Hymne à l'Équinoxe du Printemps

La Société du Réveil de la Nature était une association para-maçonnique fondée en 1804 et composée de 33 membres tous membres du Grand Orient

Un des fascicules qu'elle a édités contient des poèmes et des chants, souvent sans caractère maçonnique. Mais on y trouve aussi (pp. 14-15, reproduites ci-dessous) cette Hymne à l'Équinoxe du Printems chantée dans la Loge des Arts-Réunis, Orient de Dijon et qui évoque la fraternité universelle ainsi qu'un triple salut à la Lumière.

Son texte (mais sans le choeur final) sera reproduit en 1819 (p. 201) au Tome premier de Hermès, ou Archives maçonniques, sous le titre (équivalent) de Hymne à l'Équinoxe du Printemps chanté dans la Loge des Arts-Réunis, Orient de Dijon.

L'auteur, le Frère M........, est sans doute Mercadier, qui était particulièrement actif dans cette Société.

Aucune indication n'est donnée, ni d'un côté ni de l'autre, sur la musique. Cependant, étant donné la symétrie d'incipit et malgré la non-coïncidence (sauf pour les 4 premiers vers) des métriques, nous soupçonnons qu'il pourrait peut-être s'agir de l'air initial de l'opéra seria (1784) de Piccinni, Diane et Endymion, dont on trouve la partition aux pp. 11-16 de ce document et dont le texte est le suivant :

O doux réveil de la Nature !
La nuit abandonne les airs 
L'astre du jour à l'univers 
Rend ses plaisirs et sa parure 
Tout enchante mes yeux, 
Tout fleurit, tout respire
Le Dieu qui rend heureux 
Sous ce feuillage inspire 
Les oiseaux amoureux
De l'amant qui soupire
Il ranime les feux.

   

HYMNE

A L'ÉQUINOXE DU PRINTEMS.

CHANTÉE DANS LA LOGE DES ARTS-REUNIS,

Orient DE DIJON.

 

O doux réveil de la Nature !
Salut, rayons naissans du jour !
Soleil ! quelle volupté pure
Signale ton brillant retour !
Tu reprends ta noble carrière
Sous les auspices de l'agneau ;
C'est pour le fils de la Lumière
Que tu rallumes ton flambeau.

Aux yeux du stupide Vulgaire,
Tu n'es qu'un globe radieux ;
Pour ceux que la sagesse éclaire,
Ton char est le berceau des Dieux :
Qu'ai-je dit ? tu fus Dieu toi-même,
Chez nos pères reconnaissans ;
Assis dans ta gloire suprême,
Tu recueillis leur pur encens.

Chantons dans une sainte ivresse,
Celui qui, vainqueur des hivers,
Répand la vie et l'allégresse.
Sur tout cet immense Univers.
Nos coeurs, sous tes rayons prospères,
S'ouvrent aux transports les plus doux ;
Mortels, devenez tous nos frères,
Et soyez heureux comme nous.

CHOEUR.

Saluons par trois fois la Lumière ;
Aux plaisirs les plus doux, livrons nos coeurs.
Le soleil rentre dans la carrière,
Chantons ses rayons bienfaiteurs.
O Soleil ! vois notre allégresse,
Applaudis à nos divins transports ;
Plaines, vallons, coteaux, partagez notre ivresse,
Echo, répète nos accords.

Présenté par le Frère M........

Un réveil tardif

Alors que les Solstices (qui coïncident avec les deux Saint-Jean) font souvent dans les Loges l'objet de manifestations fastueuses, les équinoxes - pourtant très riches également en possibilités d'interprétations symboliques - y sont beaucoup plus rarement célébrés (ce qui est peut-être dommage). 

C'est à l'équinoxe de printemps que devrait normalement être évoqué le thème du Réveil de la nature, mais ici il ne l'est que bien plus tard, à fin mai (soit, paradoxalement, peu de temps seulement avant le solstice d'été !).

La Nature occupe dans la maçonnerie du XVIIIe une place importante, qu'elle perdra par la suite ; rappelons-nous que les trois Temples dont Tamino, dans la Flûte Enchantée, essaiera successivement de forcer les portes, sont ceux de la Raison, de la Nature (Raison et Nature pouvant être mis en correspondance avec respectivement le Soleil et la Lune comme le seront Force et Beauté) et de la Sagesse.

Au début romantique du XIXe, l'imagination rituélique sur le sujet sera sans frein, comme le montre la délirante Fête du Réveil de la Nature de 1807 à Milan décrite ici. On notera également le (très verbeux) cérémonial de la Fête du réveil de la nature à l'équinoxe de printemps figurant au Rituel maçonnique pour tous les rites de Riebesthal.

Dubreuil donne en 1838 tout un chapitre sur les Fêtes maçonniques, avec notamment une description d'une tout aussi délirante Fête du Réveil de la nature au cours de laquelle on consomme un agneau en pâtisserie et dont certaines phases ne sont pas sans évoquer la Cène des Rose-Croix.

Quant au thème plus général des Saisons, il semble encore plus rarement abordé. Signalons cependant le poème Saisons maçonnes trouvé dans le recueil de textes de Dubois (l'un des auteurs de la Lire maçonne) de 1773, la Muse maçonne (où il est suivi d'un amusant Zodiaque maçon). 

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