L'avènement de Charles X
Comme dans le cas de Louis XVIII, les maçons n'ont pas manqué de croire (ou de feindre de croire ?) à l'appartenance maçonnique de Charles X. C'est le cas du Frère Clavel qui, le 3 novembre 1824 (soit peu après le décès de Louis XVIII) à la Loge d'Emeth, pratique le wishful thinking en déclarant dans son discours :
La même confiance - de commande ? - apparaît dans une chanson de Quantin et dans un obséquieux discours de Marconnay en 1824 à la loge de La Clémente Amitié. Et cependant, écrivent Achille Ricker et Jean-André Faucher qui rapportent (p. 277) le discours de Clavel ci-dessus dans leur Histoire de la franc-maçonnerie en France, la répression atteint certaines Loges. |
D'ailleurs, en 1825 sera lancée, à l'initiative, selon Wargny (qui ici peut-être s'aventure, nous n'en avons en tout cas encore trouvé aucune confirmation), du ministre Mgr Frayssinous, une tentative de faire interdire la maçonnerie.
L'offensive contre celle-ci, qui avait été relancée en 1821 par Pie VII (qui la confond avec le carbonarisme) dans sa Bulle Ecclesiam a Jesu Christo, l'est encore le 13 mars 1825 par Léon XII dans le Bref apostolique Quo graviora. Le 24 mai 1829, Pie VIII en remet une couche avec l'encyclique (visant la libre-pensée et les sectes qui la répandent) Traditi humilitati nostrae.
Un pittoresque témoignage de cette offensive est la parution en 1827 de l'ouvrage Révélation au roi d'un affreux complot, tramé dans les repaires de la franc-maçonnerie, contre la religion et le trône ; suivie d'un avertissement à S. A. R. le duc d'Orléans (NDLR : il s'agit du futur Louis-Philippe, soupçonné de sympathie pour la maçonnerie), odieusement trompé par la profonde hypocrisie de plusieurs loges maçonniques ou de celui intitulé Dénonciation aux cours royales des clubs menaçans de la franc-maçonnerie et preuves décisives de leur illégalité, de leurs projets affreux et de la nécessité de les détruire sans aucun délai - qui fera l'objet d'une Réfutation par Jules Roze.
Charles X, ultra et bigot, avait donc forcément beaucoup moins de raisons que son frère de manifester de la bienveillance envers la maçonnerie !
Pour le compte du Grand Orient de France, le Frère Bouilly avait en 1824 manifesté autant d'optimisme que le Frère Clavel, en chantant, à la fin de la pompe funèbre organisée le 25 novembre 1824 en l'honneur du roi défunt :
CHARLES, son successeur, son frère,
Vient à nous aujourd'hui, comme un ange de paix ;
De ses nobles vertus il est dépositaire :
Qu'il soit heureux ! qu'il règne ! Et puisse pour jamais,
Sous un soleil serein, sur le sol des Français,
Fleurir le lys héréditaire !
Un mois plus tard, le 27 décembre, au cours de la Saint-Jean d'Hiver, le Grand Orient inaugurait solennellement un buste de Charles X.
Il en fut de même à la Saint-Jean d'été suivante à La Loge les Amis des Bourbons de Villeneuve-d'Agen.
A la Saint-Jean d'Eté suivante, lors de la Fête de l'Ordre, le Frère Mercadier - à l'époque âgé de 92 ans ! - chanta à son tour à la gloire de Charles X.
Dans le Tome II de son Histoire de la Franc-maçonnerie française (Fayard, 1974), Pierre Chevallier donne en effet (p. 121) le couplet suivant d'un cantique chanté par lui :
Sous les yeux
d'un roi sage et juste
Désormais nous travaillerons ;
Et forts de sa présence auguste
A nos ennemis nous dirons
Venez et la grande famille
Vous dira cette vérité
La Maçonnerie est la fille
La mère de l'Humanité.
On trouvera ici un autre couplet du même cantique.
Le bel enthousiasme (de commande ?) pour Charles X allait bientôt, en raison du caractère de plus en plus réactionnaire de son gouvernement, battre de l'aile pour faire place après les Trois Glorieuses à celui pour la Monarchie de Juillet - qui allait à son tour être déçu.