Le Rameau d'or d'Eleusis 

Le Rameau d'or d'Eleusis a été publié par Marconis de Nègre en 1861.

Le titre s'explique sans doute par le fait que le rite de Memphis-Misraïm en 99 grades contient un 69e degré appelé le Chevalier du Rameau d'or d'Eleusis.

L'ouvrage est une suite d'articles, de discours, de rituels de différents rites et degrés, de tuileurs et de considérations sur la maçonnerie.

Il est orné de 7 gravures (par Rambert) bien dans le style du temps, dont 2, qui sont reproduites ci-contre, représentent :

  • (p. 16) l'initiation de Salomon (on trouve aux pp. 8-16 le récit de l'initiation de Salomon - qui se passe bien entendu à Memphis en Egypte - dont les épreuves ne sont pas sans rappeler le Sethos de l'abbé Terrasson) ;

  • (p. 477) la Franc-maçonnerie prêche sa doctrine à tous les peuples comme à toutes les religions.

Les 5 autres ont pour sujets :

(p. 3) Le Génie de la Franc-Maçonnerie appelle les hommes à l'union, à la vérité, à la lumière ;
(p. 138) Orphée ;
(p. 160) Pierre cubique ;
(p. 192) Mort d'Hiram ;
(p. 492) Le Duel : esprit de concorde, la Franc-maçonnerie ramène la paix au milieu des hommes divisés par la discorde.

 

L'ouvrage contient un certain nombre de textes à réciter et à chanter. Ci-dessous la liste de ceux qui sont explicitement désignés comme à chanter :

Il faut noter que 3 de ces textes (dont celui-ci et celui-ci) sont attribués au Frère Fouchet, alors même qu'ils ne sont que très partiellement (ou même pas du tout) de sa plume.

Excès d'imagination et Zozotérisme

Quand l'imagination délirante menant au grand n'importe quoi se fait passer pour le sommet des connaissances ésotériques ...

Au XIXe siècle, il était de bon ton parmi les maçons de s'extasier devant quelques auteurs à succès tels que Ragon, Clavel, des Etangs, Vassal ou Marconis, considérés comme des puits de science maçonnique.

Les trois extraits ci-dessous montrent que, en tout cas en ce qui concerne le dernier, cette réputation était sans doute quelque peu usurpée ...

  • aux pp. 508-11, une Notice pour servir à l'histoire de l'ordre maçonnique dont voici le début :

Noé eut trois fils : Japhet, Sem et Cham. Les descendants du premier de ces trois frères furent les fondateurs des Loges de l'Europe et de l'Asie mineure. Ces pays sont appelés, dans le livre de la Genèse, les Iles des Gentils, et par le prophète Esaïe les Iles de la mer. Ce nom d'île aura sans doute été donné à ces régions parce que la mer les séparait de l'Assyrie, de l'Égypte, etc.

Les fils de Japhet étaient au nombre de sept. Gomer, le premier d'entre eux, fut le Grand-Maître des Loges de la partie septentrionale de l'Asie mineure. De lui étaient descendus les Galates; ils avaient eu autrefois le nom de Gomentes, comme Joseph le témoigne dans le chapitre sixième de ses Antiquités judaïques. Les Cimmériens, dont les Loges étaient fameuses par leur science, y demeuraient aussi, selon Hérodote, dans le quatrième livre de son histoire. Pline, au livre V, chap. 3, parle de la ville de Cimméris, qu'il place dans la Troade, qui faisait partie de la Phrygie.

Les Loges du pays situé au nord-ouest eurent pour fondateur Ashkenaz, son fils aîné. C'est de lui que le golfe Accenien, dans la Bithynie, avait pris son nom, de même que la mer d'Ashkenaz, appelée aujourd'hui Pont-Euxin.

Les Loges de la Paplagonie reconnaissaient pour leur Grand Maître Riphat, second fils de Gomer. Ce sentiment est d'autant mieux fondé, que les Romains ont appelé Riphatiens les peuples de cette région.

La grande maîtrise de toutes les Loges de la partie la plus orientale de l'Asie mineure fut conférée à Togarma, frère de Riphat. 

Dans la suite des temps, les peuples descendus de Gomer et de ses fils fondèrent des Ateliers dans diverses parties de l'Europe. Les Francs-Maçons cimmériens, entre autres, bâtirent des villes vers les Palus-Méotides, au nord du Pont-Euxin, d'où, après s'être multipliés avec le temps, ils s'étendirent dans la Germanie, vers le Danube, et, dans la suite, jusque dans les Gaules. Les Celtes, anciens Gaulois, ont fondé les premières Loges des Iles Britanniques, où ils envoyèrent les premières colonies. Les anciens Bretons descendaient de Gomer. Les habitants du pays de Galles s'appellent encore aujourd'hui Kumero, Cymro ou Kumeri. 

Les Loges des pays situés au midi de l'Asie mineure, où se trouvait l'Ionie, reconnaissaient pour Grand-Maître Javan, autre fils de Japhet.

  • aux pp. 220-7 et 482-9, est proposée une liste de quelques dizaines de francs-maçons illustres dont une seule rubrique suffira à montrer le sérieux :

Albinus, nommé Grand-Maître représentant des mystères maçonniques pour la Grande-Bretagne l'an 294, voulut prêcher cette doctrine, mais Carancius, converti au christianisme, le fit décapiter. Albinus fut le premier martyr de la Maçonnerie dans cette contrée. Que son nom soit béni !

  • à la p. 21, dans une description de 28 rites maçonniques qui ne diffèrent, pour les trois premiers grades, que par des points de détails, la description (digne de Tintin au Congo) du rite du Congo :

Le rite du Congo ou les mystères de l'Inqueta, offre une grande ressemblance avec les anciennes initiations d'Egypte. Il admet dans son sein tous les hommes de couleur des régions d'Afrique. Au milieu d'une vaste forêt s'élève un temple remarquable par sa simplicité, toutes les avenues sont gardées avec soin par les initiés, tout profane qui tenterait d'y pénétrer serait impitoyablement mis à mort. Pour être initié à cet ordre Maçonnique il faut mourir au vice, et le candidat est enveloppé dans une natte et porté dans le parvis du temple au milieu de chants funéraires, à son arrivée il est étendu sur une table et frotté avec de l'huile de palmier, arbre consacré au soleil par les Egyptiens. Après avoir subi pendant quinze jours les épreuves les plus rudes, on lui révèle avec une grande cérémonie les mystères de l'Inqueta et on le ramène dans sa demeure en entonnant des chants de joie ; suivant les croyances populaires, l'initiation lui a donné une âme céleste et il jouit de la plus grande vénération. Ce rite ne possède que trois grades.

A la décharge de Marconis, il faut cependant reconnaître qu'il lui est arrivé de professer de sains principes, comme celui-ci qu'il a publié (p. 224) dans le Sanctuaire de Memphis en 1849 (et qu'il n'a malheureusement pas toujours appliqué, comme on le voit ci-dessus et ici) :

N'oublions pas que la maçonnerie n'enseigne rien de douteux, de surnaturel ; elle ne s'occupe que d'idées positives et faciles à comprendre, elle ne s'appuie que sur l'expérience, l'histoire, et sur des faits prouvés et non contestés.

Mais, comme Rebold l'écrit de Marconis dans Histoire des trois grandes loges des Francs-Maçons en France :

... son œuvre n’est qu'un échafaudage de faits controuvés, inventés par lui dans le but de tromper la crédulité ... C'est toujours, on le voit, le même langage, la même tactique que les inventeurs de rites emploient depuis un siècle et demi bientôt, pour se faire des partisans dans toutes les parties de l'Europe.

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