Protocole des Santés 

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Ce cantique, offert en 1783 à la Respectable Loge des Coeurs Simples de L'Etoile Polaire, figure aux pages 161-3 du recueil édité en 1788 par le Frère de Saint-Aubin sous le titre les Oracles de la Vérité.

En 1782, Honoré avait publié son Cantique des Santés, qui est sans doute le premier à rassembler dans une seule chanson l'ensemble des santés rituelles, traditionnellement au nombre de sept

Celui-ci - que nous n'avons trouvé nulle part ailleurs au XVIIIe - lui est de peu postérieur (il est daté de 1783), mais (comme dans les usages bastiais mentionnés ici) il comporte 9 Santés. Les deux supplémentaires sont celles concernant les officiers du Grand Orient (3e) et les nouveaux initiés (7e).

Comme il était d'usage à l'époque, la première Santé inclut la reine Caroline de Naples.

On remarquera qu'à la dernière Santé, qui est traditionnellement celle de tous les Maçons de l'Univers [ou : des deux hémisphères], sont joints ici les Maçonnes et même les Louftons (enfants de maçons ; on trouve plus souvent lowtons), dont c'est à notre connaissance la première apparition dans le chansonnier maçonnique.

L'air Vous me grondez d'un ton sévère est donné, avec les titres alternatifs maman, grondez-moi pour deux fois ou ce cher objet sommeille encore, par la Clé du Caveau sous le n° 641. Le poème correspondant serait, selon les sources, de Bonnier de Layens ou de Laujon. On trouve d'ailleurs une partition dans les Oeuvres choisies de Laujon.

CANTIQUE

 

Offert à la Respectable Loge des Coeurs Simples de L'Etoile Polaire
 Ere vulgaire, Juillet
1783.

 

  Protocole des Santés

 

Air : Vous me grondez d'un ton sévère.

 

 Ière.

Des Santés tirons la première ;
Chantons la Reine, notre Roi,
Nos Princes, telle est notre loi,
Caroline, qui nous est chère.      bis.

Pour cet Etat (formons des vœux)      bis.
Grand feu, bon feu ; le plus vif et le plus grand des feux.

 

IIe

Chantons notre illustre Grand-Maître,
Ceux qui daignent nous protéger,
Potentats, tout Maître étranger,
Aimons-les, faisons-nous connaître.      bis.

Frères, faisons (ici pour eux)       bis
Grand feu, &c.

 

IIIe.

Fêtons, par un feu méthodique, 
Officiers, Administrateur, 
Adjoints, Maîtres, Conservateur 
Du Grand Orient Maçonique.      bis.

Frères, faisons (ici pour eux)      bis.
Grand feu, &c.

 

IVe.

De notre auguste Vénérable 
Chantons en chorus la santé ;
Que l'ordre soit exécuté :
En est-il un plus agréable ?....       bis.

Pour son bonheur (faisons des vœux).      bis. 
Grand feu, &c.

 

Ve

Chargeons nos canons, bon courage ;
A nos deux Frères surveillans, 
Toujours actifs & vigilans,
Offrons notre sincère hommage, ....       bis.

Par trois faisons (ici pour eux)       bis.
Grand feu, &c.

 VIe.

Amis, écoutez mes prières,
Nous devons rendre les honneurs
A tous nos Frères Visiteurs ;
Ils ont augmenté nos lumières.....       bis.

Profitons-en, (faisons pour eux)      bis
Grand feu, &c.

 

VIIe.

Disposons, préparons nos armes
Pour nos Frères initiés,
Qu'ils ne soient jamais oubliés ;
Leur Santé pour nous a des charmes.      bis.

Instruisons-les, (faisons pour eux)       bis.
Grand feu, &c.

 

VIIIe.

 Quand nous chargeons avec éloge, 
Du Dieu Bacchus, le jus divin,
Devons-nous rester en chemin
Pour les Officiers de notre Loge ?....      bis.

Frères, faisons (ici pour eux)      bis.  
Grand feu, &c.

 

IXe.

O Maçons des deux hémisphères !
Douces Maçonnes & Louftons, 
Infortunés, nous célébrons 
Vos Santés parmi nos mystères....       bis.

Pour l'Ordre entier (faisons des vœux)      bis.
Grand feu, &c.

On retrouve la chanson - un peu modifiée - en 1836 dans le n° 4 de L'Univers maçonnique (aux colonnes 709-10), sous le titre Protocole maçonnique des Santés et sans indication d'air.

Il y eut au XIXe un vif débat sur la question : faut-il 5 ou 7 Santés ?

Sept Santés ?

Comme on peut le voir à une autre page de ce site, le protocole des Sept Santés était en 1800 institutionnalisé au Grand Orient de France.

Cinq Santés ?

Mais les Statuts et Réglements généraux de l'Ordre maçonnique en France de 1839 stipulent au contraire en leur art. 365 (p. 97) que :

Il y a cinq santés d'obligation:

1° Celle du Souverain et de sa famille, à laquelle on joint des vœux pour la patrie ;

2° Celle du Grand Orient de France, du Grand Maître de l'Ordre ; des Ateliers de la Correspondance et des Grands Orients étrangers ;

3° Celle du Président de l'Atelier ;

4° Celle des Surveillants et des Officiers Dignitaires ; celle des Ateliers affiliés et des Frères visiteurs ;

5° Celle de tous les Maçons existans sur l'un et l'autre hémisphère ; pour cette dernière santé, l'Atelier forme la chaîne d'union, dont le Frère servant fait toujours partie.

En 1826 déjà  Riebesthal prônait lui aussi de se limiter à 5 santés, mais, avec plus de politesse envers les hôtes de la Loge, il les définissait comme suit :

1° Celle du Chef du gouvernement et de sa famille, en y joignant des voeux pour la prospérité du pays.

2° Celle du Grand-Maître ou du Pouvoir maçonnique du pays, en y joignant des voeux pour la prospérité de l'ordre.

3° Celle des Députations et des Visiteurs, en y joignant des voeux pour la prospérité de leurs Travaux maçonniques.

4° Celle du Vénérable, des Dignitaires et membres de la Loge (Cette santé sera portée par un président de députation, ou par un visiteur.)

5° Celle de tous les Maçons répandus sur la surface du globe. (Elle sera tirée suivant l'usage.)

Un raisonnement aussi alambiqué qu'ésotérisant

Cette réduction ne fut pas du goût de tout le monde.

Dans son Cours oral de Franc-maçonnerie symbolique en douze séances (ouvrage approuvé par le Grand Orient), H. Cauchois écrit par exemple en 1863 (pp. 181 ss.) :

... dans les repas anciens, sept libations étaient offertes aux sept planètes divinisées, et, quoique le christianisme ait fait perdre à ces planètes leur prétendue divinité, il n'a point aboli l'usage de leur adresser sept santés ; il a seulement manifesté pour tous cette pensée, révélée jadis aux seuls initiés, que ces santés ont pour objet d'honorer, non pas les planètes elles-mêmes, mais bien leur divin auteur, le Grand Architecte de l'Univers.

Voilà pourquoi le Grand Orient de France a établi, dès l'origine même de sa fondation, sept santés d'obligation, destinées à rappeler les sept libations antiques.

Depuis quelques années seulement le nombre de ces santés a été réduit à cinq, afin de simplifier les travaux, mais au risque de nous faire perdre de vue l'origine et le but de leur institution.

...

Qu'il nous soit permis ... d'exprimer le vœu que le Grand Orient de France rétablisse bientôt les sept santés d'obligation, par lui originairement instituées, afin de restituer aux banquets maçonniques leur véritable caractère.

Ce rétablissement est d'autant plus nécessaire que, dans le langage symbolique, le nombre sept, vous le savez, représente la perfection, et est, à ce titre, consacré au grade de maître, comme le plus élevé de la franc-maçonnerie symbolique. Or, les banquets, formant le complément de cette maçonnerie, ne peuvent être parfaits, symboliquement parlant, qu'en élevant à sept le nombre des santés qui les terminent.

Et ce raisonnement alambiqué se termine en ajoutant une raison supplémentaire aux 7 santés : la symétrie avec les 7 jours de la semaine :

... les sept planètes auxquelles étaient offertes les sept libations anciennes (que les santés modernes sont destinées à rappeler), représentaient les sept jours de la semaine, qui portaient alors et conservent encore aujourd'hui leurs noms. Ainsi, les sept libations s'adressaient successivement au soleil, à la lune, à Mars, à Mercure, à Jupiter, à Vénus et à Saturne ; et les sept jours de la semaine sont dénommés et classés de la manière suivante : le dimanche, c'est-à-dire le grand jour, le jour du Seigneur ou du soleil, dies magna, dies domini des Latins, sonntag des Allemands, et sunday des Anglais ; le lundi, c'est-à-dire le jour de la lune, en latin lunae dies, en allemand montag, et en anglais monday ; le mardi, ou le jour de Mars, Martis dies ; le mercredi, ou le jour de Mercure, Mercurii dies ; le jeudi, ou le jour de Jupiter, Jovis dies ; le vendredi, ou le jour de Vénus, Veneris dies ; et le samedi, ou le jour de Saturne, Saturni dies.

Eh bien, réduire le nombre des santés maçonniques à cinq, ce serait rendre la semaine maçonnique incomplète, c'est-à-dire détruire l'harmonie existant entre les jours de la semaine et les santés portées par les francs-maçons ; ce serait imiter ces artistes mal inspirés qui, sous prétexte de restaurer les chefs-d'œuvre de l'antiquité, réussissent à les mutiler.

Au contraire, restituer aux santés maçonniques le même nombre et les mêmes noms qu'aux différents jours de la semaine, c'est rappeler aux francs-maçons que chaque jour ils doivent rendre hommage au Grand Architecte de l'Univers, et conformer à ses lois leurs pensées, leurs paroles et leurs actions.

Il est vrai qu'à l'époque, des doctrinaires tels que Vassal, Clavel et autres Ragon avaient mis sur le marché une véritable mythologie raccrochant la maçonnerie à toutes les plus antiques traditions (supposées) ... 

Treize Santés !

Un record en la matière est peut-être celui atteint lors de la Fête donnée le 23 novembre 1801 par la Loge de la Parfaite-Union à l'Orient de Montauban, à l'occasion de la paix générale (une telle fête fut célébrée dans plusieurs Loges).

Le compte-rendu qui en est donné dans le volume 2 du Miroir de la Vérité d'Abraham (pp. 104-119) nous révèle en effet qu'on y tira 13 santés :

1. à la République
2. au 1er Consul Bonaparte
3. au Gouvernement
4. Au Général en Chef Moreau, Membre de la Respectable Loge de la Parfaite-Union à l'Orient de Rennes
5. à nos braves Armées
6. à la Paix
7. au Grand Orient de France
8. au Vénérable
9. Aux surveillans, à la commission exécutrice de la Fête dont ils étaient membres 
10. aux Très Chers Frères Visiteurs
11. à l'Agriculture, au Commerce, à la Navigation
12.aux Puissances nos Alliées
13. à tous les Maçons du Globe

Mais ici, comme dans la version initiale de 1783, les Santés sont au nombre de 9 !

Un seul couplet est retouché, et c'est évidemment le premier : il n'est bien sûr plus question de Caroline, et Emélie est sans doute une faute typographique pour Emilie ou, plus vraisemblablement, Amélie (qui est un des prénoms de l'épouse de Louis-Philippe, Marie-Amélie de Bourbon-Sicile). A noter que la France est mentionnée ici plutôt que cet Etat (mention passe-partout permettant un usage plus universel).

PROTOCOLE MAÇONNIQUE 

DES SANTÉS. 

 

Des santés tirons la première ; 
Chantons et la reine et le roi, 
Les princes : telle est notre loi, 
Emélie qui nous est chère. bis. 
Pour la France (formons des vœux) bis. 
Grand feu, bon feu ; 
le plus vif et le plus grand des feux.

Chantons notre illustre grand-maître, 
Ceux qui daignent nous protéger, 

    

Potentats, tout maître étranger, 
Aimons-les, faisons-nous connaître. bis. 
Frères, faisons (ici pour eux) bis. 
Grand feu, etc.
 

Fêtons, par un feu méthodique,
Officiers, administrateur, 
Adjoints, maîtres, conservateur 
Du Grand-Orient maçonnique. bis: 
Frères, faisons (ici pour eux). bis. 
Grand feu, etc.
 

De notre auguste vénérable,
Chantons en chorus la Santé'; 
Que l'ordre soit exécuté ; 
En est-il un plus agréable? … bis 
Pour son bonheur faisons (des vœux). bis. 
Grand feu, etc.

Chargeons nos canons, bon courage; 
A nos deux frères surveillants, 
Toujours actifs et vigilants, 
Qffrons notre sincère hommage … bis. 
Par trois faisons (ici pour eux) bis. 
Grand feu, etc. 

Amis, écoutez mes prières, 
Nous devons rendre les honneurs 
A tous nos frères visiteurs ; 
Ils ont augmenté nos lumières ... bis. 
Profitons-en, faisons (pour eux) bis
Grand feu, etc.
 

Disposons, préparons nos armes, 
Pour nos frères initiés, 
Qu'ils ne soient jamais oubliés ; 
Leur santé pour nous a des charmes. Bis
Instruisons-les, (faisons pour eux) bis. 
Grand feu; etc. 

Quand nous chargeons avec éloge, 
Du dieu Bacchus, le jus divin, 
Devons-nous rester en chemin 
Pour les officiers de la loge? ... bis. 
Frères faisons (ici pour eux) bis.
Grand feu, etc.

O Maçons des deux hémisphères ! 
Douces Maçonnes et Louftons, 
Infortunés, nous célébrons 
Vos santés parmi nos mystères ... bis. 
Pour l'ordre entier faisons (des vœux) bis. 
Grand feu, etc. 

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