Henri Vieuxtemps

En cliquant ici, vous entendrez un extrait de l'adagio de son 5e concerto pour violon, op. 37, interprété par Jascha Heifetz, accompagné par le New Symphonic Orchestra of London sous la direction de Sir Malcolm Sargent (CD RCA RD86214). 

Ce concerto, achevé en 1861, est l'oeuvre la plus célèbre, encore souvent jouée, de Vieuxtemps. On l'appelle également le concerto Grétry : on y retrouve en effet le thème du célèbre air de Grétry Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille. Le passage que vous entendez est celui où il introduit ce thème (th!me réutilisé par la suite pour une chanson maçonnique).

  

Enfant prodige (il joua comme soliste, dès l’âge de six ans, au théâtre de Verviers), Henri Vieuxtemps (1820 - 1881) était considéré de son vivant non seulement comme le plus grand virtuose du violon de l'époque, mais comme l'héritier direct de Paganini. Doué d'une technique éblouissante et d'un style aristocratique, il n'hésitait pas à introduire dans ses compositions de longs passages de virtuosité, mais jamais aux dépens d'une émotion sincère qui s'exprime par un lyrisme très expressif.

Il commença à composer à l'âge de 16 ans. Son oeuvre comprend notamment 7 concertos pour violon et deux pour violoncelle, écrits pour Joseph Servais, le fils d'Adrien-François Servais.

Il fit trois voyages en Amérique et s'installa de 1846 à 1852 à Saint-Petersbourg, qu'il quitta sans regret, estimant y avoir végété

Il enseignait au Conservatoire de Bruxelles quand, en 1873, il se retrouva partiellement paralysé, perdant l'usage de la main gauche. En 1879 il s'installa chez sa fille en Algérie, où il mourut en 1881.

Henri Vieuxtemps est cité dans un des Livres d'Architecture de la Loge bruxelloise Les Vrais Amis de l'Union et du Progrès réunis. Le Tracé de la Tenue du jeudi 26 août 1841 mentionne que ... la Loge passe à la réception du profane Henri Vieuxtemps ; il soutient les épreuves avec fermeté et courage, et voit le plus grand bonheur possible lui tomber en partage, celui d'être proclamé membre de notre Respectable Atelier ...

O. Hennebert (dans Histoire de la Loge Les Vrais Amis de l'Union et du Progrès réunis) reprend le nom d'Henri Vieuxtemps parmi les Frères artistes musiciens qui furent reçus sous le vénéralat du Frère Trumper, de 1839 à 1845. Il aurait ensuite été affilié (1852) à la Loge bruxelloise les Amis Philanthropes.

Vieuxtemps et de Bériot

Artiste précoce (ci-dessous à gauche), Vieuxtemps fut aussi un franc-maçon précoce, puisqu'il n'avait guère plus de vingt ans quand il le devint. 

De 1828 à 1831, le violoniste belge Charles-Auguste de Bériot, émerveillé par les dispositions exceptionnelles de Vieuxtemps, s'était chargé de parfaire son éducation musicale et l’avait emmené à Paris. L’admiration que le petit Henri avait pour son maître touchait au fanatisme, si bien qu’un jour, Bériot lui dit : 

Mais malheureux, si tu continues ainsi à me copier, tu ne seras jamais qu’un petit de Bériot, et 
il faut que tu deviennes toi-même
. 

Or de Bériot était lui-même franc-maçon : a-t-il joué un rôle dans la vocation maçonnique de son protégé?

Dans des documents autographes inédits détenus par un de ses descendants (source : le site de l’Association des Musiciens Amateurs), Vieuxtemps raconte ainsi ses débuts et ses rapports avec de Bériot :

Mon père était un peu musicien, jouait du violon s'occupait de lutherie. C'est ainsi que, autant que je me souvienne, j'ai vu et entendu jouer du violon. A l'âge de quatre ans, mon père, sans autre but que celui de m'amuser, me mit un petit violon en main, me donna les premières notions de musique, m'enseigna ce qu'il savait. Comme ce n'était pas long, j'en sus vite autant que lui. Apercevant son insuffisance, il voulut me faire donner des leçons par un de ses amis qui, n'ayant pas la foi paternelle, s'empressa de n'en rien faire, prétextant, peut être avec raison, qu'un enfant de quatre ans ne pouvait comprendre. Un amateur de notre petite ville, un homme riche et généreux, M. Genin, s'intéressa au jeune prodige dont on lui avait parlé, et me fit donner des leçons par M. Lecloux, professeur sérieux et d'un savoir réel.

Mes progrès furent si rapides sous son intelligente direction que, au bout de deux ans, je pus jouer dans un concert public le 5e Concerto de Rode, et un Air Varié de Fontaine, avec orchestre. J'avais six ans et l'effet fut surprenant. On me produisit dans quelques occasions, on s'occupa de moi, on aida mon père. Charles de Bériot, alors dans toute la fraîcheur et le charme de son talent, m'entendit à Amsterdam ; frappé des qualités qui se faisaient pressentir en moi, il proposa à mon père de se charger de mon éducation de musicien et de virtuose, proposition qui fut acceptée avec reconnaissance.

Bériot fut pour moi un second père ; je devins sa préoccupation constante. Il s'attacha surtout à m'inspirer le respect et le goût des anciens maîtres, m'initia aux beautés des Corelli, Tartini, Viotti, Rode, Kreutzer etc... Il m'enseigna à les admirer et à les regarder comme des modèles. Je me plais à rendre ici un hommage illimité de reconnaissance à l'homme et au maître qui a su éveiller chez un enfant des sentiments qui se sont incrustés et développés en lui au point de me donner la conviction que, sans eux, il ne peut d'artiste vrai, convaincu, éclairé. Vers la fin de 1828, Bériot me prit avec lui à Paris, où il me produisit dans ses concerts.

En 1831, Bériot s'unit à Mme Malibran et partit pour l'Italie. Désolation de mon père. A qui confier mon gamin, disait-il à Bériot, en sortant de vos mains ? - A personne, répondit le maître : qu'il travaille seul, qu'il cherche sa voie, qu'il se fraye un chemin ; observez-le seulement. Et c'est ainsi que depuis l'âge de onze ans, je n'ai plus eu une leçon de violon. J'ai continué à travailler, à méditer les anciens, à leur comparer les modernes, à les rapprocher, les unir en ce qu'ils m'ont paru avoir de beau et de grand.

 

Les informations à caractère maçonnique de cette page, tirées de ses livres La Représentation Maçonnique dans la collection Philatélique de Belgique et la Représentation Maçonnique dans les noms des rues de Bruxelles, ont été reçues de feue Lucy Peellaert.

C'est également elle qui nous a fourni trois images "philatéliques" (ci-dessous) relatives au timbre belge consacré à Vieuxtemps en 1974.

La première (ci-contre) représente l'enveloppe premier jour éditée par la Fraternelle "Eurèka".

Les textes imprimés sont les suivants :

  • - sous le sceau à gauche : Henri Vieuxtemps, violoniste et compositeur belge, reçu Apprenti Maçon le jeudi 26 août 1841 par la Loge "Les Vrais Amis de l'Union" à l'Orient de Bruxelles
  • - en bas au centre : Premier jour d'émission F.D.C. - Eurèka - Bruxelles" - 1974

    

à gauche : carte "maxima" , cachet du 1er jour d'émission d'un bureau postal de Liège - 1974 .

à droite : Carte postale "maxima" ancienne, cachet du 1er jour d'émission du Musée instrumental de Bruxelles - 1974 .

collection originale privée; ces cartes maxima (montrées lors de l'exposition de philatélie Maçonnique au Musée du Grand orient de Belgique en 1983) ne font pas partie de l'Association officielle des Maximaphiles

  

 

L'avis de ses pairs

Ce petit garçon deviendra un grand homme

Paganini   

 

 

Portrait (1828) de Vieuxtemps à 8 ans, par B. Vieillevoye (Verviers, Musées Communaux) 

Quiconque se présente devant le monde doit n’être ni trop jeune ni trop vieux, mais florissant : non seulement par-ci par-là, mais à pleine tige. Pour Henri, on peut fermer les yeux en toute confiance. Comme une fleur embaume, ainsi rayonne ce jeu… Quand on parle de Vieuxtemps, on peut penser à Paganini

Schumann, 1834   

Le talent de Vieuxtemps est merveilleux ; ses qualités dominantes sont la grandeur, l’aplomb, la majesté et un goût irréprochable ... Ce concerto est une magnifique symphonie avec un violon principal ... (à propos du 4e concerto, en 1851, dans le Journal des Débats)
… je ferai surtout remarquer la beauté et la savante ordonnance de ses compositions. Ce sont des œuvres de maître dont le style mélodique est toujours noble et digne, où l’harmonie la plus riche est constamment mise en relief par une instrumentation ingénieuse et d’un beau coloris ... 
S’il n’était pas un si grand virtuose, on l’acclamerait comme un grand compositeur ...

Berlioz     

Vieuxtemps figure - en compagnie notamment de Berlioz, Spohr et Lindpaintner - sur une intéressante lithographie exécutée en 1853 d’après un dessin de Charles Baugniet (1814-1886), intitulée L’Analyse. Souvenir de la Musical Union (Neuvième Saison) et reproduite sur une page du riche site Hector Berlioz

... et celui de Vieuxtemps sur 

Paganini

... à Londres : ce qui fit alors époque dans ma vie, ce fut le bonheur d'approcher et d'entendre Paginini. Un matin, mon père rentra tout effaré, en s'écriant : il est ici, nous allons l'entendre ce soir dans un concert. Grand émoi ! Sensation ! Absence de faim et de soif ! Il y avait de quoi ! Je m'en souviens encore ! Je le vois ! Je l'entends ! Son apparition fantastique, cadavéreuse, théâtrale était un poème et impressionnait profondément. Les applaudissements qui l'accueillirent n'avaient pas de fin ! Pour quelque temps, il avait l'air de s'en amuser, et quand il en avait assez, d'un coup d'oeil d'aigle, diabolique, il regardait le public et lançait un trait, une fusée éblouissante, partant de la note la plus grave du violon jusqu'à la plus élevée, avec une rapidité, une puissance de son, une clarté, un étincellement de diamant si extraordinaire, si vertigineux, que déjà chacun se sentait subjugué, fanatisé. L'impression fut profonde, immense, mais je ne pouvais pas encore me rendre un compte exact des moyens employés pour arriver aux effets rendus. Toutefois l'impression resta en moi intacte, et plus tard, lorsque j'avançais dans l'âge, et dans la connaissance plus approfondie de l'art du violon, bien des choses s'expliquèrent et se révélèrent. Néanmoins le souvenir de mes sensations est resté le même, et mon admiration a grandi jusqu'aux limites de l'invraisemblable.

Beethoven

... le grand événement du moment pour moi fut l'audition de Fidélio que j'y entendis pour la première fois. L'impression produite sur ma jeune âme de treize ans par cette oeuvre fut telle que j'en perdis le boire, le manger et le sommeil.

 

Bibliographie

On trouvera un chapitre consacré à Vieuxtemps dans l'ouvrage Illustres et Francs-maçons, rédigé par un collectif d'auteurs coordonné par Luc NEFONTAINE et publié en 2004 par les Editions Labor (Collection La Noria).

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