécuté par notre bien aimé Frère [Dupont].

Je fus initié le 1er jour du 1er mois de l'an de la Vraie Lumière 5816 sous le Vénérable Lagrange père [NDLR : La Loge en activité à ce moment s'appelait Les Amis Réunis ; le premier Vénérable, de 1857 à 1865, de la Loge Les Amis Persévérants et l’Étoile de Vésone réunis, résultant d'une fusion, sera le notaire Hilaire Lagrange, qui avait été maire de la ville en 1849 : est-ce son fils ? ] ...

J'étais alors élève de seconde ... au collège de Périgueux ... mon bon, excellent ami, Mon père présent [NDLR : si celui-ci n'avait pas été maçon, le fils n'aurait pu être initié aussi jeune].

Auguste Charrière 

Auguste Charrière (1799-1874) est connu notamment comme auteur de poésies et de divers essais d'histoire et d'archéologie. A côté de sa signature dans son recueil, il a apposé le cachet de juge de paix du canton de Périgueux (Dordogne)

On peut lire ici qu'il était en 1841 le Vénérable des Amis Persévérans, ce que confirme le Calendrier maçonnique du G. O. de France pour l'année 5842 qui le désigne comme avocat.

Dans ce numéro du Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord en 1983, on trouve (pp. 182-3) une lettre lui adressée en 1861 par le fameux (autant que fumeux) Antoine de Tounens.

En octobre 1842, la Gazette des Tribunaux de Paris rapporte (p. 1406), sous la rubrique Justice criminelle, un procès aux Assises de la Dordogne, contre M. Auguste Charrière, avocat et suppléant du juge de paix de Périgueux, et membre du conseil municipal, accusé de tentative de meurtre pour avoir tiré un coup de feu (en l'air selon ses dires) lors d'une altercation avec une personne qui le menaçait de son parapluie, mais finalement acquitté.

Il est l'auteur d'un Chant d'Inauguration d'un Temple publié en 1853 dans les Esquisses de la vie maçonnique suisse et reproduit en 1861 par Marconis dans le Rameau d'or d'Eleusis. Il y manifeste, comme ici, une grande religiosité.

En 1869, il participa à la Fête de l'inauguration du Temple de la Loge les Amis persévérants et l'Etoile de Vésone réunis en prononçant un discours (reproduit aux pp. 33-41 du compte-rendu et rempli de moralisme, de religiosité et d'enthousiasme pour la maçonnerie) qui fut écouté avec un respectueux intérêt envers ce fidèle représentant des vieilles et bonnes traditions maçonniques, ce Maître consommé dans l'art de les produire et de les expliquer. 

A cette occasion fut frappée la médaille ci-dessous, reproduite ici, comme la précédente, avec l'aimable collaboration de Marc Labouret que nous remercions chaleureusement.

Ce Temple (photos ci-contre et ci-dessous) est toujours utilisé.

novum perennitatis pignus : gage d'une nouvelle pérennité

Voir ici sur la datation 25 Tammouz.

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