Le Sage en Gaité
ou Aristenète pacificateur
Aux pages 220 à 223 du Tome II (daté de 1807) des Annales maçonniques de Caillot (ce tome est accessible sur Google-Books, derrière le Tome I), figure ce JOYEUX ET ROYAL CANTIQUE dédié à Cambacérès.
L'auteur n'est pas désigné à cet endroit, mais à la Table de fin de volume il est mentionné :
Le Sage en Gaîté, Cantique dédié à S. A. S. le Prince Cambacérés, par le Frère Félix Nogaret. 220
C'est donc bien Nogaret qui est l'auteur du texte, la musique étant, comme mentionné, de Bianchi.
La date de la création n'est pas mentionnée, mais il s'agit très vraisemblablement d'une de ces grandioses manifestations d'attachement à Cambacérès - et à travers lui à l'Empereur - qui confirmaient régulièrement l'asservissement de la maçonnerie impériale à l'opportunité politique. Le cadre est certainement écossais (les Loges de Bianchi et Nogaret étaient d'ailleurs écossaises) puisque - dans l'ambiance de guerre des Rites en vigueur à l'époque - la dignité de Cambacérès en tant que Grand-maître particulier de toutes les Loges du rit Ecossais n'aurait sans doute pas été mentionnée s'il s'était agi d'une manifestation au Grand Orient de France.
Ce genre de manifestation avait pour objet essentiel de célébrer, avec autant de servilité que de triomphalisme, les succès guerriers de Napoléon (voir notamment le texte de Clavel sur les Loges d'Empire : On y célébrait la fête de l'empereur ; on y lisait les bulletins de ses victoires avant qu'ils fussent rendus publics par l'impression ; et d'habiles gens y organisaient l'enthousiasme, qui graduellement s'emparait de tous les esprits).
Le ton y était donc en général éminemment respectueux, formaliste et guindé ; on peut donc s'étonner du style particulièrement libre, familier, et même détendu sinon déjeté, de la présente chanson, qui tranche nettement sur les usages alors de rigueur. On s'étonnera surtout du ton pacifiste de la chanson, qui contraste avec le bellicisme impérial.
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Le texte contient de nombreuses allusions qui devaient faire sens à l'époque, dont certaines (utilisant des personnages tels qu'Erinnis - nom qui qualifie les furies infernales -, Servien, Juida, Pyrrhon, ...) semblent actuellement difficiles à décrypter.
Mais on peut considérer comme plus compréhensibles les références à :
Voltaire : on sait qu'il était un peu passé de mode dans la France post-révolutionnaire, particulièrement après le Concordat de 1801
un grand pacifiste, l'Abbé de Saint-Pierre, qui est mentionné dans une autre chanson de ce site
(dans une note de bas de page) Frédéric II, qui en tant qu'exemple de bonne mentalité maçonnique se retrouve régulièrement loué par les maçons tant français (on trouve dans une chanson de l'époque : Du Maçon Frédéric-le-Grand / Honorons la mémoire / Roi philosophe et conquérant / Rien ne manque à sa gloire) qu'allemands (qui chantent Respecte, ô Parque / Un Roi si grand / Vive un Monarque / Si bienfaisant) ; on remarquera la similitude entre la phrase lui attribuée (Dans mes États chacun peut croire ce qu'il veut, pourvu qu'il soit honnête homme) et le principe énoncé par Anderson dans ses Constitutions : ... ne leur imposer que cette Religion sur laquelle tous les Hommes sont d'accord, et les laisser libres de leurs Opinions particulières, c'est à dire être des Hommes bons et loyaux, ou Hommes d'Honneur et de Probité, quelles que soient les Dénominations et Croyances qui puissent les distinguer.
LE SAGE EN GAITE,
ou ARISTENÈTE PACIFICATEUR ;
JOYEUX ET ROYAL CANTIQUE,
Dédié à son Altesse Sérénissime Monseigneur le Prince Cambacérès, Archi-chancelier de l'Empire, Grand-maître adjoint de l'Ordre Maçonnique en France, et Grand-maître particulier de toutes les Loges du rit Ecossais.
MUSIQUE DEL SIGNOR BIANCHI.
Paix là, paix donc ! paix, téméraire
! |
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Passe avec nous du mal au bien. Avec le Turc viens, prends un verre ; Trinquons, buvons, et plus de guerre : La paix, la paix ! c'est mon refrein.
De la case Dieu tutélaire,
De sentimens chacun diffère ;
Vieux sermoneur hebdomadaire, |
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Ce que je fais, tu
dois le faire. J'entends : ton Dieu n'est pas le mien. Eh ! mon ami, par toute terre, Chacun a l'sien, chacun a l'sien. Or sus ! ris, chante, prends un verre ; Trinquons, buvons, et plus de guerre : La paix, la paix ! c'est mon refrein.
L'orage gronde, le Tonnerre
S'il me plaît d'adorer Voltaire ; |
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tais-toi ; buvons, et plus de guerre : La paix, la paix ! c'est mon refrein.
La paix de l'Abbé de Saint-Pierre
Nations du double hémisphère ,
(I) Dans mes États, disait Frédéric II, chacun peut croire ce qu'il veut, pourvu qu'il soit honnête homme. Saladin, Sultan d'Egypte, fit en mourant des distributions égales en aumônes aux Mahométans, aux Juifs et aux Chrétiens. " Tous les hommes sont frères, dit-il, pour les secourir il ne faut pas s'informer de ce qu'ils croyent, mais de ce qu'ils souffrent. " |
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Vos vaisseaux embrassent la terre
! De ton palais aérien, O toi, qui veux qu'on se tolère, Divine Raison ! descends, vien ; Amène-moi ton statuaire : Ouzai ! vivat ! haut ! plus de guerre ; La paix, la paix ! c'est mon refrein. |