Jean-Benjamin de LABORDE
Il n'existe - du moins à notre connaissance - pas d'enregistrement de Laborde. Mais, pour vous permettre d'entendre quand même un témoignage de son imagination musicale, David C. a établi un fichier midi de son air Plus de peur que de mal mentionné plus bas : vous pouvez l'entendre en cliquant ici (la version mp3 est ici).
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Né d'un banquier (et fermier général) fort riche, Jean-Benjamin de Laborde (ou de La Borde) (1734-1794) étudie le violon avec Dauvergne et la composition avec Rameau. En 1762, il devient premier valet de chambre et favori de Louis XV, qui en fait un fermier général. Il mène à ce moment une vie très mondaine, très dispendieuse et très dissipée (amant en titre de la célèbre danseuse Marie-Madeleine Guimard, il participe aux représentations qu'elle donne dans son théâtre de Pantin, puis à celui de la chaussée d'Antin). A la mort de Louis XV, il tombe en disgrâce, se range, se marie et devient un grand polygraphe. A la révolution, il est visé, comme tous les fermiers généraux. Sa maison est pillée, il se retrouve quasi-ruiné et, refusant d'émigrer puisqu'il estime n'avoir rien à se reprocher, il se retire à la campagne, à Caudebec. Mais on va l'y arrêter et on le ramène à Paris pour le juger. Sourd aux conseils de ses amis, il fait hâter son procès : funeste erreur, puisqu'il sera condamné sous de faux prétextes, et guillotiné le 22 juillet 1794, cinq jours seulement avant la chute de Robespierre. Sa sépulture est au Père-Lachaise. |
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Laborde compositeur Compositeur au talent limité et à la technique rudimentaire (Fétis - qui ne l'aime décidément pas - qualifie sa musique de médiocre et mal écrite), Laborde n'occupe certes pas une place significative dans l'histoire de la musique. On lui doit une trentaine d'opéras et de nombreuses chansons (par défi, il mit même un jour en musique le texte d'un ... privilège de librairie !), qu'il rassembla en recueils. L’ouvrage, dédié à Mme la Dauphine (Paris, 1773), Choix de chansons mises en musique par M. de La Borde est l’un des plus célèbres livres illustrés du XVIIIe siècle, particulièrement grâce aux vingt-cinq figures dessinées et gravées par Jean-Michel Moreau (1741-1814), dit le Jeune, pour le premier volume. La Borde y a mis en musique des chansons de Voltaire (qui était son ami, voir ci-dessous), Jean-Baptiste Rousseau, Dorat, Moncrif, etc. On y trouve quelques chansons largement utilisées à l'époque par les chansonniers maçonniques, comme Jupiter un jour en fureur. Vous trouverez ici (sur le site de la BNF) un extrait de cet ouvrage, correspondant à la chanson Plus de peur que de mal (dont l'illustration ci-contre) que vous pouvez entendre sur cette page. |
Dans sa Correspondance
littéraire, philosophique et critique,
Grimm
(en novembre 1771) rapporte (Tome 9, p. 382
dans l'édition de la BNF)
l'épigramme suivante lancée à propos de sa musique de ballet la
Cinquantaine :
Après Rameau,
vous paraissez, La Borde ; |
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La Guimard La Guimard (ci-contre), quoique ayant paraît-il la plus jolie gorge du monde, était en effet célèbre pour sa maigreur. On ne la trouve évidemment pas aux tableaux des Loges d'Adoption, réservées à la meilleure société aristocratique et où les demi-mondaines n'avaient pas leur place. Elle fut par contre - selon René Le Forestier dans Maçonnerie féminine et Loges académiques (Archè Milano 1979) - initiée en 1780 dans l'Ordre des Chevaliers et des Nymphes de la Rose, société licencieuse créée par le secrétaire particulier du duc de Chartres (qui était aussi le Grand Maître du Grand Orient de France) en vue d'organiser les débauches de celui-ci. C'est même cet éminent personnage qui tenait ce jour-là le rôle de l'Hiérophante pour cette cérémonie. |
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Laborde maçon Dans son ouvrage Francs-maçons parisiens du Grand Orient de France, Alain Le Bihan donne pour Laborde les mentions suivantes : Fermier général et gouverneur du château du Louvre. La Fidélité, 1780-82. St-Jean d'Ecosse du Contrat Social, 1782-89. Les Amis Réunis, 1783-84. Société Olympique, 1786. Souv. Chap. de la R.M.L.E., 1782-86. Député au Grand Orient. Officier au Grand Orient. |
Un ménage maçonnique Laborde épousa, le 22 septembre 1774, la soeur du directeur de l'Opéra, Adélaïde-Suzanne de Wismes (1753-1832). Dans la Femme au dix-huitième Siècle, les Goncourt écrivent à son propos : Elle publia en 1785 un recueil de poèmes ; après son veuvage, en 1798, elle se remaria avec le duc Louis Antoine Auguste de Rohan Chabot (1733-1807). Dans son article Sociabilité et Franc-maçonnerie : propositions pour une histoire des pratiques sociales et culturelles des Lumières, Pierre-Yves Beaurepaire nous révèle quelques traits de l'activité maçonnique, non seulement de Laborde, mais aussi de son épouse. Il y cite en effet les Mémoires de Gauthier de Brécy qui, vénérable de la loge de Villeneuve-lès-Avignon et responsable du bureau de la ferme générale de la ville, avait été en 1780 chargé à ce dernier titre par Laborde de la responsabilité de la foire internationale de Beaucaire :
(le texte ci-dessus peut également être lu et entendu sur une page web plus récente) Foire de Beaucaire et sociabilité maçonnique
La
Foire de Beaucaire, ici représentée sur une gravure
de 1815, Dans un autre article, Mobilité négociante et réseaux maçonniques: une rencontre réussie, le même Pierre-Yves Beaurepaire met en évidence le rôle de la loge la Concorde de Beaucaire lors de la foire : ... les négociants italiens - mais aussi suisses installés en Sicile et à Naples - sont nombreux à se rendre tous les ans à la foire internationale tenue sur le Rhône, et ils fréquentent alors assidûment l'atelier. Les frères de la Concorde rappellent en effet que la foire de Beaucaire [est] célèbre par le grand concours de monde qui si rend de tous les pays ; [elle] nous à procuré l'avantage d'y trouver une infinité des frères qui se rassemblèrent dans notre orient et soulignent qu'ils appartiennent à une Respectable Loge bien composée et qui a eu l'avantage de briller avec splendeur depuis son établissement et surtout dans un temps où les trois parties de l'Europe se rassemblent dans notre ville par le grand concours de monde que la foire Sainte-Magdeleine y attire. |
Laborde, qui l'avait rencontré en 1781 à Strasbourg, fait de l'illustre fumiste Cagliostro un éloge enthousiaste en 1783 dans ses Lettres sur la Suisse. Pendant son séjour à Paris (raccourci par l'affaire du Collier), en 1785, Cagliostro y installa son Rite Egyptien auquel adhérèrent notamment, selon Chevallier dans son Histoire de la Franc-maçonnerie française (Fayard, 1974), le duc de Luxembourg et "le fermier général Laborde" qui en formèrent un Suprême Conseil. Selon le Dictionnaire de la Franc-maçonnerie (PUF) de Ligou, à l'article Cagliostro, le poste de Grand Inspecteur y aurait été occupé par Jean-Bernard de Laborde, mais il s'agit probablement d'un lapsus pour Jean-Benjamin : le seul homonyme quelque peu connu de notre Laborde à l'époque a été Jean-Joseph de la Borde, également financier, également guillotiné, mais sans lien de parenté (et dont rien n'indique à notre connaissance qu'il ait été maçon). Son attachement à Cagliostro est confirmé par ce passage (daté du 25 août 1785) aux pp. 333-4 d'une édition 1790 de la Correspondance secrète :
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Laborde polygraphe Laborde avait encore bien d'autres cordes à son arc, éditant des textes anciens et des livres de géographie, où il utilisait ses talents de dessinateur. Il avait également dessiné de très belles cartes de géographie pour l'éducation du dauphin, fils de Louis XVI. Dans son Histoire abrégée de la mer du Sud (1791), il proposait un projet, ancêtre peut-être de celui du canal de Panama, consistant à élargir la communication qui existe entre les deux mers à Nicaragua. |
La carte que vous voyez ci-dessus, datant de 1790, représente la Partie Méridionale de l'Afrique depuis le Tropique du Capricorne jusqu'au Cap de Bonne Espérance contenant les Pays des Hottentots, des Cafres et de quelques autres Nations / dressée pour le Roi sur les observations de M. Le Vaillant par M. de Laborde, ancien premier valet de chambre du Roi, gouverneur du Louvre, l'un des Fermiers généraux de Sa Majesté. Vous pouvez la voir avec toute sa richesse de détails en cliquant ici pour accéder au site de la BNF.
Parmi ses oeuvres littéraires, on peut citer :
Le clavessin électrique ; avec une novelle théorie du méchanisme et des phénomènes de l’électricité. (1761)
Essai sur la musique ancienne et moderne (1780) ; Fétis - qui ne s'est pourtant pas privé de le piller sans vergogne - fait tout pour déconsidérer cet ouvrage :
L'ouvrage par lequel La Borde s'est fait connaître aux musiciens est son Essai sur la Musique ancienne et moderne ; Paris, 1780, 4 vol. in-4°. Ce livre, établi avec des frais énormes, est un chef-d'œuvre d'ignorance, de désordre et d'incurie. L'auteur employa pour faire cette compilation, où l'on a réuni les éléments les plus hétérogènes, des jeunes gens de peu d'instruction, au nombre desquels étaient un des frères Bêche, qui lui a fourni les meilleures notes, ou des pédants à faux systèmes, tels que l'abbé Roussier, à qui l'on attribue tout ce qui s'y trouve sur la théorie.
Lettres sur la Suisse, adressées à Madame de M*** ( 1783)
Laborde ami de Voltaire
Ci-dessous (d'après une page de la Voltaire Society of America) : la célèbre gravure (1776) de Vivant Denon (1745-1825 ; membre de la Loge parisienne La Parfaite Réunion), Le déjeûner de Ferney, représente Laborde en conversation avec Voltaire, en présence du père Adam, de sa nièce Mme Denis et d'une servante. Voltaire n'aima pas cette image, où il se trouvait peu flatté, et il en aurait dit : C'est Lazare au dîner du mauvais Riche !
Sur le site de la BNF, vous pouvez télécharger une biographie très complète de Laborde, l'article de René PICHARD DU PAGE intitulé Un financier dilettante: Jean-Benjamin de La Borde, publié par la Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise en deux parties, l'une aux pages 106 à 127 (118 à 140 du pdf) et l'autre aux pages 191 à 213 (209 à 231 du pdf) de l'année 1926. Cet article est une de nos sources pour cette page.
Laborde moraliste : quelques pensées Le souverain bonheur consiste à posséder ce que l'on aime, et à aimer ce qu'on possède On n'est jamais si ridicule par les défauts que l'on a, que par les qualités que l'on affecte d'avoir La postérité paie aux grands hommes l'intérêt de la gloire que leur ont refusée leurs contemporains Vouloir qu'on soit amoureux avec mesure, c'est vouloir qu'on soit fou avec raison La dissipation est le bonheur de ceux qui ne savent penser Il est souvent très bon de rire avec sa pensée, et très souvent utile de ne pas rire avec celle des autres Le secret est ton esclave si tu le gardes, tu deviens le sien s'il t'échappe |