Le portrait du franc-maçon

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Ce Cantique imité d'Horace intitulé le portrait du franc-maçon figure aux pp. 81-2 du recueil (1867) d'Orcel. Comme celui de la p. 75, c'est une leçon de morale, mais cette fois spécifiquement étiquetée maçonnique.

La référence à Horace concerne son célèbre Portrait du sage (Ode III) commençant par justum et tenacem propositi virum (un homme irréprochable et solidement vertueux). On trouve, avec sa traduction en vis-à-vis, ce texte (que Walckenaer qualifie de sublime portrait du sage des stoïciens, de cet homme idéal, qui parvient à se soustraire, par la philosophie, à toutes les faiblesses de l'humanité, et se fraye, par sa seule vertu, le chemin du ciel) aux pp. 106-111 de la traduction de Tarteron.

On notera par exemple la similitude entre les vers

Si fractus illabatur Orbis,
Impavidum ferient ruinae.

Il verrait l'Univers s'écrouler sous ses pas,
Frappé de ses débris, il ne tremblerait pas.

et (à l'avant-dernier couplet)

Et la chute même du monde 
Ne saurait le faire trembler !

La phrase terminale Horace avait vu la lumière / Tout l'annonce dans ses écrits est bien dans la tradition des auteurs maçons du XIXe, qui se plaisaient à considérer tous les sages de l'Antiquité comme des grands initiés ... même avant la lettre (voir par exemple l'épisode héroï-maçonnique de Boubée, L'initiation d'Homère aux mystères maçonniques, pp. 125-131 du T. 1 des Annales maçonniques, ou l'Initiation de Platon aux mystères de Memphis par Marconis de Nègre).

En fait, la chanson est beaucoup plus ancienne : elle figurait déjà aux pp. 186-8 de la Lyre maçonnique de 1812, et Orcel l'a simplement recopiée, avec l'une ou l'autre modification mineure (par exemple, l'incipit Si dans le monde il est un Sage est devenu chez Orcel Si, dans ce monde, il est un Sage).

Orcel donne pour auteur le Frère Mareschal père, Rose-Croix ; la Lyre permet de l'identifier plus précisément comme le Frère Mareschal père, Rose croix, Vénérable de la Respectable Loge de l’Union Philanthropique à l’Orient de Lamballe (cette Loge avait été fondée en 1802).

C'est lui qui en 1809 (il était à ce moment Ex Vénérable de la Loge) dédia A son Altesse Sérénissime le Prince Cambacérès un Manuscrit maçonnique de 122 pages comprenant des discours, des rituels, un rapport sur le livre de l'abbé Barruel, et des cantiques.

Il pourrait à notre avis s'agir du poète Louis-Auguste Mareschal (1772-1843), docteur en médecine, archiviste des Côtes-du-Nord, traducteur de l'Enéide, qui naquit et vécut à Lamballe, et qui est désigné ici et ici comme maçon, ou plutôt de son père Marie-Auguste, également médecin.

        

Voir ici sur l'air Ce Magistrat irréprochable.


          
le portrait du franc-maçon

Cantique imité d'Horace

Air : Ce Magistrat irréprochable

Si, dans ce monde, il est un Sage 
Qui sache modérer ses vœux, 
Il mérite bien l'avantage
De porter le titre d'heureux. 
Vivant content de la fortune, 
Quelque part que le ciel l'ait mis, 
Jamais sa plainte n'importune 
Ni les princes, ni ses amis.

Il ignore le vil commerce
Que les hommes font de leur cœur, 
Et ne sait point comment s'exerce 
L'odieux métier de flatteur ; 
Tous ses desseins sont légitimes 
Et conformes à la raison ; 
ll est toujours juste, et des crimes 
A peine connaît-il le nom !

Porté de lui-même à bien faire, 
Il n'a besoin d'aucun attrait, 
Et ne prétend d'autre salaire
Que le plaisir d'avoir bien fait ; 
S'il possède quelque puissance, 
Il ne peut en être flatté
Que pour protéger l'innocence,
Et secourir l'humanité.

Exempt des préjugés vulgaires,
Le Sage n'est pas moins soumis
Au culte divin que nos pères
D'âge en âge nous ont transmis ; 
Fidèle à suivre leurs exemples, 
Il rend ses devoirs assidus
A l'Eternel, dans les saints temples, 
Et fait pratiquer les vertus.

Dégagé de toute contrainte,
Le repos fait tout son plaisir,
Et content, il voit tout sans crainte, 
Parce qu'il voit tout sans désir ; 
Il jouit d'une paix profonde,
Que nul remords ne peut troubler, 
Et la chute même du monde 
Ne saurait le faire trembler !

En traçant ce portrait du sage, 
Horace eut sans doute raison; 
Qui ne connaît à ce langage, 
Le vrai portrait du Franc-Maçon ? 
S'il peint si bien l'âme d'un Frère, 
Amis, n'en soyons point surpris : 
Horace avait vu la lumière ; 
Tout l'annonce dans ses écrits.

                                        Frère Mareschal père, Rose-Croix

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