Pour en savoir plus sur le duc de Chartres
Un diplôme maçonnique à son
effigie
Dans ses collections, la Bibliothèque nationale de France dispose de l’estampe ci-dessous, dont elle a rendu une reproduction
accessible aux internautes sur son site Gallica.
Elle y donne comme légende :
Titre : Portrait de L.-P.-J. d'Orléans, duc de Chartres, en buste, de 3/4 dirigé à droite dans un médaillon ovale soutenu dans les airs par un aigle, au-dessus d'un temple sur lequel on lit : A l'union des sciences et des arts avec la vertu.
Auteur : Choffard, P. P.. Graveur
Cette légende ne mentionne pas le caractère maçonnique de la pièce. Ce caractère est cependant manifeste si l’on s’en réfère à la description qui en est donnée au Tome I (deuxième partie) de l’ouvrage de Portalis et Béraldi,
Les graveurs du dix-huitième siècle (Paris, 1880, Damascène Morgand et Charles Fatout éd.) ; à la p.
433 , elle est en effet mentionnée comme suit, sous le n° 29 dans le catalogue des œuvres de Choffard :
CHARTRES (le Duc de), depuis Philippe-Egalité, dans une grande composition en largeur,
destinée à servir de Diplôme de Franc-Maçonnerie. — Dessiné par Monnet, peintre du Roi,
Maître de la loge des neuf sœurs, gravé par P. P. Choffard, 1777. in-fol. en largeur.
A gauche, un temple, A l'union des Sciences et des Arts avec la vertu ; à droite, les Muses et Pégase. Dans le haut, à droite, Apollon, et à gauche, un aigle tenant dans ses serres un petit médaillon sur lequel est délicatement gravé le portrait de
Louis Philippe Joseph Duc de Chartres, Grand Maître du Grand Orient de France — Un lion, un chien, un pélican, etc. — Présenté par le Frère Abbé Cordier de St Firmin, Instituteur et Orateur de la Loge des Neuf-Sœurs. Le Vénérable De La Lande, de
l'Ac. des Sci. Ecl. L'O. L. D. L. V. 5777. — Un cartouche au-dessus de la composition et deux autres sur les côtés.
Le Frère Monnet, peintre du
roi, mentionné par Amiable comme membre des
Neuf Soeurs (ndlr : les Muses figurent
à la gravure), nous est notamment connu pour avoir, pendant la réception de Voltaire,
dessiné le portrait du frère de Voltaire, qui s'est trouvé plus ressemblant qu'aucun de ceux qui ont été gravés, et que toute la loge a vu avec une extrême
satisfaction.
Cette gravure a
effectivement été utilisée comme diplôme, et précisément aux Neuf Soeurs :
on trouve (sous le n° 253) au catalogue
de la vente publique de la maison Alde, le 29 novembre 2012, la pièce suivante
(qui, estimée à 3/4000 Euros, fut adjugée
à 11000 Euros) :
présentée ainsi :
Benjamin FRANKLIN (1706-1790). P.S., cosignée par une trentaine de francs-maçons, dignitaires et membres de la Loge des Neuf Sœurs, Paris 1er jour du 6e mois de l’an 5785 de la Vraie Lumière [1er septembre
1785 - ndlr : c'est plutôt le 1er aoüt] ; in-plano (à vue 31 x 48 cm), fragment de cachet cire rouge ... Rarissime et exceptionnel brevet maçonnique de la célèbre Loge des Neuf Sœurs, signé notamment par Benjamin Franklin qui en fut le Vénérable, et par nombre de ses illustres membres.
Le brevet est rédigé dans les marges d’une grande planche gravée par Pierre-Philippe
Choffard d’après un dessin de Charles Monnet, peintre du Roi : elle représente un temple dédié « à l’union des sciences et des arts avec la vertu », neuf sœurs entourées d’emblèmes des arts et sciences, Apollon descendant des cieux, Pégase, un lion couché et un portrait en médaillon du duc de Chartres, Grand-Maître de toutes les Loges régulières de France.
« Nous, Vénérable, Premier et Surveillans, et autres Officiers, et Membres de l:. R:. L:. des IX:. SS:. à l’O:. de Paris Certifions que le T:. C:. F:. Claude Jacques
Notté, Peintre, M:., est Maître et Membre de cet Atelier, que, réunissant à un talent distingué le caractère le plus fraternel, il s’est concilié l’estime et l’amitié de tous ses FF:., comme il s’est acquis des droits
sur la reconnaissance de l:. R:. L:. pour l’intelligence et le zèle qu’il a montrées dans les divers offices qui lui ont été confiés : Prions tous ll:. MM:. répandus sur les deux hémisphères de faire à ce ch:. F:., dès le premier abord, l’accueil favorable qu’une plus ample connaissance les forcerait de lui accorder : Promettons de notre côté de faire le même accueil aux bons et vrais FF:.:.:. qui nous seront ainsi recommandés. Le présent certificat avait été assûré au T:. C:. F:. Notté, de l’an de l:. v:. L:. 5780, et signé par le V:. M:. Franklin, alors éclairant l’O:. de l:. R:. L:.:.:. des IX SS:.:.:. ; Les progrès que le T:. C :. F:. dans la vertu, l’accroissement de ses talens, la multiplicité de ses services, n’ont fait qu’ajouter aux sentimens de la R:. L:. qui s’empresse de joindre son témoignage général à celui d’un Ex V:.
M:. dont la seule signature eut pû suffire pour attester à l’Univers M:. la vérité des faits, et l’unanimité de l’Attelier »... Claude-Jacques Notté (1752-1837), originaire de la Brie,
fut peintre, portraitiste et miniaturiste ; il est notamment l’auteur d’un portrait de John Paul Jones, largement diffusé par la gravure. Il figure comme sous-surveillant dans un document de la Loge des Neuf Sœurs daté de 1780.
Ont signé tout en haut du brevet, outre Benjamin Franklin, le premier maître (et fondateur de la Loge) l’astronome Jérôme de Lalande (1732-1807), et l’avocat Jean-Baptiste Jacques
Élie de Beaumont (1732-1786), qui était alors le Vénérable de la Loge. Ont également signé, en bas, à côté du sceau, pour délivrer ce brevet, le premier secrétaire, le poète Jean-Antoine Roucher (1745-1794), le second secrétaire, le naturaliste Bernard-Germain-Étienne de Lacépède (1756-1825), et Claude Guyot Desherbiers
(1745-1828, magistrat et législateur, grand-père d’Alfred de Musset). De part et d’autre de la gravure, figurent les signatures des principaux membres de cette loge prestigieuse : Philippe
Jouette (peintre), Charles-Étienne Gaucher (1741-1804, graveur), Pierre-Philippe Choffard
(1730-1809, dessinateur et graveur), Couasnon, Henri Jabineau (1724-1792, prêtre et avocat), Bastin, Jean-Simon Berthelemy (1743-1811, peintre d’histoire), Abel Claude Marie de
Vichy (1740-1793, demi-frère de Julie de Lespinasse), Adrien-Nicolas Piédefer marquis de
La Salle (1735-1818, officier et littérateur), Jean-François Cailhava (1731-1813, auteur dramatique), Jean-Baptiste Greuze (1725-1805, peintre), Niccolo
Piccinni (1728-1800, compositeur) et son fils Giuseppe, Emmanuel de Pastoret comme surveillant (1755-1840, avocat et homme politique), Jean-Jacques Duval d’Epremesnil comme premier orateur (1745-1794, magistrat), le chevalier de Stapleton, Perrault, Pierre Changeux (1740-1800, journaliste et physicien), l’abbé de Baremont, Armand Élie de Beaumont, Luc Saint-For, Michel chevalier de Cubières (1752-1820, écrivain), Joseph Vernet (1714-1789, peintre).
Chartres et la bienfaisance
Dans son Histoire pittoresque de la franc-maçonnerie et des sociétés
secrètes (p. 233),
Bègue-Clavel raconte l'anecdote suivante, qu'il illustre, sous le
libellé Banquet maçonnique dans un couvent, par cette gravure :
... Le grand-maître eut plus tard occasion de s'arrêter dans une petite ville de la Normandie, où se trouvait une riche abbaye de bénédictins. Il s'y fit conduire et fut reçu par les révérends pères avec tous les honneurs dus à un homme de son rang. En descendant de voiture, il avait remarqué devant la porte du monastère une foule de femmes et d'enfants couverts de haillons, réunis là pour recevoir les misérables aumônes que distribuaient les pères, non de leurs propres deniers, mais en exécution d'une ancienne fondation pieuse dont ils étaient les dispensateurs. Il apprit que la plupart des habitants de la ville étaient plongés dans un complet dénûment. Cette circonstance lui suggéra l'idée de tenir, dans le couvent même, une loge de table, et d'y faire une collecte en faveur de ces pauvres gens. Sa suite était nombreuse et toute composée de maçons. Il admit à la réunion les supérieurs de la communauté. A peine eut-on pris place, que les frères, tirant de leurs poches leurs tabliers et leurs cordons, s'en décorèrent, à la grande stupéfaction des religieux, qui eussent bien voulu se retirer, mais que le respect retint. On porta la santé du roi. Ce fut pour les pères un autre sujet d'étonnement et de
mortification ; car, après avoir tiré le dernier feu, les convives maçons brisèrent leurs canons, suivant l'usage qui ne permet pas de boire deux fois dans un verre qui a servi à porter la santé du souverain. A la fin du repas, le grand-maître fit circuler le tronc des pauvres, et il y déposa ostensiblement une offrande libérale. Tous les seigneurs de sa suite imitèrent son exemple, et les moines eux-mêmes, que le prince avait auparavant avertis de ce qui allait se passer, et invités à se montrer généreux. Ce fut un beau jour pour les pauvres, à qui la collecte fut distribuée ; mais peu s'en fallut qu'ils repoussassent ce
bienfait ; les moines, qui ne voulaient pas s'engager par un pareil précédent, leur ayant fait insinuer que le don qu'ils recevaient avait une source diabolique.
Un grand noceur
C'est encore
Bègue-Clavel, dans le même ouvrage (pp. 115-7),
qui donne cet exemple des moeurs fort libertines du duc :
... Une association d'un tout autre genre fut établie, vers la même époque, sous le titre
d'ordre des chevaliers et des nymphes de la Rose. Le but qu'elle se proposait était la bienfaisance prise dans un sens fort restreint, et l'amour du prochain y était circonscrit dans les limites les plus étroites. C'était
tout simplement une réunion de plaisir qui s'était trompée de date, et qui appartenait, par ses tendances et par sa composition, aux beaux jours de la Régence. M. de
Chaumont, secrétaire particulier du duc de Chartres pour ce qui concernait la franc-maçonnerie, était l'inventeur de cet ordre, qu'il avait imaginé pour complaire aux désirs du prince. La société avait son siège principal à Paris, rue de Montreuil, à la Folie-Titon, petite maison de Son Altesse; elle avait aussi des succursales dans les hôtels de plusieurs seigneurs. La salle où se faisaient les réceptions s'appelait le
Temple de l'Amour. Les murs, ornés de guirlandes de fleurs, étaient chargés d'écussons où étaient tracés des emblèmes et des devises érotiques. L'assemblée était présidée par deux officiers de sexe différent, dont l'un avait le titre d'hiérophante, et l'autre celui de grande-prêtresse. Le premier recevait les hommes ; les femmes étaient initiées par la seconde. Un chevalier, nommé
Sentiment, une nymphe nommée Discrétion, deux introducteurs, homme et femme, aidaient l'hiérophante et la grande-prêtresse dans l'accomplissement des réceptions. Les assistants se qualifiaient de frères et de sœurs. Les hommes avaient une couronne de myrte ; les femmes, une couronne de roses. L'hiérophante et la grande-prêtresse portaient, en outre, un large ruban rose sur lequel étaient brodées deux colombes au centre d'une couronne de myrte. Au moment où les réceptions avaient lieu, la salle n'était éclairée que par une lanterne sourde que tenait à la main la sœur Discrétion ; les réceptions achevées, le temple étincelait de la clarté de mille bougies.
Voici de quelle manière s'opéraient ces réceptions, d'après le rituel de l'ordre, que nous copions
textuellement :
« L'introductrice (si l'on admet une nymphe), et l'introducteur (si c'est un chevalier) les dépouillent de leurs armes, bijoux ou
diamants ; leur couvrent les yeux ; les chargent de chaînes, et les conduisent à la porte du Temple de l'Amour, à laquelle on frappe deux coups. Le frère Sentiment introduit les néophytes, par l'ordre de
l'hiérophante ou de la grande-prêtresse. On leur demande leur nom, leur patrie, leur état, enfin ce qu'ils cherchent. Ils doivent répondre à cette dernière question : Le bonheur.
« D. Quel âge avez-vous? — R. (Si c'est un chevalier : ) L'âge d'aimer. (Si c'est une nymphe : ) L'âge de plaire et d'aimer.
« Les candidats sont ensuite interrogés sur leurs sentiments particuliers, leurs préjugés, leur conduite en matière de galanterie, etc. Après les réponses, on ordonne que les chaînes dont ils sont chargés soient brisées, et remplacées par celles de l'Amour. Alors des chaînes de fleurs succèdent aux premières. Dans cet état, on commande le premier voyage. Le frère Sentiment leur fait parcourir un chemin tracé par des nœuds d'amour, qui part du trône de la grande-prêtresse et vient aboutir, à l'autre extrémité de
la salle, à la place occupée par le frère Sentiment. Le second voyage est ordonné, et la même route est suivie en sens contraire. Si c'est une nymphe qui doit être admise, elle est conduite par la sœur Discrétion, qui la couvre de son voile. Ces deux voyages terminés, les candidats s'approchent de l'autel de l'Amour, et s'engagent par le serment
suivant :
« Je jure et je promets, au nom du maître de l'univers, dont le pouvoir se renouvelle sans cesse par le plaisir, son plus doux ouvrage, de ne jamais révéler les secrets de l'ordre de la Rose. Si je manque à mes serments, que le mystère n'ajoute rien à mes plaisirs ! qu'au lieu des roses du bonheur, je ne trouve jamais que les épines du
repentir !
« Ce serment prononcé, on ordonne que les néophytes soient conduits dans les bosquets mystérieux, voisins du Temple de l'Amour. On donne aux chevaliers une couronne de myrte, aux nymphes une simple rose. Pendant ce voyage, un orchestre nombreux exécute une marche tendre, avec des sourdines. On les conduit à l'autel du Mystère, placé au pied du trône de l'hiérophante ; là, des parfums sont offerts à Vénus et à son fils. Si l'on reçoit un chevalier, il échange sa couronne avec la rose de la dernière sœur admise. Si c'est une nymphe qu'on reçoit, elle échange sa rose avec la couronne du frère Sentiment. L'hiérophante lit des vers en l'honneur du dieu du Mystère, après quoi il fait ôter le bandeau qui a couvert les yeux des candidats pendant toute la cérémonie. Une musique mélodieuse se fait entendre et vient ajouter au charme du spectacle qu'offrent aux initiés une réunion brillante et un lieu enchanteur. Pendant qu'on exécute cette musique, l'hiérophante ou la grande-prêtresse donne aux néophytes les signes de reconnaissance, qui se rapportent tous à l'amour et au mystère. »
D'autres mystères suivaient, dont le rituel ne fait pas mention, mais qu'on a pu lire dans la chronique de l'époque.
On trouve les mêmes informations
(moins la perfide allusion terminale) chez Ragon.
Une médaille
Cette rare médaille à l'effigie
du Duc de Chartres est celle de la Loge La Fidélité et on trouvera ici,
sur le très riche site
les Métaux et la Mémoire de Marc Labouret,
son histoire et sa description.
Marin d'eau
douce ?
L'illustre
guide mentionné au deuxième couplet du célèbre Cantique
des Santés est en fait le vainqueur (en titre ! son incompétence a
transformé en simple succès ce qui aurait dû être une déroute de la flotte
anglaise, mais cela n'a pas empêché de lui en attribuer tout
le mérite) de la bataille
navale d'Ouessant (27 juillet 1778) : le Grand Maître, duc de Chartres,
est à ce moment inspecteur général de l'armée navale de Brest. Dans Le
noyé du Grand Canal, Jean-François Parot
conte cette bataille et éclaire d'une lumière peu flatteuse la personnalité
du duc de Chartres.
Un pamphlet
féroce publié contre lui en 1790, La Vie privée du Duc de Chartres, aujourd'hui Duc d'Orleans,
relate également ces événements et conclut :
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La flotte Française une fois rentrée à
Brest, le duc de Chartres ne pensa plus qu'à retourner à Paris. On lui avait fait à croire qu'il s'était comporté,
sans s'en douter, avec le plus grand héroïsme, & qu'il méritait les plus grand éloges & du Roi & de toute la France. Plein de cette idée, qu'il avait lui-même peine à nourrir dans
son imagination, il partit le plutôt qu'il lui fut possible de Brest pour Versailles, où il arriva le premier Août. Le Roi, peut-être par un
pressentiment dont on ne peut rendre raison, ne lui fit qu'un assez froid accueil, malgré les détails
circonstanciés de la victoire douteuse remportée sur les Anglais, dans la journée du 27 Juillet précédent.
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la bataille
d'Ouessant
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Il existe des
témoignages de l'(immérité) culte de la personnalité voué dans les
Loges au Grand Maître à cette occasion : le 19 août 1778, la Loge l'Union
Parfaite de la Rochelle écrit au Grand Orient en évoquant les craintes
et les alarmes occasionnées en son sein par les dangers où notre
illustre Grand Maître allait s'exposer lorsque nous avons été certains que
parti de l'orient de Brest il allait se livrer généreusement aux périls
multipliés d'une guerre meurtrière où son courage et l'honneur qui le guident
devaient nécessairement l'exposer. Il est très vrai, continue la Loge, ...
que ce digne et respectable Grand Maître a couru tous les dangers qui pouvaient
justifier nos inquiétudes et nous plonger dans la plus profonde douleur ;
mais grâce au ciel nous n'avons qu'à nous féliciter de ce qu'au milieu de
tant de périls il n'en a recueilli que la gloire puisque après avoir vu fuir
l'ennemi qui avait osé l'attaquer il est revenu vainqueur au port et jouissant
d'une santé conforme à nos désirs. En foi de quoi la Loge décide d'en
rendre grâce au Grand Architecte de l'Univers en faisant célébrer une messe
solennelle et chanter un Te Deum pour le remercier de ce qu'il a daigné
conserver notre Respectable Grand Maître... et le préserver de tout
accident fâcheux dans ce combat où ce digne prince a donné des preuves de son
courage et de son amour pour le service du Roi et de la Nation. (source
: Francis Masgnaud, Franc-maçonnerie et francs-maçons en Aunis et Saintonge sous l’Ancien Régime et la Révolution,
Ed. Rumeur des Ages, La Rochelle 1989, pp. 151-2)
Bel exemple de
flagornerie - à laquelle un autre cantique du
recueil d'Honoré participe également.
ci-contre : la
p. 1 du recueil d'Honoré , avec le début du Cantique
des Santés
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... flagornerie
d'ailleurs traditionnelle : bien plus tôt, Louis
de Bourbon-Condé, Comte
de Clermont, qui fut Grand Maître de la Grande Loge de France de 1743
à 1771, avait participé à la Guerre de Succession d'Autriche (1740-1748).
Par
la plume de Jean-Jacques
Le
Franc de Pompignan (1709-1784), les
maçons de Bagnères lui écrivaient
en 1744 :
Vole,
Bourbon, cours où t'envoie
Un Roi, l'amour de nos guerriers.
Cours dans des routes de lauriers,
De la paix aplanir la voie.
Et, le 24 juin 1748
(après la prise de Maastricht, la guerre s'était interrompue pour
faire place aux pourparlers d'Aix-la-Chapelle, conclus par le traité
qui allait être signé le 18 octobre), le Frère de H***, orateur,
prononçait en Loge un discours (imprimé le 6 juillet 1748 A
Maastrick, chez André L'imprenable, à l'enseigne de la Reddition -
ce texte a été republié en 1994) dont
nous extrayons quelques lignes :
Enfin
le plus grand roi du monde enchaîne la victoire, il fait triompher
cette aimable paix qui régna toujours dans son coeur.
...
Prince
protégé et protecteur de la maçonnerie, notre très respectable
Grand-Maître, vous nous êtes enfin rendu.
Nous
cessons de trembler pour ces jours nécessaires, jusqu'ici exposés à
tant de périls par l'ardeur de votre courage.
Que
l'épée du Grand Condé se repose à l'ombre de ces nobles exploits, et
mettant de côté ces faisceaux de lauriers que vous avez moissonnés
dans les campagnes belges, venez recevoir de la main des frères une
couronne d'olivier et goûter parmi nous les douceurs du repos ...
Copieusement
brocardé par les chansonniers de son temps (voir à le sujet
le vol. VII du Chansonnier historique de
Raunié, p. 300 : un pauvre prince dont un auguste titre éclaire le
néant),
Clermont,
surnommé par Frédéric II le Général des Bénédictins (il
était abbé commendataire de Saint-Germain-des-Prés), n'était
pourtant pas le foudre de guerre ainsi évoqué par
l'hagiographie maçonnique ; son commandement lui fut même retiré
après sa défaite à Crevelt en 1758.
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Un Te Deum
en son honneur
On
peut lire
dans les Mémoires secrets, à la date du 10 Septembre 1777 :
Monsieur le duc de Chartres, actuellement grand-maître de toutes les loges de France, est un prince trop cher aux francs-maçons pour qu'ils ne célèbrent pas sa convalescence. Monsieur l'abbé Cordier, frère très-ardent & très-zélé, a fait mettre le projet en délibération dans la
loge des Neuf-Soeurs, & le voeu unanime ayant été pour son exécution, il a été arrêté que mercredi prochain, 17 de ce mois, il serait chanté une messe et un
Te Deum en musique, dans l'église des cordeliers, en actions de grâces de cet heureux événement. Il y a des billets d'invitation, une marche différente pour les femmes & pour les hommes, & l'on ne pourra entrer qu'avec des signes de reconnaissance.
Une détestation
générale ?
Mais
la vénération (obligée) des maçons pour leur Grand Maître ne semble
pas avoir été partagée dans l'opinion publique. Du moins si l'on en
croit cet autre extrait
des Mémoires secrets, à la date du 28 mai 1783 :
Poltron
sur mer, escroc sur terre, prince nulle part, polisson partout.
Tel est le titre d'un manuscrit que font circuler les ennemis du duc de Chartres, & qui remplit assez bien leurs intentions en représentant sa vie comme un tissu d'infamies, de lâchetés, d'escroqueries. […] Dans le détail de ce qu'ils racontent, ils ne disent rien de neuf, & la manière dont ils le disent n'est pas même bien piquante ; mais n’importe, ce sont des injures contre le duc de Chartres & il est
si détesté, qu'à quelque prix que ce soit on veut les acheter & les lire.
[…]
ci-contre
: le souvenir (en partie estompé : escroc est remplacé par
un double emploi de poltron) de ce pamphlet était encore
vivace après la révolution.
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