Quand Luxembourg tient le maillet 

 Cliquez ici pour entendre le 2e couplet chanté par Bernard Muracciole dans son Livre-CD Chants maçonniques des Hauts Grades sur un air de sa composition (aucune version utilisable de l'air original n'ayant pu être retrouvée en temps utile)

Cliquez ici (midi) ou ici (mp3) pour entendre le fichier de l'air mentionné

Ces couplets, extraits du recueil d'Honoré, nous semblent particulièrement intéressants de par la personnalité du personnage auquel - non sans peut-être une once de flagornerie - ils rendent hommage. 

Contrairement à ce qui est généralement mentionné depuis 1830 - dans un premier temps, et jusqu'à ce qu'un lecteur avisé nous démente, nous avions nous-même contribué à répandre cette légende - leur auteur n'est pas le célèbre Alexandre-Louis Roettiers de Montaleau, mais bien - ce qui est plus compatible avec la mention d'Honoré - André-Georges Roettiers, que Le Bihan, dans son ouvrage  Francs-maçons parisiens du Grand Orient de France, donne comme ancien avocat aux conseils du Roi, Officier et Député au Grand Orient, membre (1773-4) de la Triple Harmonie et (1774-5) de Saint-Pierre des Vrais Frères.

Ici comme ailleurs, Honoré cède à sa naïve manie d'utiliser, sous prétexte de discrétion, des abréviations maçonniques inhabituelles pour des mots dont la signification est évidente, tels que banquet ou maillet.

Mais en réalité Honoré ne fait que recopier un texte déjà publié - et cette fois sans abréviations maçonniques - aux pp. 68-9 (348/368) de la 4e partie du Tome premier de l'Etat du Grand Orient de France pour 1777, où il est précisé que ces couplets ont été Chantés dans la trente-huitième Assemblée du Grand Orient le vingt-quatrième jour du quatrième mois de l'an de la Vraie Lumière 5777 (24 juin 1777).

Couplets 

Air : En jupon court, en blanc corset.

Au plaisir ce jour nous convie,
Tout enchante dans ce banquet,
Quel bien pour la Maçonnerie,
Quand Luxembourg tient le maillet.

Malgré l'éclat de sa naissance,
De niveau chez nous il se met ;
On ne voit pas de préférence,
Quand Luxembourg tient le maillet.

La gaieté succede au silence,
La grosse joie est en arrêt ;
C'est le regne de la décence,
Quand Luxembourg tient le maillet.

L'amitié brille dans ce temple,
Chaque Frère est ami parfait ;
Nous en avons un bon exemple,
Quand Luxembourg tient le maillet.

Tout Maçon est vraiment mon Frère,
D'adoption, comme de fait ;
Nous n'avons tous qu'un même pere,
Quand Luxembourg tient le maillet.

Les Maçons charmés de l'éloge

Que chacun de nous en a fait,
Viennent en foule à cette Loge,
Quand Luxembourg tient le maillet.

Par le Très Cher Frère Roettiers, Avocat Honoraire au Conseil, Garde des Archives du Grand Orient

La même chanson figure (avec le mot Luxembourg remplacé par "...", sous le titre A la gloire du T. R. Grand-Maître et sans mention d'origine) dans l'édition 1787 de La Lire maçonne (p. 262), avec la même référence d'air (mais en proposant en alternative les airs des pages 118 - cliquez ici pour l'entendre -, 305 - cliquez ici pour l'entendre - ou 462 - cliquez ici pour l'entendre) et avec quasiment le même texte (cependant, au 2e couplet, préférence est remplacé par préséance).

La Lyre des francs-maçons a republié cette chanson (avec la même modification de préférence en préséance) en 1830, mais avec quelques précisions sur les circonstances de sa création - mais aussi avec l'erreur sur la personne mentionnée plus haut.

Nous en connaissons aussi une adaptation haïtienne en 1841.

Voir la partition.

Le personnage : 

le duc de Montmorency-Luxembourg

Le vénérable simplement désigné sous le nom de Luxembourg est évidemment le duc de Montmorency-Luxembourg (1737-1803), personnalité qui joua  un rôle important dans l'histoire de la maçonnerie française, comme en témoignent les citations suivantes :

(1)
Huit jours après [la mort, le 16 juin 1771, du comte de Clermont, grand-maître de la Grande Loge de France], fut élu à sa place un prince de sang royal, placé plus près du trône, Louis-Philippe-Joseph d'Orléans, duc de Chartres, qui devait prendre le titre de duc d'Orléans, quatorze ans plus tard, à la mort de son père, et finir en 1793 sous le nom de Philippe-Égalité. Il ne se fit installer comme grand-maître qu'en 1773, après que la Grande Loge se fût transformée en Grand Orient et qu'il eût été lui-même l'objet d'une élection nouvelle. Cette substitution avait été surtout l'œuvre du duc de Luxembourg, administrateur général de la Grande Loge élu en même temps que le duc de Chartres. Ce ne fut pas un simple changement d'étiquette et de personnes. L'organisation nouvelle donnait complètement le caractère représentatif au corps central en y appelant les députés des loges de province à siéger avec ceux des loges de Paris ; et elle faisait disparaître l'abus des vénérables inamovibles, en quelque sorte propriétaires de leurs loges, abus qui viciait les ateliers parisiens. En outre, il fut procédé à une épuration générale du personnel maçonnique, au moyen de l'obligation imposée à toutes les loges adhérentes de se faire reconstituer par l'autorité centrale.

(2)
Menée de main de maître, la transformation de la Grande Loge en Grand Orient de France se fit en moins de deux ans. Le duc de Luxembourg, s'étant assuré du soutien des loges de province contre l'hégémonie de celles de Paris, convoquera ainsi une Grande Loge nationale, qui adoptera les réformes finales.
Le Grand Orient qui en résulte en juin 1773, héritier de l'ancienne Grande Loge, introduit deux nouveautés majeures dans la vie maçonnique française : d'une part, l'élection périodique des Vénérables des loges, jusqu'alors propriétaires à vie de leur patente, surtout à Paris, et d'autre part une administration plus structurée qui tentera de contrôler enfin ses quelque 600 loges. 

Après avoir joué un rôle non négligeable aux Etats Généraux, Luxembourg émigra ; il mourut en 1803 au Portugal.

 

 

à gauche : détail de la circulaire du duc de Luxembourg, administrateur des loges régulières de France, en date du 4 et du 12 septembre 1772, pour inviter les maîtres de loges à l'installation du Sérénissime Grand Maître, le 8 décembre 1772.

Sources des citations :

(1) Louis Amiable, Une loge maçonnique d'avant 1789, la loge des Neuf Soeurs

(2) Roger Dachez, Histoire de la Franc-maçonnerie française, PUF Que sais-je? 3668

 

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