d'Haudimont

L'abbé d'Audimont, maître de musique, était, selon Le Bihan dans son ouvrage Francs-maçons parisiens du Grand Orient de France, membre des Neuf Soeurs en 1778. C'est ainsi que le désigne également, selon une orthographe sans doute recopiée d'un Tableau de Loge, Louis Amiable dans son ouvrage sur La Loge des Neuf Soeurs.

Il s'agit en fait d'Etienne Pierre Munier (ou Meunier) d'Haudimont, comme l'indique l'ouvrage de Pierre-François Pinaud, Les Musiciens francs-maçons au temps de Louis XVI (Véga, 2009), qui le décrit comme maître de musique successivement à la cathédrale de Chalon-sur-Saône puis, à Paris, successivement aux Saints-Innocents et à Saint-Germain l'Auxerrois.

Mais nous en avons trouvé dans la Biographie universelle et portative des contemporains (vol. 5, p. 307) une biographie assez complète, qui donne notamment ses dates (approximatives) : 1730-1803 :

HAUDIMONT (L'abbé Etienne-Pierre MEUNIER d'), naquit en 1730, d'une famille noble. Ses parents ayant été ruinés par suite de leur confiance dans le système de Law, il fut élevé à Dijon, et y fit les études propres à lui ouvrir la carrière de la musique. A l'âge de 24 ans, il quitta Dijon pour aller occuper la place de maître de chapelle de Châlons-sur-Seine (sic), où il demeura six ans. De cette ville, l'abbé d'Haudimont se rendit à Paris, dans le dessein de s'y livrer à l'étude de la composition, et il y devint l'élève et l'ami de son compatriote Rameau. Bordier, maître de chapelle des Saints-Innocents, et musicien d'une grande réputation, étant mort, d'Haudimont fut choisi pour le remplacer. C'est à partir de cette époque, en 1764, que celui-ci composa une partie des motets que l'on entendit au concert spirituel, chez le roi, et dans les cérémonies religieuses. Il fit en outre une Messe et prose des morts, un De Profundis, des Lamentations. On a chanté aussi dans le temps des ariettes qu'il fit graver sous le nom de M. ***, telles que Un jour me demandait Hortense (ndlr : cet air figure à la Clé du Caveau, 3e édition, sous le n° 594), Mon coeur volage, etc. Il a aussi écrit plusieurs actes qui ont été exécutés en société. En 1765, l'abbé d'Haudimont fut chargé des fêtes de Reims pour l'inauguration de la statue de Louis XV, et de plusieurs divertissements, dont un, entre autres, fut exécuté pour Madame lors de son passage à Roanne. Au commencement de la révolution, il perdit, ainsi que tous ceux qui étaient dans la même catégorie, ses places et ses pensions, et ne tarda pas à tomber dans la misère. On le trouve porté pour une somme de 2.000 francs dans la répartition des 300.000 francs décrétée le 7 vendémiaire an 3 (ndlr : 28 septembre 1794 ; la différence entre cette date et celle mentionnée plus bas peut être due au fait qu'il y eut deux distributions successives) de la république, "pour être distribués aux hommes de génie de tous les arts que le besoin force à recourir à la bienfaisance nationale". L'abbé d'Haudimont est mort vers 1803. Les écrivains de son temps le considéraient "comme étant du très petit nombre des conservateurs de la véritable musique". Aujourd'hui ce compositeur n'est pas jugé si favorablement. On pense qu'il n'a jamais compris le véritable style de la musique religieuse ; on lui reproche d'avoir trop imité les formes mélodiques de Gluck et de Sacchini ; enfin l'exécution de ce qu'il a fait de mieux ne serait pas tolérable aujourd'hui, tant cette musique est devenue surannée et laisse à désirer sous le rapport des idées et de la science qui doit les mettre en oeuvre.


De l'épisode mentionné de la donation dont il a bénéficié, nous avons trouvé confirmation dans les Oeuvres de Marie-Joseph Chénier, qui contiennent, aux pp. 177 & ss., un rapport fait par lui à la Convention Nationale, AU NOM DU COMITÉ D'INSTRUCTION PUBLIQUE, SUR DES SECOURS A ACCORDER AUX SAVANS ET AUX ARTISTES, en sa séance du 14 nivôse an III (3 janvier 1795). Le rapport est suivi de la liste des bénéficiaires, parmi lesquels, entre d'autres noms - dont certains figurent d'ailleurs à nos sites - souvent bien connus (La Harpe, Marmontel, Lalande, Pingré, Cambini, Neufchâteau, Parny, Prudhon, Rétif de la Bretonne, Albanese, ... ainsi que la veuve de Lemierre), figure (p. 188) Haudimont (d'), musicien. Sauf homonymie fort improbable, ceci établit que notre abbé était loin de se trouver dans la prospérité à ce moment, et qu'il était considéré comme ayant bien mérité de la Nation.

Il est à noter qu'avant d'aller à Paris pour apprendre la composition, l'abbé s'était déjà livré à cet art : on trouve en effet au Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque Nationale (Paris, 1868), p. 327, l'item Ballets et divertissements divers ... paroles de Brunet, musique de l'abbé d'Haudimont, « pour la fête de Mme Le Normant, 3 nov. 1757 ».

Fétis pour sa part fait preuve d'un remarquable désordre, puisqu'on trouve respectivement aux Tomes 3 (p. 14) et 4 (p. 243) de sa 2e édition de 1862 les deux notices suivantes (dont la 2e semble concerner une autre personne, à laquelle il attache cependant des détails propres à la première) :


D'HAUDIMONT (L'abbé Etienne-Pierre MUNIER), né en Bourgogne en 1730, fut élevé à Dijon, et quitta cette ville vers 1754, pour aller occuper la place de maître de chapelle de Chalon-sur-Saône. Après en avoir rempli les fonctions pendant six ans (ndlr : les dates de 1754 à 1760 pour ce séjour sont confirmées par l'étude de François Lesure sur Chalon-sur-Saône dans Dictionnaire musical des villes de province, p.128-129), il vint à Paris et se livra à l'étude de la composition sous la direction de Rameau, son compatriote et son ami. En 1764 il succéda à Bordier dans la place de maître de chapelle des Saints-Innocents. Ce fut alors qu'il composa plusieurs motets que l'on entendit au Concert spirituel, chez le roi, et dans les fêtes publiques. Les plus connus sont le Mémento Domine David, le Deus noster, le Beatus vir, le Quare fremuerunt, l'Exurgat Deus, etc. Il a écrit aussi une messe de Requiem et un De profundis, en 1772. Enfin il est auteur d'un grand nombre d'ariettes, qui ont été publiées sous le voile de l'anonyme. L'abbé d'Haudimont a formé beaucoup d'élèves, parmi lesquels on remarque Perne et Chénié. 

 

 

HAUDIMONT (L'abbé Joseph MEUNIER D'), né à Paris en 1751, fut d'abord enfant de chœur à l'église Saint-Eustache, entra ensuite au séminaire de Soissons, revint à Paris à l'âge de dix-neuf ans, fut attaché au chœur de l'église cathédrale, et reçut des leçons d'harmonie et de composition de l'abbé Homet, maître de musique de cette église. La place de maître de l'église des Saints-Innocents était devenue vacante en 1782 : l'abbé d'Haudimont l'obtint, et l'occupa jusqu'en 1788, époque où cette église fut réunie à celle de Saint-Jacques de la Boucherie. Il y eut alors dans celle-ci musique fondée au chœur, et composée de six enfants, de deux hautes-contre, de trois ténors, et de trois basses. L'abbé d'Haudimont en fut le maître de chapelle, et y établit ce qu'on appelait alors en France une école de composition. Perne et Chenié en furent les meilleurs élèves. Je crois que l'abbé d'Haudimont est mort à Paris pendant les troubles de la révolution. Il jouait agréablement du violon et avait publié à Paris deux œuvres de duos pour cet instrument, vers 1784, et six quatuors pour deux violons, alto et basse. Il a beaucoup écrit pour l'église ; une partie de ses manuscrits originaux a passé dans la bibliothèque de Perne, son élève, puis dans la mienne. Ils consistent en trois messes à quatre parties, onze motets, deux Magnificat et un Alma. Tout cela est écrit dans le mauvais style français de l'époque, et l'on y remarque une harmonie embarrassée. L'abbé d'Haudimont avait aussi écrit une Instruction abrégée pour la composition, dont je possède une copie faite par Perne : c'est un petit traité d'harmonie basé sur le système de la basse fondamentale.

En fait, Fétis - comme bien d'autres d'ailleurs, tel Choron - ne fait rien d'autre que piller ce qu'on trouvait déjà en 1780 chez Laborde, lequel, au Tome 3 de son Essai sur la musique ancienne et moderne (ouvrage tant décrié par Fétis, qui le considère comme un chef-d'œuvre d'ignorance, de désordre et d'incurie !), avait écrit (p. 437) :

Haudimont ( l'Abbé Etienne-Pierre Meunier d'), né en Bourgogne, en 1730, de parents nobles, dont la fortune avait été renversée avec le système de Law, fut élevé à Dijon, qu'il quitta à l'âge de vingt-quatre ans, pour aller occuper la place de Maître de chapelle de Châlons-sur-Saône, où il demeura six ans. De là il passa dans cette Capitale, pour se livrer à l'étude de la composition ; il y devint l'élève & l'ami du célèbre Rameau, dont il était le compatriote. Au mois d'Août 1764, M. Bordier, Maître de chapelle des SS. Innocens, qui jouissait depuis longtems d'une grande réputation, étant mort subitement, il fut choisi au mois de septembre suivant pour le remplacer. Ce fut alors qu'il composa une partie des motets que l'on entendit plusieurs fois au Concert spirituel, chez le Roi & dans les fêtes publiques. Tels font le Mémento Domine David, le Deus noster, le Beatus vir, le Quare fremuerunt, l'Exurgat Deus , &c. la Messe & la Prose des Morts, & un De profundis, en 1771. Il passa à Saint-Germain-l'Auxerrois , où il composa beaucoup d'autres morceaux.

Nous avons de lui beaucoup d'ariettes gravées sous le nom de M * * *, telles que Un jour me demandait Hortense ; Mon coeur volage, &c. Il a composé aussi plusieurs actes qui ont été exécutés en société.

En 1765, il fut chargé des fêtes de Reims, pour l'inauguration de la statue de Louis XV  & de plusieurs divertissemens, dont un, entr'autres, fut exécuté pour Madame à son passage à Roanne.

M. l'Abbé d'Haudimont est du très petit nombre des conservateurs de la véritable Musique, tant déprimée par les gens qui en ignorent les principes, & qui trouvent plus aisé d'en dire du mal que de l'apprendre. Ils ont beau faire : les goûts passagers sont bientôt oubliés, & tôt ou tard on en revient au vrai ; on reviendra de bien loin en Musique.

Plus enthousiaste que les commentateurs du XIXe, le Mercure de France donnait dans ses comptes-rendus du Concert Spirituel (des oeuvres d'Haudimont y furent programmées de 1766 à 1774), à la date du Vendredi 4 Avril 1766 :

Le Concert finit par Memento Domine David, Motet de M. l'Abbé Daudimont, qui avoit été déjà donné plusieurs fois, & qui ne pouvoit l'être trop souvent au gré des auditeurs. M. Richer chantoit un récit dans ce Motet avec ce goût, ce talent & cette perfection d'art que, sans faire injustice à personne, on peut regarder comme supérieurs à tout ce qu'on a entendu. 

et à celle du Lundi 7 Avril 1766 :

Le Concert fut terminé par le Motet, chéri du public, de M. l'Abbé Daudimont, Maître de Musique de l'Eglise des Innocens. Depuis longtemps aucun ouvrage n'a fait une fortune aussi universelle au Concert que ce Motet. Ce succès est dû aux grâces, à l'expression, au chant simple, noble & agréable qui caractérisent la composition des récits. Rien ne doit plus encourager ce Compositeur à travailler, & surtout à ne pas s'écarter d'un genre toujours assuré de plaire.

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