Les Oracles de la Vérité
En 1782, le Frère André Honoré avait eu l'idée de transposer au monde maçonnique un usage très répandu dans le monde profane : la publication de fascicules rassemblant des chansons proposées par les lecteurs eux-mêmes. En 1788, le Frère M** de Saint-Aubin faisait, sous le titre (quelque peu prétentieux) les Oracles de la Vérité, un autre essai du même genre, à parution mensuelle, mais avec un objectif plus vaste puiqu'il s'étendait également aux discours et poèmes, annonçant ainsi les Lyres maçonniques sous l'Empire. Le Tome I en a été rendu disponible sur Google-livres. Il ne semble pas que Saint-Aubin ait eu plus de succès qu'Honoré, ni dans la récolte de textes nouveaux (il reprend des textes déjà publiés, notamment par ce dernier), ni dans la commercialisation (nous n'avons trouvé aucun élément donnant à penser qu'il y ait eu un Tome II). Il est à remarquer que, contrairement à la plupart des ouvrages maçonniques de l'époque, celui-ci n'a rien d'une publication clandestine puisqu'on le trouve chez Guillot, libraire de Monsieur, Frère du Roi (i. e. le futur Louis XVIII) et qu'il contient (p. 192) un privilège du Roy. Saint-Aubin semble être un maçon très ubiquiste puisqu'il se présente lui-même comme membre à la fois des Coeurs Unis à Loches, des Elus à Bourg-en-Bresse et de Saint-Jean de Jérusalem d'Ecosse, Mère-Loge Ecossaise à Lyon. Il s'agit sans doute de Jacques Mague, dit Mague de Saint-Aubin (1746-1824), auteur de quelques pièces de théâtre et, en 1787 chez le même éditeur, de La réforme des théatres ou Vues d'un amateur sur les moyens d'avoir toujours des acteurs à talens sur les théatres de Paris & des grandes villes du royaume & de prévenir les abus des troupes ambulantes sans priver les petites villes de l'agrément des spectacles. On remarquera ci-contre la citation Sola non norunt haec monumenta mori (Martial, Épigrammes, livre X) : [les écrits] sont les seuls monuments qui ne sauraient mourir. On remarque aussi la triponctuation ainsi que l'usage de l'initiale redoublée pour les pluriels. |
On y trouve des discours et des poèmes, mais aussi quelques chansons dont voici la liste (les liens dans la colonne page renvoient à la page concernée de google-livres tandis que les liens dans la colonne titre renvoient à une page du présent site).
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page |
Titre |
incipit |
47 |
* CANTIQUE Chanté par le Frère de St. A. lors de son affiliation à la Loge de St. Jean de Jerusalem, Mère-Loge Ecossaise à l'Orient de Lyon, le 17 Avril 1785. |
A l'abri des cruels destins |
54 | CANTIQUE Chanté dans la Loge des Neuf Soeurs, à l'Orient de Paris, par le Frère G., le jour de la réception de M. de V. | Sages que l'Univers contemple |
153 | * CANTIQUE Présenté à la Loge des Cœurs, S. de L* P., par le Frère Ch***, Vice-Orateur, 1781. | Faisons des efforts nouveaux |
157 | CANTIQUE Présenté à la Loge des C. S. de L. P. , par le Frère Ch., Vice - Orateur : Août 1779 | On sait qu'autrefois nos ayeux |
161 | * CANTIQUE Offert à la Loge des C. S. de L* P., Ere vulgaire, Juillet 1783. Protocole des Santés | Des Santés tirons la première |
164 | CANTIQUE Offert à la Loge des C. S. de L*, par le Frère Ch., Vice - Orateur, en 1779. | L'ambitieux vole à la gloire |
168 | CANTIQUE Offert à la Loge de la Paix, par le Frère Ch. V. de ladite Loge. Ere vulgaire, 31 Mai 1778. | Parler beaucoup & ne rien dire |
171 | * CANTIQUE Offert à la Loge des C. S. de L*, par le Frère Ch., Orateur, en 1781. ÉLOGE DE LA PAIX. | Un torrent menace la plaine |
175 | * CANTIQUE Offert à la Loge des C. S. de la Paix, par le Frère Ch. O. 1781. | Est-ce un songe qui m'égare |
Il nous semble plus que vraisemblable que la Loge désignée ci-dessus par des abréviations telles que la Loge des Cœurs S. de L* P. soit la Loge parisienne des Coeurs Simples de l'Etoile Polaire (le mot étoile étant symbolisé par l'astérisque). Cette interprétation est confirmée par le fait que nous savons que l'auteur des chansons des pp. 157 et 164 est le Frère Jean-Nicolas Chuppin de Germigny, membre de cette Loge (et qui fut aussi membre de la Paix). Chuppin apparaît ainsi comme l'auteur probable de tous les cantiques du recueil, à l'exception du premier (dû à Saint-Aubin lui-même) et du deuxième.