La Loge des Champs Elisées,

ou la régénération de la Maçonnerie en France

 Cliquez ici (midi) ou ici (MP3)  pour entendre l'air de Aussitôt que la lumière

Aux pages 63 à 68 du Tome II (daté de 1807) des Annales maçonniques de Caillot, figure cette chanson, qui fut présentée dans la Loge de Caroline (avant qu'elle soit rebaptisée Sainte-Caroline) par Caignart de Mailly, qui aimait faire aux grands de ce monde une cour assidue.

L'auteur mêle des noms célèbres (et quelques autres moins connus, pour faire étalage d'érudition ... ou pour assurer la rime) du passé et du présent, réunis dans une Loge fictive, dans un étonnant salmigondis dont l'unique finalité semble n'être que de flatter les puissants - et en particulier évidemment le plus grand d'entre eux, Napoléon - tant de l'Etat que de la maçonnerie (ce sont souvent les mêmes d'ailleurs), et particulièrement ceux qui sont sur les Colonnes ce jour-là.

Rappelons que le Vénérable, le duc de Berg, est Joachim Murat, futur roi de Naples.

Ligou cite deux Isembourg :

  • Charles-Frédéric, prince d'Isembourg, 1766-1820, Vénérable de Charlotte du Parfait Contentement à l'Orient du Régiment d'Isembourg, Grand Officier d'honneur du Grand Orient de France en 1806

  • Charles Frédéric Louis Maurice, prince d'Isembourg, 1766-1807, fondateur en 1807 du Grand Orient de Bade.

ci-contre : Murat, gravure tirée de Histoire du couronnement, ou Relation des cérémonies religieuses, politiques et militaires qui ont eu lieu pendant les Jours mémorables consacrés à célébrer le Couronnement et le Sacre de Sa Majesté Impériale NAPOLÉON I.er, Empereur des Français.

Il est à noter que le Duché de Berg et la principauté d'Isembourg faisaient partie de la Confédération du Rhin dont Napoléon s'était institué le protecteur.

Il semble que les couplets 3 et 11 aient quelque peu inspiré en 1809 l'auteur d'un Cantique pour l'installation des Amis de la Parfaite Intelligence à Huy

Voir la partition de l'air mentionné.

L A

LOGE DES CHAMPS ELISÉES,

OU

LA RÉGÉNÉRATION DE LA MAçonnerie

EN FRANCE,

Célébrée dans la Loge de Caroline, dont S. A. S. le Grand Duc de Berg est Vénérable

 

AIR : Aussi-tôt que la lumière.

 1

Dans les champs de l'Elisée,
En un bois sombre et discret,
Est un vaste colisée,
Temple du Dieu du secret :
Là se tient la Loge-Mère
Des Maçons qui ne sont plus,
Et qui, vivans sur la terre,
Ont brillé par leurs vertus.

        2

De cette enceinte sacrée,
Armé de ses triples dents ,
Cerbère garde l'entrée,
Effroi des sots, des méchans :
On y subit pour épreuve
Trois tours de roue d'Ixion ,
Trois fois on y boit au fleuve
Du sulphureux Phlégéton.

3

D'un banquet fort mémorable
Qui, l'autre jour, s'est tenu,
Le récit très-véritable
Par un courier m'est venu :
Socrate était vénérable,
Numa tenait un maillet,
Esope, auteur de la Fable,
Etait maître de banquet.

 4

Amphion, Dieu de la lyre,
Accompagnait Salomon ;
Sapho, dans un doux délire,
Trinquait avec Fénélon :
On voyait à même table
Franklin et Confucius,
Platon le très-respectable,
Mahomet près de Codrus.

5

Le foudre du Capitole,
Plein de son antique ardeur,
Cicéron prend la parole,
En qualité d'Orateur :
Fondateurs de la morale ,
Par un arrêt du destin,
Du monde la Capitale,
Vient de renaître soudain.

6

En France un nouvel Auguste.
Restaurateur des beaux-arts,
Monarque invincible et juste,
Tient le glaive des Césars ;
Les Maçons, sous ses auspices,
Fondant leur culte abattu,
Dressent des cachots aux vices,
Des autels à la vertu.

 7

Le Grand Orient de France,
Par les plus illustres choix,
Reprend sa prééminence,
Et régénère ses lois.
Comme un fanal il éclaire
Par d'immortelles leçons,
Jusques au bout de la terre
Le peuple des Francs-Maçons.

       8

Que vois-je ? au milieu du temple,
Trois Princes, honneur de l'état,
Que tout l'univers contemple ;
Maint colonne du Sénat ;
Deux Savans (1) dont la main sûre
Planant sur la terre, aux cieux,
Dérobe de la nature
Les secrets mystérieux.

 9

Là, les fils de la victoire,
En bons frères réunis,
Sous les ailes de la gloire
Forment un faisceau d'amis ;
Là, l'émule de Barthole (2)
Des lois tient le bouclier,
Auprès du vainqueur d'Arcole,
Sur un monceau de laurier.

 10

Il dit, la double colonne
Se forme en voûte d'acier ;

 

(1) Le Frère Lacépède et le Frère Lalande, décédé depuis.

 (2) S. A. S. le Prince Cambacérès, Représentant du Grand Maître (ndlr :  et juriste éminent, d'où la référence à Barthole, qui fournit en outre une rime pour Arcole).

          Sur un autel heptagone
Paraît un buste guerrier :
Du milieu de sa couronne
Naît un rameau d'olivier :
On s'émeut, se tait, s'étonne,
C'est Napoléon premier.

 11

Le chantre heureux du Falerne (NDLR : Horace)
Dit : Qu'on m'en verse à grands flots :
O ma lyre, de l'Averne
Eveilles tous les échos.
Voici
, dit Caton, la place,
De ce nouveau Romulus,
Le fondateur de sa race,
Entre Alexandre et Titus.

 12

 

Invocation au Grand Architecte

Grand Architecte du monde,
Ah ! protège son destin ;
Que son génie confonde
Tout noir et pervers dessein.
Que son noble aspect enflamme
Nos héros au champ d'honneur ;
Maintiens à son oriflamme
Son étoile de bonheur.

      
Couplet improvisé en l'honneur de S. A. S. le Prince d'Isembourg, grand Expert du Grand Orient, Maître de la Loge de Caroline, présent à la séance avec son auguste frère.

 

Toi que par-tout suit l'estime,
Prince illustre et généreux
En qui toute vertu prime,
De nos cœurs reçois les voeux ;
On soutient l'ordre sublime ,
Quand on sait avec valeur,
Marcher d'un pas magnanime
Sous les aigles de l'honneur.

 

Caignart de Mailly, Orateur.

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