Un succédané du chansonnier de Sainte-Geneviève ?

C'est sur le site de la Bayerischen Staatsbibliothek que nous avons trouvé cette curieuse reliure, également présente sur Google.

Elle se compose de :

  • la couverture classique du "vrai" chansonnier de Sainte-Geneviève, mais avec (au-dessus) la date de 1750 (qui est celle de sa première édition)

  • une série de chansons sans partitions, dans des pages numérotées de 241 à 322

  • (sans n°s de page) la table correspondant aux chansons précitées avec leur pagination

  • une autre série de chansons sans partitions, dans des pages numérotées de 323 à 358 (c'est-à-dire à la suite des précédentes)

  • les pages 31 à 36 puis 25 à 30 du chansonnier de Sainte-Geneviève proprement dit, telles qu'aux éditions 1760 ou 1763 mais sans les numéros de page (il s'agit peut-être de l'édition 1750, que nous n'avons pas eu l'occasion de consulter).

Pour ces dernières pages, il s'agit manifestement des mêmes clichés d'imprimerie, sans les n°s de page. On remarquera cependant une différence notable : la gravure ornant la p. 30 n'est pas la même.

Edition 1760

"pseudo" (sans doute copie de l'édition 1750 ?)

Il semble donc s'agir d'un assemblage de sous-ensembles distincts ayant, à un moment donné, été reliés ensemble.

Mais d'où peuvent en provenir les pages numérotées 241 à 322 (contenant des chansons dont un bon nombre - mais cependant pas toutes - figurent aux autres éditions de Sainte-Geneviève) et 323 à 358 (à l'exception de quelques-unes qui sont inédites - mais dont, d'après les noms d'auteur, certaines semblent bien émaner aussi de Sainte-Geneviève -, toutes les chansons de cette partie figurent aux autres éditions de Sainte-Geneviève) ? Certainement d'un recueil sur lequel nous n'avons pas encore mis la main !

Les indications d'assemblage en bas de page portent la mention Tome II

Il pourrait par exemple s'agir d'une suite à l'une des éditions du Tome II des Secrets De L'Ordre Des Francs-Maçons de Pereau.

Cette édition-ci de Péreau, datant de 1745, se termine précisément à la p. 240 et, comme annoncé au bas de cette page, elle est suivie d'un recueil de chansons ; mais, dans cette reliure-là, ce recueil a sa propre numérotation et est différent. Il ne serait pas invraisemblable que d'autres éditions aient une continuation différente, avec numérotation séquentielle.

Ce recueil contient, non seulement des chansons connues par ailleurs (mais souvent avec des différences), mais aussi un certain nombre de chansons totalement inédites (à l'exception de celle de la p. 333, qui se retrouvera aux pp. 206-8 de la Lyre maçonne ou Recueil choisi des plus jolies chansons dédiées à M. le Marquis de Gages, nous ne les avons jusqu'à présent trouvées dans aucun autre) :

Page Titre Incipit
309 Chanson Tes charmes sont toujours nouveaux
322 Aux profanes (NB : il s'agit sans doute d'un poème plutôt que d'une chanson) Vous ne saurez notre secret 
328 Chanson nouvelle par le Frère Teriop Pour rendre la société
333 Chanson par le Frère Paris Des Francs-Maçons le saint langage
342

Autre chanson 

Beaucoup traitent de badinage 
343

Chanson nouvelle 

Chérissons l'ordre que nous professons 
344

Chanson nouvelle 

De l'art divin exaltons la mémoire 
347

Couplets par le Frère Paris 

Que d'une belle épris des faux appas 

Le Frère Paris, auteur des chansons des pp. 333 et 347, est sans doute le même que celui qui a collaboré avec le Frère Timebor (auteur ici de la série des pp. 339-341) pour la suite de Noels en G re sol qui figure aux pages 88-91 du chansonnier de Ste Geneviève.

On notera en tout cas que, à l'exception de sept, toutes les chansons figurant à ce recueil-ci se trouvaient déjà au recueil de Ste-Geneviève proprement dit : ce ne peut être une simple coincidence, et cela justifie sans doute le titre attribué par la couverture.

Une autre curiosité

On trouve dans cette reliure, à la suite des pages décrites plus haut, quelques pages blanches, puis une page qui n'a pas été dépliée pour la photographie et dont on n'aperçoit donc (image ci-dessous à gauche) que les extrémités ; mais la feuille suivante porte une note manuscrite (qui semble être de la même écriture que celle de celui qui est devenu propriétaire de l'ouvrage le 22 mars 1874) : cette feuille est tirée du nouveau traité des serins de Canarie par Mr Hervieux, Paris 1713 (?). Le prélude est en C-sol-ut. La marche, celle des surlaubes ou des Gardes du Corps, du même ton.

Il s'agit effectivement d'un ouvrage assez connu, et une des pages qui lui sont consacrées sur le web contient (image ci-dessous à droite) une reproduction de la page concernée :

On voit que les pages pliées de l'image de gauche correspondent exactement aux pages ouvertes de l'image de droite.

Littré (éd. 1880) définit C-SOL-UT comme un ancien terme de musique signifiant le ton d'ut et donne comme étymologie : Dans la suite des notes représentées par des lettres a, b, c, d, e, f, g, le c distingue l'ut ; les tons ont été indiqués par les noms de la tonique et de la dominante : a-mi-la ; b-fa-si ; c-sol-ut, etc.

Mais pourquoi cette feuille se trouve-t-elle reliée dans ce recueil ? Ce peut évidemment être un simple hasard. 

On notera cependant que le Recueil de chansons des francs-maçons à l'usage de la Loge de Ste Geneviefve contient (pp. 85-7) une suite de Noels en C sol ut par le Frere Timebor (le texte de ceux-ci figure aux pp. 351-3 du présent recueil, sous le titre général autre chanson sur différents airs de Noëls, par le Frère Timebor - dialogue entre un Franc-Maçon et un de ses amis qui veut se faire recevoir)

Le chansonnier original de Ste Geneviève :

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