Le concert de la Fête de la paix 1801
Après sa résurrection à la fin du XVIIIe siècle, le Grand Orient de France s'applique à retrouver le lustre qui avait été le sien jusqu'à la Révolution.
Il cherche dès lors à rehausser le prestige de ses fêtes en les agrémentant par des concerts dans lesquels il engage des musiciens de renom choisis parmi ses membres.
Celui-ci est probablement le premier du genre, qui se poursuivra sous l'Empire et même au-delà.
Le Tracé de la Fête de la Paix du 10 avril 1801 donne (pp. 35-40, reproduites plus bas) un extrait du programme de ce Concert.
Le T. 1 du Miroir de la Vérité fait également écho à cette manifestation : il reproduit cet extrait (pp. 204-9), précédé (p. 203) du texte suivant :
F Ê T E
P O U R L A P A I X , donnée par le Grand Orient de france Le 20 Germinal, an IX, Dans le lieu de ses Séances.
Concert
a grand orchestre, dans lequel Paroles du
Frère G. B....... , de la Loge
Exécuté par un grand nombre d'artistes, |
Bon nombre des musiciens cités nous sont déjà bien connus :
Curieusement, les noms des compositeurs, même s'ils sont maçons, ne sont jamais précédés d'une désignation comme Frère, alors que tous les interprètes sont expressément mentionnés comme tels.
Nous n'avons
pas identifié le Frère G. B., auteur des textes et membre de la
Vraie Réunion.
ORDRE GÉNÉRAL DU CONCERT.
Simphonie D'HAYDN, en Ré ; Musique de R I G E L père, L'usage d'un point-virgule entre Symphonie d'Haydn et Musique de Rigel père (plutôt que d'une barre de séparation comme ailleurs) peut faire penser que la mention Symphonie d'Haydn ; Musique de Rigel ne désigne pas deux pièces successives, mais un arrangement de Haydn par Rigel (Louis Rigel est d'ailleurs connu comme arrangeur des Symphonies parisiennes de Haydn, mais il est le fils et non le père).
Exécutée par les Frères La Forêt, artiste
Récitatif. Jeux innocens, rassemblez-vous,
Air.
On a posé les armes :
O douce paix !
Duo.
Plaisirs,
venez, sans crainte,
Douce amitié, rend[s] tout facile,
Une voix seule.
Des jours que la Parque nous file, |
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Les deux chanteurs reprennent.
Douce amitié, rend tout facile,
Nous n'avons rien trouvé sur une pièce de Lebreton intitulée Vertume et Pomone (ni même Vertumne et Pomone, ce qui est plus vraisemblable). Par contre, O Dieu charmant qu'on adore à Cythère est l'incipit d'un air de la pastorale Scamandre de Vénard de la Jonchère. Musique
de L E B R E T O N père, Chantée par le Frère
Bertin, artiste du « Dieu charmant qu'on adore à Cythère, etc. » Choeur et récit alternativement. Dieu puissant, que le sage adore,
C o N c E R T o D E c o R, Exécuté par le Frère Dauprat, du Conservatoire, |
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C A N T A T E.
Musique de BERTIN, professeur, élève Chantée par les Frères La Forêt et Fay. Choeur. Un jour nouveau, dans ces beaux lieux, Une voix seule. Semblable au Dieu du jour qui féconde la
terre, Le Choeur reprend. Un jour nouveau, dans ces beaux lieux, Une voix seule.
O toi, Dieu des humains, qui régis l'Univers, Le Choeur termine. Un jour nouveau, dans ces beaux lieux,
IMITATION de la Scène des Comédiens Musique de DE V I E N N E, « A mon aise, je puis répéter en ce bois, Chantée par le Frère Bertin, artiste du
La référence mentionnée est le début de l'opéra comique (1798) de Devienne, les Comédiens Ambulants. Ci-dessous en vis-à-vis le texte original de l'opéra (à gauche) et le texte du concert (à droite) : on voit que la métrique correspond, et que le texte de l'allegro est très ressemblant, malgré un léger décalage dans la métrique.
Musique de G L U C K. Imitation du Choeur d'Écho et Narcisse. « Le Dieu de Paphos et de Gnide Quatuor et Choeur
chanté par les L'air mentionné
(partition ici)
est le choeur
final du drame
lyrique (sur un livret de Tschoudy) Écho et
Narcisse de
Gluck (on trouve également ce choeur à la fin de l'adaptation française de son
Orphée
par Moline).
Le Frère G. B....... |
Ce dernier couplet synthétise bien les thèmes de la journée :
Bonaparte, ce héros qu'admire l'Univers, est le sauveur de la Patrie, qu'il convient de remercier et d'encenser ;
il a mis un terme aux horreurs de la Révolution, pour lesquelles on bat sa coulpe (il a réparé nos erreurs), et restauré la cohésion nationale ;
la paix continentale n'est que le prélude de la paix générale qui, par le traité espéré avec l'Angleterre, assurera la liberté des mers.