LE CREDO d'un franc-maçon

Cantique chanté au Banquet de la Respectable Loge de l'amitié éprouvée

à l'Orient de Paris, le 24 Janvier 1838 (ère vulgaire),

Par le Très Vénérable Frère BRISMONTIER

Contrairement à ce que pourraient donner à penser le titre et l'incipit (Je crois en Dieu, mes frères, je le jure) de ce feuillet (qui est inscrit au catalogue de la BNF), cette profession de foi ne relève pas nécessairement  de la plus pure orthodoxie, et le Dieu auquel croit le Frère Brismontier, qui n'est certainement pas le Dieu des armées de la Bible, nous semble plutôt un proche parent du Dieu des bonnes gens qui n'est point colère et qui valut à Béranger en 1821 un séjour de trois mois en prison. 

Le vrai Dieu auquel croit Brismontier, c'est bien la divinité de la religion naturelle, le dieu des philosophes et des savants antiques.

La Loge parisienne de l'Amitié éprouvée, où ce cantique fut chanté le 24 janvier 1838, ne semble pas avoir laissé beaucoup de traces dans l'histoire maçonnique. Tout au plus en connaît-on, entre 1835 et 1844, des éditions de Statuts et réglement et de Tableaux. Selon Rebold dans son Histoire De Trois Grands Loges De Francs Maçons En France (p. 152), elle avait été constituée le 18 mars 1834 au Grand Orient.

Nous n'avons trouvé aucune trace d'un air Le pauvre Suisse il a beaucoup d'chagrin. Mais il existe une partition de Charles Plantade intitulée Le pauvre Suisse, précisément éditée en 1837 (s'agirait-il d'une mise en musique d'un poème en alexandrins du même titre, publié en 1825 par Mme d'Arçon-Brenez pour la défense d'un soldat des Gardes Suisses, Bürger, condamné aux fers pour avoir tué un soldat français ?).

L'auteur, le Très Vénérable Frère Brismontier, est assimilé (mais l'hypothèse qu'il puisse s'agir d'homonymies ne semble pas à exclure) par la BNF à G. L. Brismontier, auteur en 1826 avec P. Cuisin et sous le pseudonyme un descendant de Rivarol, d'un dictionnaire des gens de lettre vivants et aussi auteur d'ouvrages à caractère médical, chimique et pharmaceutique.

Le fichier Bossu donne un Brismontier comme employé, membre du Caveau, décédé à 62 ans en 1865, ancien Vénérable de la Loge les Amis de l'Ordre (selon Labouret, cette Loge fut constituée en 1823 par la Grande Loge Symbolique, et fonctionna au moins jusqu'en 1857).

Autoportrait

Non sans une certaine naïveté, Brismontier ne manque pas de se mentionner lui-même dans son dictionnaire, dans les termes suivants (p. 56) :

BRISMONTIER (G.-L.). Ce jeune auteur ne paraît pas avoir définitivement arrêté le genre qu'il se proposait d'adopter. Il a fait de la science et de la littérature, et peut-être mérite-t-il le reproche d'avoir versé sans art l'une dans l'autre. Quand il écrit sous l'influence de ses pensées, son style est nerveux ; conseillons-lui donc d’être plus souvent lui-même. Du reste il est encore à son début dans la carrière, et vraisemblablement le soin de son propre intérêt lui apprendra d'autres vérités que nous consentons encore à lui taire.

NB : à titre anecdotique, on signalera ses commentaires sur quelques-uns de ses collègues littérateurs :

 

      

 

               

Je crois en Dieu, mes frères, je le jure,
Au Dieu puissant, âme de l'Univers,
Au Dieu qui veut le pardon de l’injure.
Au Dieu qui rit de mes légers travers ;
Je crois au Dieu qui chérit la clémence,
Fût-il compté pour un seul ou pour trois ;
Je crois au Dieu qui bénit l’innocence,
C’est au vrai Dieu, mes frères, que je crois.

 

 

 

Je crois au Dieu dont mon âme ravie
Dans chaque objet admire la grandeur,
Au Dieu qui fait, aux beaux jours de la vie,
Rêver l'amour et goûter le bonheur,
A ce vrai Dieu par qui notre misère
Est consolée, et le fut tant de fois ;
Je crois au Dieu qui fit aimer ma mère,
C'est au vrai Dieu, mes frères, que je crois.

 

 

 

Je crois au Dieu qui, sous l’humble chaumière,
Conduit la paix, l'abondance et l'espoir ;
Je crois au Dieu qui bénit la prière
Des affranchis d'un injuste pouvoir ;
Je crois au Dieu qui sait sur cette terre
Dans les tyrans humilier les rois ;
Je crois au Dieu qui déteste la guerre,
C’est au vrai Dieu, mes frères, que je crois.

 

 

 

Je crois au Dieu révélé par Socrate :
Il sut venger l'apôtre qui l'aima ;
J'en crois vos Dieux, vous Zénon, Xénocrate,
Solon, Thalès, Marc-Aurèle et Numa ;
Je crois au Dieu qui dans mon cœur s'écrie :
Cède à l’honneur et respecte les lois,
Aime ton frère et chéris ta patrie,
C’est au vrai Dieu, mes frères, que je crois.

 

 

 

Je crois au Dieu dont la bonté divine
De la vertu couronne les efforts,
Au Dieu qui peut, sous la bure ou l'hermíne,
Aux cœurs méchants enchaîner le remords ;
Je crois au Dieu qui d'un peuple en souffrance
Au souverain sait rappeler les droits ;
Je crois au Dieu qui veille sur la France,
C’est au vrai Dieu, mes frères, que je crois.

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