Chantons, amis, cette Nymphe charmante...
Cliquez ici pour entendre un air sur lequel il est possible de chanter ce texte
Cette pièce de vers a été chantée le 16 février 1777 à un banquet de la Loge liégeoise de la Parfaite Intelligence, donné à l'occasion des lettres patentes accordées à la marquise de J... [Jehay] par une loge d'adoption française.
On dispose de peu d'informations sur les loges d'adoption dans la région liégeoise, où elles ne semblent pas avoir eu grand succès. On sait que, sous l'Empire, il en exista une à Chaudfontaine, sans doute souchée sur la Nymphe de Chaudfontaine.
La source pour le texte de la chanson est l'ouvrage d'Ulysse Capitaine, Aperçu historique sur la franc-maçonnerie à Liège avant 1830, in Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, 1853 (fac-simile réédité par Albert Vecqueray Ed. en 1978). Ce Bulletin est à présent consultable (voir à partir de la p. 406).
Nous n'avons aucune indication sur la musique utilisée. Pour ne pas laisser cette page silencieuse, nous en proposons une sonorisation avec l'air de la Chanson de la p. 86 du Chansonnier de Naudot, qui a la même structure en quatrains décasyllabiques.
Chantons, amis, cette Nymphe
(1)
charmante,
Au teint de lys, au souris séducteur ;
Chantons ses traits, son éclat, sa fraîcheur,
Et ses beaux yeux et leur flamme éloquente.
O mes amis ! cette aimable mortelle
A l'art royal consacre ses loisirs ;
Son nom sans doute excite vos désirs,
Hébé J.... est le nom de la Belle.
C'est vainement que l'aveugle Ausonie,
Lance sur nous des arrêts foudroyans ;
Laissons l'envie exciter ses serpens,
Et moquons-nous de leur rage ennemie.
Dans nos climats, loin de ces vains caprices ,
Sûrs de l'appui d'un Prince révéré
(2),
Sensible, bon, juste autant qu'éclairé,
Nous élevons en paix nos édifices.
Rien ne nous nuit, rien ne nous intimide ;
Que pourrions-nous redouter désormais,
Quand la Beauté préside à nos secrets,
Quand la Vertu nous prête son égide?
A la santé d'un Prince qu'on
adore (2),
Frères, tirons nos canons à la fois ;
Pour la Beauté qui nous dicte des loix,
Rechargeons vite, et tirons-les encore.
Notes :
(1) Allusion à la Nymphe de Chaudfontaine ?
(2) le Prince révéré et qu'on adore est François-Charles de Velbruck (1719-1784), prince-évêque de Liège de 1772 à 1784, lui-même sans doute membre et Vénérable d'honneur de la Parfaite Intelligence. Une loge liégeoise de la Grande Loge Régulière de Belgique porte actuellement son nom.
Velbruck Velbruck fut un prince éclairé, fondateur notamment d'une bibliothèque publique, d'une école d'accoucheuses, d'une académie d'arts plastiques, d'une école gratuite de dessin pour les arts mécaniques, d'une société littéraire, l'Emulation. Il avait tenté de réduire les privilèges fiscaux de la noblesse et du clergé. Il était estimé par le peuple de Liège, qui chantait en son honneur :
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Notre source pour ces informations sur Velbruck est le livre de Jo Gérard, la Franc-Maçonnerie en Belgique (J. M. Collet Ed., 1988). Celui-ci donne également une autre version de la chanson ci-dessus, avec le même premier couplet :
Chantons, amis, cette Nymphe
charmante, Voyez l'amour folâtre sur ses traces.
ci-contre : le château de Jehay |
Et il cite également ces quatre vers dédiés à la marquise de Jehay :
Son esprit plaît, sa douceur intéresse.
De la nature, elle a saisi le ton,
Son badinage est rempli de raison
Et sa gaîté fait aimer la sagesse.
Selon le mémorial édité en 1985 par le Souv. Chap. Charles Magnette de la PIER à Liège (p. 58), l'auteur de ces vers est l'abbé de Paix. L'abbé Hubert-Joseph de Paix (1743-1799), chanoine de l'église Saint-Pierre, fut Orateur de la Parfaite Intelligence au moment de sa reconstitution en 1770. En 1775, la Parfaite Intelligence demanda son adhésion au Grand Orient de France, ce qu'elle obtint et qui donna lieu à une cérémonie d'installation le 3 avril 1776 ; dans un discours prononcé à cette occasion, l'abbé de Paix manifestait déjà son intérêt pour les Loges d'Adoption :
Dans le fond du tombeau qui renferme la cendre, Un extrait de ce texte est repris (pp. 169-70) par Daniel Droixhe dans sa très intéressante Histoire des Lumières au pays de Liège (Ed. ULG). |
Bibliographie On trouvera un chapitre consacré à Velbruck dans l'ouvrage Illustres et Francs-maçons, rédigé par un collectif d'auteurs coordonné par Luc NEFONTAINE et publié en 2004 par les Editions Labor (Collection La Noria). |