Fleury
C'est par hasard que j'ai découvert un texte maçonnique de Fleury, ce qui m'a amené à m'intéresser à ce personnage fort peu connu et à découvrir d'une part qu'il avait également commis quelques partitions, et d'autre part que (à moins qu'il ne se soit paré de plumes qui n'étaient pas les siennes) il avait participé à la confection du chansonnier de Naudot, toutes choses qui, à notre connaissance, n'ont jamais été relevées par les historiens.
Le Tome 14 de la Biographie universelle ancienne et moderne de Michaud le décrit ainsi (page 237) :
Jacques Fleury, avocat au parlement de Paris, mort en 1775, négligea l'exercice de son état pour se livrer à la culture des lettres. Il était très répandu dans les différentes sociétés de la capitale, dont il faisait les délices par son esprit et par son amabilité ; mais les applaudissements prodigués à ses ouvrages par des amis trop indulgents ne purent pas réussir à leur concilier la faveur du public, et depuis longtemps on ne les lit plus. Ce sont : 1° Chansons maçonnes, Paris, 1760, in-8° ; 2° Poésies diverses, 1761, in-12, réimprimées sous le titre de Folies, 1760, in-8°. Ce recueil offre une collection de fables, d'épîtres, de chansons, de madrigaux, d'épigrammes, etc. La plupart de ces pièces prouvent de l'esprit et de la facilité ; mais elles prouvent aussi que l'auteur n'était pas poète ; 3° Le Littérateur impartial, ou Précis des ouvrages périodiques, 1760, in-12. Il n'a paru qu'un numéro de ce journal, que Fleury avait entrepris en société avec Lamarche-Courmont ; 4° Les grands objets de la foi, ou les Mystères, odes, Avranches, 1775, in-8°. On lui attribue encore le Dictionnaire de l'ordre de la Félicité, in-8°. Il a fourni au théâtre de l'Opéra-Comique Le Retour favorable et Le Temple de Momus, prologues ; Olivette, juge des enfers (que d'autres attribuent à Piron), Le Miroir magique, La Mort du Goret et Le Rossignol, cette dernière pièce en société avec l'abbé de l'Attaignant.
On lui attribue également (mais aussi à Vadé : il s'agit en effet d'une oeuvre collective) le Bouquet du Roi.
On trouve ici des détails sur ces oeuvres.
Les Folies, ou poésies diverses de M. Fl.****, est un ouvrage publié à Avignon (censément) en 1761. Il est disponible sur Google. Il est composé de 3 parties (précédées d'une préface) :
On en connaît également une nouvelle édition enrichie, en 1769 à Amsterdam (censément), sous le titre moins anonyme Poésies diverses de M. Fleury. De nouvelles pièces y sont intercalées, à la place des pages de table de l'édition originale ; les tables (sauf celle marquée * ci-dessus, qui a disparu) sont ici rassemblées en fin de volume (pp. 401-415). Si bien que la plupart des pages de la première édition se retrouvent à la nouvelle, semblables et avec le même numéro, et souvent même si rigoureusement identiques par leur typographie et leur apparence que l'imprimeur doit sans doute être le même. Les Folies font l'objet d'une recension détaillée (pp. 53-72) et très flatteuse (l'auteur ... doit être mis ... au rang de nos premiers Chansonniers ...) en 1761 dans l'Année littéraire de Fréron. |
Né en ?
Nous n'avons trouvé nulle part une mention de l'année de naissance de Fleury. La BNF hasarde "1730 ?". Divers indices nous convainquent qu'il faut remonter bien plus loin :
dans sa liste des chansons dont l'auteur a aussi composé les airs, Fleury mentionne des Fables en couplets, parues dans le Mercure en décembre 1723. On trouve effectivement, aux pp. 1167-9 du Mercure de ce mois-là, des Couplets en fable (mais non signés).
plusieurs des chansons maçonnes dont il s'attribue la paternité sont des chansons parues au deuxième recueil de Naudot
à la p. 6 de sa préface, Fleury mentionne - en 1761 ! - que les premières fables qu'il ait écrites, presque au sortir des écoles, sont vieilles de 32 ans.
Fleury compositeur
Il faut noter qu'un certain nombre de chansons (marquées par * aux Tables) sont mentionnées comme des chansons dont l'auteur a aussi composé les airs, ce qui nous permet d'identifier Fleury comme un compositeur - même si ce ne fut sans doute qu'un compositeur amateur.
Mais nous n'avons encore pu trouver aucune partition correspondante.
Fleury maçon
Nous n'avons trouvé nulle part (Le Bihan ne le cite d'ailleurs pas) mention de sa qualité maçonnique.
Et nous n'avons malheureusement trouvé nulle trace du recueil de chansons maçonnes que, d'après la biographie citée plus haut, il aurait publié en 1760 et qui porterait le titre plus précis de Chansons Maçonnes à l'usage de la Loge du F..
Mais l'ouvrage comprend 3 textes maçonniques :
(pp. 162-4) une Epître au Grand-Maître des Loges de France (ci-dessous)
(pp. 297-8) la chanson Dans nos Loges nous bâtissons. Ce texte, dont Fleury se dit l'auteur (il la fait figurer, p. 304, dans la Table des chansons de l'auteur), figurait déjà au deuxième recueil de Naudot.
(pp. 321-7) une suite de couplets se répondant sur le thème Les Francs-Maçons. L'auteur y fait allusion à une petite pièce qu'il a écrite (mais dont nous n'avons pas trouvé de trace) sous le titre d'explication courte et familière des véritables secrets des Francs-Maçons.
En outre, parmi les chansons de l'auteur imprimées ailleurs que dans ce volume dont il dresse la table, on relève (pp. 310-11) la mention suivante : Chansons maçonnes Gravées & imprimées en différents Recueils. D'une innocente
Vie. Autres A la Santé de
nos Maçonnes Fleury se déclare donc l'auteur du texte de toutes ces chansons, dont nous connaissons plusieurs, lesquelles, comme celle mentionnée plus haut, figuraient déjà au recueil de Naudot. |
L'Epître au Grand-Maître des Loges de France (reproduite ci-dessous) est particulièrement intéressante, dans la mesure où elle semble indiquer que l'auteur était un Maître de Loge (sans doute non élu, comme c'était alors souvent le cas, mais en place depuis longtemps), dont le pouvoir s'était peut-être trouvé contesté pour quelque raison (un excès de divertissement ?) et qui faisait appel de cette contestation devant le Grand Maître ? Ou peut-être s'agissait-il plutôt d'une Loge jusque là indépendante et qui avait entrepris de se régulariser en obtenant des Constitutions de la Grande Loge, à l'époque seule Obédience existant en France, sous la Grande Maîtrise du Comte de Clermont ?
On remarquera en tout cas le ton sur lequel Fleury, tout en manifestant le respect qu'il doit à un personnage si haut placé sur le plan profane, s'adresse à lui comme à un Frère lié par l'égalité maçonnique, pour lui demander ce qu'il considère, non comme une faveur, mais comme un droit acquis par ses mérites.
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E P I T R E
Au Grand-Maître des Loges de France.
PRince
qui dois à tes vertus, |