Harlequin Free-Mason 

 

Harlequin Free Mason est une pantomime (texte et musique de Dibdin), créée en 1780 au Covent Garden, qui connut un beau succès (63 représentations en un an et 80 lors d'une reprise (modifiée) entre 1789 et 1793) et qui fut même exportée en Amérique dans une adaptation de Reinagle et jouée à Philadelphie en 1800.

Harlequin Free Mason n'a rien à voir - sauf le fait qu'Arlequin désire épouser Colombine - avec le Arlequin franc-maçon créé en France.

Harlequin Free Mason

Dans son ouvrage Les musiciens et la franc-maçonnerie, Gérard Gefen décrit comme suit l'intrigue - à grand spectacle et parfaitement rocambolesque - de cette oeuvre :

La scène qui ouvre l'œuvre s'accorde avec l'opinion professée par tous les francs-maçons et selon laquelle l'Architecture est fondée sur ce grand édifice : l'HOMME. On y voit trois francs-maçons travaillant sur une représentation de l'homme, formée à l'aide des différents ordres d'Architecture : la Tête, d'ordre composite ; les Bras, d'ordre corinthien ; le Tronc, d'ordre ionique ; les Cuisses, d'ordre dorique et les Jambes, d'ordre toscan. 

Lorsque la fin du travail est annoncée, ils s'apprêtent à partir, mais voici qu'apparaît l'ombre d'Hiram Habbiff (Grand Surveillant du roi Salomon et son adjoint pour la construction du Temple de Jérusalem). Hiram Habbiff transforme la figure de pierre en Arlequin, lui donne un tablier de franc-maçon, lui enseigne l'usage des outils et lui donne une Truelle dotée d'un pouvoir magique qui l'assistera en cas de difficultés. L'ombre s'évanouit. À son premier regard, Arlequin découvre Colombine (fille d'un Juif), en compagnie de son père. Celui-ci inspecte un bâtiment qu'il est en train de construire et qu'Arlequin, pour éprouver les pouvoirs de sa Truelle, achève d'une simple touche de l'instrument.

Arlequin utilise ensuite sa Truelle pour élever un Temple de Bacchus pour un groupe de paysans des Alpes, puis pour une représentation de l'immeuble de bois, à Covent Garden, où l'on exposait un aloès. Suivent de nombreuses aventures et de multiples changements de décors, notamment une scène sur la glace, en Hollande, avec des patineurs, une mer tumultueuse, une Cour de Justice à Billingsgate, le tout entremêlé d'airs, de catches, de chœurs, jusqu'à ce qu'Hiram Habbiff apparaisse de nouveau et obtienne du vieux Juif son consentement au mariage d'Arlequin et de Colombine. 

Ce point réglé, il annonce que sa présence à une tenue de Grande Loge est nécessaire; c'est en effet la fête anniversaire au cours de laquelle on installe le nouveau Grand Maître du Noble et Ancien Ordre des Maçons Francs et Acceptés.

 Ce qui introduit tout naturellement une procession au cours de laquelle est présentée la succession régulière des principaux Grands Maîtres, depuis Enoch jusqu'à nos jours, illustrant ainsi, de manière plaisante et instructive, l'ancienneté, l'accomplissement et la dignité de la Maçonnerie. 

On voit par là que la légende des origines antiques et bibliques de la maçonnerie, telle qu'énoncée aux Constitutions d'Anderson et à leurs chansons, est toujours en vogue à cette époque en Angleterre.

Dans son très intéressant article A masonic pantomime and some other plays, paru (pp. 138-160 du n° du 10 janvier 1908) dans le vol. 21 de Ars Quatuor Coronatorum, W. B. Hextall donne, entre autres, une partie du texte (qui a été réédité depuis) de ce spectacle, aux pages 139 à 151.

Nous l'avons reproduit sur deux pages séparées :

Plusieurs éléments des éditions d'époque des partitions sont disponibles, indifféremment ici (partitions de plusieurs opéras de Dibdin) et ici (Harlequin seulement).

En voici la liste (NB : la dernière citée ne fait pas partie de ces éditions : c'est une chanson préexistante, qui a été intégrée par Dibdin dans son livret).

Nous avons consacré des pages particulières aux chansons (marquées d'un *) dont à la fois nous connaissons la partition et dont le texte comporte des références maçonniques.

Dans le cadre de ses recherches sur le théâtre musical du XVIIIe siècle, le musicologue Jean-Luc Impe a établi de ces partitions des fichiers midi qu'il a eu l'amabilité de mettre gracieusement à notre disposition et que vous avez donc l'occasion d'entendre. Merci à lui.

 
page et lien web partition  Titre 
et lien vers texte au site
incipit lien sur le site
16-17 Ouverture [instrumental] entendre le midi
18 Andante [instrumental]  entendre le midi
18-9 Rondo [instrumental]  
12-15 * Trio Behold the model of our art voir cette page (sonorisée)
20 * Sung by Mr. Reinhold In all your dealings take good care voir cette page (sonorisée) 
21 Sung by Mr. Doyle Here I was my good Masters entendre le midi
22 Catch Lawyer brief, why all this stir  entendre le midi
  * Air Hail masonry, thou craft divine voir cette page (sonorisée)

On peut lire en 1808 aux pages 341-5 des Annales dramatiques ou dictionnaire général des Théâtres le texte suivant, qui sera reproduit en 1845 par la revue l'Orient de Bègue-Clavel (pp. 52-3) :

Arlequin Franc-maçon, pantomime représentée à Londres, au théâtre de Covent-Garden, en 1780.

L'opinion adoptée par quelques francs-maçons que le prototype de l'architecture est tiré du grand édifice, qui est l'homme, a suggéré l'idée de cette pièce monstrueuse. Dans la première scène, on voit trois francs-maçons travaillant à une figure qui représente l'homme, composée des différents ordres de l'architecture. La tête est composite, les bras corinthiens, le tronc ionique, les cuisses doriques, et les pieds toscans. A un signal qui se donne, les maçons quittent leur ouvrage, et l'on voit paraître l'ombre d'Hiram-Abi, surintendant du palais de Salomon. De la figure dont on vient de parler, Hiram produit Arlequin, lui donne un tablier de maçon, lui enseigne l'usage qu'il doit faire de ses outils, et le munit d'une truelle qui, par sa vertu magique, doit lui faire opérer les plus grandes merveilles, et le tirer de tous les embarras où il pourra se trouver. Il le quitte aussitôt, et le premier objet qu'aperçoit Arlequin est la fille d'un juif, appelée Colombine, qui s'amuse à considérer avec son père les fondements d'une maison qu'il fait bâtir. A peine Arlequin et Colombine se sont-ils vus qu'ils deviennent amoureux l'un de l'autre. Arlequin fait ici le premier essai de sa truelle ; il en touche seulement les fondements de la maison, et l'édifice est achevé dans un clin d'œil. Tandis que ceux qui se trouvent là sont pétrifiés d'étonnement à la vue du prodige, Arlequin enlève Colombine ; mais son père la retrouve peu de temps après et la présente à un Hollandais qui veut l'épouser.

Arlequin parvient à s'introduire dans la maison du Hollandais en se cachant dans un coffre-fort que le vieux juif y fait porter, et enlève une seconde fois sa maîtresse. Le Hollandais s'endort. Alors descend par la cheminée un ramoneur qui lui vole son argent et se sauve par où il est venu. On court après le voleur. La scène change et présente successivement un jardin, un temple de Bacchus, les serres chaudes de Covent-Garden, où l'on conserve l'aloès américain, et enfin le pilori. Cependant Arlequin et Colombine s'embarquent et arrivent en Hollande. On voit une campagne couverte de neige et de glace où est rassemblée une foule de gens qui glissent avec des patins. Bientôt la scène change et représente d'abord le rivage de la mer, où l'on voit les deux aventuriers se rembarquer pour passer en Angleterre, ensuite une vue de Towerhill, où Arlequin est arrêté avec Colombine. On lui ôte sa truelle et on le conduit devant les juges de Westminster pour lui faire son procès comme à un ravisseur. Là, les graves légistes s'injurient, se donnent mutuellement les titres de coquins et de fripons, et finissent par se battre : les sacs et les perruques volent en l'air. Alors le théâtre représente le marché de Billingsgate, où les légistes sont battus de leurs propres armes par une troupe de poissardes. Enfin Hiram reparaît ; il apaise tout et obtient du vieux juif son consentement pour le mariage d'Arlequin et de Colombine. L'affaire une fois arrangée, Hiram ordonne au héros de la pièce de venir à la Grande-Loge voir la fête annuelle qu'on célèbre pour l'installation d'un nouveau grand-maître de l'ordre des francs-maçons, ce qui amène une scène où l'on voit passer en procession tous les grands-maîtres de l'Ordre qui ont existé depuis Hénoch, chacun précédé de sa bannière.

Voici dans quel ordre ils se suivent [nous avons reporté cette partie du texte dans la page séparée concernant ladite procession]. 

Telle est, en abrégé, cette pièce extravagante, dont la simple exposition suffit sans doute pour en faire la critique. Tout y est incohérent et bizarre, et l'on peut appliquer avec justice à l'auteur les premiers vers de l'art poétique d'Horace [NDLR : Supposez qu'un peintre ait l'idée d'ajuster à une tête d'homme un cou de cheval et de recouvrir ensuite de plumes multicolores le reste du corps, composé d'éléments hétérogènes ; si bien qu'un beau buste de femme se terminerait en une laide queue de poisson. À ce spectacle, pourriez-vous, mes amis, ne pas éclater de rire ? ]. Cependant elle a été représentée trente-sept fois de suite ; mais ce succès prodigieux pour le temps a été probablement dû au décorateur et au machiniste, qui ont réuni leurs efforts pour enchanter les yeux de la multitude.

 

Le périodique The Town and country magazine, or universal repository of Knowledge, Instruction ans Entertainment donne (p. 684) le compte-rendu suivant :

Since our last went to press, a new Pantomime has been represented at Covent Garden Theatre, under the title of Harlequin Free-mason, and was received with great applause. It is ascribed to Mr. Messink, and the music, which is very properly adapted to the airs, is the composition of Mr. Dibden. In justice to the managers it must be acknowledged they have greatly exerted themselves, and spared no expence, to render this Pantomime one of the most entertaining of any that has been exhibited upon our stage : the scenery, decorations, pageantry and dresses are uncommonly magnificent. In would not be very interesting to our readers to enter into a detail of the plot of Pantomimes, which is usually so similar that the description of one entertainment of the sort, would convey no very imperfect idea of them all. The story of the free-mason, is briefly as follows. Hieram Abiff makes Harlequin a free-mason, and confers on him all the powers vested in the noble art, of either raising or demolishing structures and edifices. Pantaloon's family are all Jews. The old gentleman having applied to Harlequin to build him a house, he has an opportunity of seeing Columbine, with whom he becomes enamoured, and finds means to gain access to her. At this period a young Dutchman comes to Pantaloon, and proposes himself a candidate for his daughter's hand. Harlequin conceals himself in Mynheer's strong box, and is by that means conveyed to his mistress. A ridiculous scene of courtship follows between the Dutchman and Columbine ; when at length the phlegmatic lover falls asleep, and Harlequin elopes with her. A chimney sweeper now descends from a chimney, steals the Dutchman's cash, and decamps with it the same road by which he gained admittance. This leads to a general pursuit, in which the usual tricks are introduced. Harlequin sets sail with Columbine to Holland, whither they are pursued, when the audience is presented with a very beautiful scene of frost and snow, and many skaiters upon the ice ; it presently changes into a warm sun-shine, a view of the sea, and the adventurers embarking for England. A perspective of Tower-hill is next exhibited, where Harlequin is disarmed of his sword, with which he loses his power, and Columbine is seized. He is then carried to Westminster-hall, to be tried for eloping with an actress. The lawyers sing catches and abuse one another ; in the scuffle their wigs and briefs fly about, and they are routed by a set of fish women : which circumstance affords a very laughable situation. The piece now approaches its conclusion, when the grand pageant begins, wherein is displayed the throne of Salomon with the decorations of his hall, and that of Sheba. The procession ensues, in which many songs are sung. Upon tbe whole, we think this one of the best Pantomimes that have been exhibited for many years, and merited the uncommon applause it received.

Dans son n° de janvier 1781 (repris dans son Volume 50), The London magazine, or, Gentleman's monthly intelligencer commentait - ainsi d'ailleurs que d'autres journaux londoniens - un événement récent dans sa rubrique théâtrale, et publiait le texte suivant :

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