Fête de la Concorde
Cliquez ici (midi) ou ici (mp3) pour entendre l'air
Comme on le verra plus loin, la chanson présentée ici entérine un événement non négligeable dans le microcosme de la maçonnerie bruxelloise sous l'Empire.
Notre source pour cette page est un article intitulé SCEAU DE LA LOGE PAIX ET CANDEUR à l'Orient de Bruxelles, publié en 1901 dans la REVUE BELGE DE NUMISMATIQUE par A. de Witte.
Celui-ci disposait en effet, dans sa collection personnelle, de la matrice d'une médaille (qu'il reproduit, voir ci-contre) de la Loge bruxelloise La Paix et la Candeur. En numismate consciencieux, il la décrit comme suit :
(ndlr : le lama mentionné - dubitativement - par de Witte nous a semblé être plutôt une licorne, symbole classique de candeur) |
La Paix et la Candeur De Witte ajoute à propos de cette médaille : La Loge la Candeur ... avait été constituée par le Grand-Orient de France, le 8 novembre 1804, au seul rite ancien réformé, sous lequel elle était exclusivement reconnue et dont un chapitre fut érigé dans son sein, le 6 mars 1809. Elle ne vécut guère bien longtemps, car elle s'unit, les 18-20 avril 1816, à la loge la Paix, à Bruxelles. La Paix, fondée le 28 avril 1802, par le Grand-Orient de France, au seul rite ancien réformé avait adopté, dès le 9 avril 1810, le rite écossais philosophique. En 1813, elle comptait 54 membres résidants, et 32 membres non résidants. Son local se trouvait alors rue Royale, n° 116. Après leur fusion, les deux loges Paix et Candeur réunies, obtinrent de leur chef-d'ordre, la mère loge écossaise philosophique, à Paris, le titre de mère-loge du rite dans les Pays Bas, titre qui leur fut disputé, plus tard, par la loge les Vrais Amis, à Gand. |
Poussant plus loin son enquête, de Witte a exhumé le Tracé imprimé de la fête de la Concorde célébrée à Bruxelles, le 13 octobre 1808, par la Loge la Candeur, tracé dont il cite quelques extraits.
Il y est mentionné que au banquet, après les toasts d'usage, le frère De Liagre, fils, entonna d'une voix vibrante, sur l'air Gusman ne connaît plus d'alarmes, le cantique de la composition du Vénérable Maître Plasschaert (Plasschaert nous est déjà connu par un autre cantique de ce site). De Witte a eu l'heureuse idée de reproduire ce cantique à titre de curiosité :
Au sein de la mélancolie,
Insensé qui traîne ses jours !
D'une sombre philosophie
Méprisons les tristes discours ;
Sur les pas du sage Épicure,
Cherchons des plaisirs vertueux :
Suivons les lois de la nature,
Faisons le bien pour être heureux !
Le temps nous
poursuit et nous presse
Vers l'abîme d'où rien ne sort :
Le vrai secret de la sagesse
Est de jouir jusqu'à la mort ;
En vain le vulgaire murmure
D'un sort qu'il trouve rigoureux ;
Le maçon bénit la nature,
Il fait le bien, il est heureux!
Vous qui vivez
sous les auspices
Du Plaisir et de la Candeur,
A ces divinités propices
Vouez à jamais votre coeur ;
Du temps ne craignez point l'injure.
Bravez sa faulx parmi les jeux,
Aimez l'Auteur de la nature,
Faites le bien, soyez heureux!
Chantez aussi,
dans votre ivresse,
Le doux accord des sentiments,
Et par des transports d'allégresse
Célébrez ces heureux instants !
Paix, Union, Philanthropie,
Espérance, Amitié, Candeur,
Doivent vivre dans l'harmonie,
Et ce devoir fait leur bonheur.
Le rejet épicurien (couplet 1) d'une sombre philosophie était un thème courant dans le chansonnier du XVIIIe.
Voir l'air (qui se trouve être aussi celui de l'autre cantique de Plasschaert figurant à ce site).
Concorde retrouvée Au dernier couplet, les mots Paix, Union, Philanthropie, Espérance, Amitié, Candeur, à l'harmonie desquels il est fait appel, évoquent en fait les titres distinctifs des six Loges bruxelloises d'alors, la Paix, la Candeur, la Parfaite Amitié, l'Espérance, les Amis Philanthropes et les Vrais Amis de l'Union. De Witte donne à ce sujet les commentaires personnels suivants : Il semble que vers 1807 ou 1808, un vent de discorde ait soufflé parmi les maçons bruxellois, car le 13 août 1808 la loge La Candeur, à Bruxelles, donna, en son temple, une grande fête de la Concorde, à l'occasion de l'union rétablie entre les frères. Des députations des loges la Parfaite Amitié, l'Espérance, les Amis Philanthropes et les Vrais Amis de l'Union y assistèrent ; de nombreux discours y furent prononcés ... Quel peut être ce vent de discorde qu'il évoque ? Nous pensons avoir trouvé la réponse dans le Précis historique des Amis Philanthropes édité par Lartigue en 1893 : en 1805, avait commencé la tentative de formation de la Parfaite Amitié, jugée irrégulière par certains. En 1806, les 5 Loges bruxelloises avaient essayé, sans y arriver (2 pour - 2 contre - 1 abstention), de trancher cette question. La Loge avait cependant été installée en 1807, avec l'accord du Grand Orient, accord contre lequel il avait été fait appel par les Amis Philanthropes (lesquels, jugeant, selon Lartigue, une telle multiplicité préjudiciable aux intérêts de l'Ordre, se montraient en général très rétifs à la constitution de nouvelles Loges bruxelloises). Paris se sortit de ce mauvais pas en reconnaissant que l'installation, effectuée pendant que l'instance d'appel était ouverte, était de ce fait irrégulière et en ordonnant qu'elle soit recommencée, cette fois par les soins de la Candeur. Ainsi régularisée, la Parfaite Amitié prenait dans l'Obédience un rang qui ne pouvait plus être contesté par personne, et l'affaire se concluait sans qu'aucune des parties perde la face. Il était dès lors normal que la Candeur, après avoir procédé à cette installation, tente, au cours d'une fête de la Concorde, de réunir l'ensemble des Loges bruxelloises pour passer la truelle sur cet épisode. Il est à noter que, en 1825, la Parfaite Amitié n'avait déjà plus d'activité, et que la Paix et Candeur (résultant de la fusion en 1816 de la Paix et de la Candeur), qui était toujours active en 1825, disparut également un peu plus tard, en 1836 (mais il existe à nouveau, au même Orient, une Loge de ce nom, membre de la GLB ; elle a repris le sceau d'origine, mais dans une version plus claire, qui confirme notre hypothèse sur la licorne, et permet de voir que l'objet tenu de la main droite par Minerve est un compas). |