Les 5 travaux de Cambacérès ?

 Cliquez ici pour entendre l'air mentionné, séquencé par B. A.

Le T. 1 des Annales maçonniques de Caillot publie (pp. 85-119) le compte-rendu de la 

Fête donnée le 30 mars 1807, par la Respectable Mère-Loge Ecossaise de France, et Son Souverain Chapitre Métropolitain Écossais, à l'Orient de Paris,

A  S. A. S. Mgr. LE PRINCE CAMBACÉRÈS, ARCHI-CHANCELIER DE L'EMPIRE,

A l'occasion de son installation à la dignité de Grand-Maître dans le rit particulier professé par cet atelier.

Plus encore que celui de Balzac, chanté au cours de la même séance, ce cantique-ci avait pour principal objet d'honorer Cambacérés, qui jouait ici, en accroissant sa collection de Grandes Maîtrises, son rôle de rassembleur des maçonneries françaises pour les unifier dans le culte napoléonien (à défaut d'avoir pu les unifier sous la houlette du Grand Orient, espoir abandonné après la dénonciation du Concordat de 1804).

Piis, à ce moment secrétaire général de la préfecture de police (et qui est désigné à la Table du volume comme membre de la Loge de la Candeur, actuellement affilié à celle des Neuf Soeurs), saisit manifestement ici une occasion de se faire bien voir du pouvoir, puisque, comme l'indique le document, non seulement il est l'auteur de ce chef-d'oeuvre de flagornerie, mais encore il le fait imprimer à ses frais pour le distribuer :

Pendant le banquet, le frère Théodore a chanté les couplets suivans, composés par le frère de Piis. Son goût et la beauté de sa voix prêtaient un charme nouveau à la richesse des idées ... Ces couplets, que le Frère de Piis avait eu la générosité de faire imprimer à ses frais, ont été distribués à tous les Frères présens.

Piis présente donc Cambacérés comme une espèce de substitut du Grand Architecte (ici dénommé Grand Etre comme dans les liturgies robespierristes) : celui-ci lui délègue divers pouvoirs  lui permettant successivement (couplets 1 à 4) de relever les autels de la Science, de faire écrouler ceux de la vengeance (l'Empire réconcilie en effet les survivants de l'Ancien Régime et ceux de la Révolution), de multiplier ceux de la Tolérance et d'en élever à la Bienfaisance. Il a même (couplet 5) providentiellement réussi à réconcilier les Rites (ce qui, à notre humble avis, est peut-être un travail plus herculéen encore !) ; cette allusion à l'unification de la maçonnerie française semble d'ailleurs quelque peu hypocrite, puisque le fameux Concordat de 1804, qui devait l'instituer, avait été dénoncé dès 1805, déclenchant ainsi une guéguerre des Rites qui sévit toujours ...

Napoléon, ce Monarque invincible, n'est évidemment pas oublié (couplet 1) dans la distribution de coups d'encensoir ; son rôle est d'établir un nouvel équilibre de l'Univers, plan auquel ne pourraient envisager de s'opposer que des peuples pervers

Voir ici sur l'air O toi qui n'eûs jamais du naître.

Le tiré à part (6 pages, une par couplet) de cet hymne, imprimé aux frais de Piis comme mentionné plus haut, se trouve à la BNF (cote FM IMPR-2633 15), sous le titre L'Hymne des Autels chanté en la Loge de Saint Alexandre d'Ecosse, le 30e jour du 1er mois de l'An de la Vraie Lumière 5807 et avec la signature par le Frère de Piis, Maître, ancien membre de la Loge de Saint-Jean de la Candeur, actuellement affilié à celle des Neuf-Soeurs. Il y est spécifié par une note de bas de page que le Grand-Maître (ici en capitales tout comme le Grand Être et la Science) est bien S. A. S. Le Prince Archi-Chancelier de l'Empire, Grand Maître de l'Ordre en France. 

Le même cantique figure, sous le simple titre cantique maçonnique et avec la signature par le Frère Piis, aux pp. 76-8 de l'édition 1809 de la Lyre maçonnique. Mais l'avant-dernier couplet, celui qui célèbre la réunification en 1804, sous l'égide de Cambacérès et sur l'ordre exprès de Napoléon, des deux rites, a ici été omis : même si Piis, comme mentionné plus haut, avait fait mine de ne pas tenir compte de ce fait, ce couplet avait en effet déjà perdu toute actualité.



       

AlR : O toi qui n'eûs jamais dû naître.

 

 

1

Quand notre Monarque invincible,
Malgré quelques peuples pervers,
Va rétablir, d'un bras terrible,
L'équilibre de l'Univers,
Notre Grand-Maître
Tient du Grand Être
Un Mot d'Ordre et des Pouvoirs tels,
Qu'en sa présence
De la Science
Se relèvent tous les autels.

 

 

 

 

2

En vain l'intrigue et la folie,
Par des libelles ténébreux .
Tâchent-elles qu'on se replie
Sur des souvenirs douloureux ;
Notre Grand-Maître
Tient du Grand Être
Un Mot d'Ordre et des Pouvoirs tels,
Qu'en sa présence
De la vengeance
S'écrouleront tous les Autels.

 

 

 

 

3

Tous les Maçons, francs par essence,
Doivent, au signal du pouvoir,
Mettre en commun leur conscience
Et leur valeur et leur savoir.
Notre Grand-Maître
Tient du Grand Être
Un Mot d'Ordre et des pouvoirs tels,
Qu'en sa présence
La Tolérance
Va multiplier ses Autels.

 

 

 

 

4

Que l'indigence au front timide
A l'écart cesse de gémir !
Que la détresse à l'œil humide
A l'écart cesse de frémir !
Notre Grand-Maître
Tient du Grand Être 
Un Mot d'Ordre et des Pouvoirs tels,
Qu'en sa présence
La Bienfaisance
Voudra mériter des Autels.

 

 

 

 

5

Si trop long-temps la Loge-Mère,
Qui suit le vieux Rit Ecossais,
Evita la douce lumière
Qui part de l'Orient Français,
Notre Grand-Maître
Tient du Grand Être 
Un Mot d'Ordre et des pouvoirs tels,
Qu'en sa présence
La Providence
A réuni les deux Autels.

 

 

 

 

6

Religion ! Philosophie !
Et maçonnique Charité !
C'est à vous que le Ciel confie
Le repos de l'humanité.
Notre Grand-Maître
Tient du Grand Être
Un Mot d'Ordre et des pouvoirs tels 
Qu'en sa présence
Toute la France
Vous offre à la fois trois Autels.

 

 

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