Le Centre des Amis
La Loge du Centre des Amis présente une histoire aussi mouvementée que peu banale.
A deux reprises successives au XXe siècle - et chaque fois sous l'impulsion d'un de Ribaucourt (Edouard en 1913, son fils Pierre en 1958) - elle se trouva en effet Loge-mère d'une nouvelle Obédience. Mais son histoire est bien plus ancienne.
C'est en date du 15 avril 1789 que fut officiellement confirmée par le Grand Orient la patente constitutive (datant en fait du 24 juillet 1778) de la Loge militaire Guillaume Tell à l'Orient des Gardes Suisses. Les survivants (600 des 900 gardes suisses avaient, après avoir déposé les armes sur l'ordre de Louis XVI, été massacrés lors de la prise des Tuileries, le 10 août) de cette Loge s'unirent à d'autres maçons - dont Roëttiers de Montaleau qui allait être élu Vénérable - pour la continuer en constituant, le 2 février 1793, la Loge du Centre des Amis. Cette Loge est une des rares qui continuèrent à se réunir même pendant la Terreur. Montaleau, Desveux, Chéreau et Mercadier en étaient membres dès 1793. Parmi les membres ultérieurs, il faut noter Pichegru, Lepitre, Pouteau et un bon nombre de personnalités politiques de l'époque, d'opinions variées. En 1797, sous le Vénéralat du Frère de Lucenay, elle inaugura son nouveau local, rue du Vieux-Colombier à la ci-devant maison des dames de la Miséricorde. ci-contre : sceau de la Loge en 1796 |
En 1807, la Loge décida d'abandonner le Rite Français pour adopter, avec une patente reçue de Willermoz et l'autorisation reçue le 31 août 1808 du Grand Orient, le Rite Ecossais Rectifié (RER). En janvier 1810, elle célébra sa Saint Jean d'Hiver d'une manière grandiose.
A son Tableau de 1809, on remarque Bacon de la Chevalerie (membre honoraire), Macdonald (associé libre non résident ; il avait été initié en 1797), et 3 Frères à talents (tous trois Maîtres et membres de l'Académie Impériale de Musique) : Bertin, Eloy et Jean-Sébastien Lefèvre (certainement celui mentionné ici).
Mais ses activités cessèrent à une date indéterminée dans les années 1840.
En 1910, quelques maçons désireux de ressusciter le RER en France, parmi lesquels Edouard de Ribaucourt, choisirent de la réveiller et en 1911 l'agrégèrent au Grand Orient, lequel signait simultanément un traité avec le Grand Prieuré d'Helvétie, seule organisation alors encore dépositaire du Rite.
En-tête de lettre en 1911 et détail : La Loge est visiblement si soucieuse d'établir sa légitimité qu'elle fait figurer à l'en-tête de son papier à lettre un Historique rédigé comme suit :
En 1912, ce texte est devenu, sous le titre Résumé historique :
L'en-tête de 1911 occupe plus de la moitié de la page ! Et la moitié inférieure est en partie occupée par la reproduction de 4 articles d'Obligations, parmi lesquels celui qui est l'objet du conflit en cours avec le Grand Orient :
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Cependant le Grand Orient prétendit corriger les Rituels de la Loge, qu'il jugeait insuffisamment laïcs, et en éliminer certains éléments alors que la Loge les considérait comme des bases intangibles du RER. La Loge se sépara alors du Grand Orient pour fonder en 1913, avec la Loge bordelaise Anglaise 204 (médaille ci-contre), la Grande Loge Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies Françaises, qui allait aussitôt être reconnue par Londres et qui deviendrait en 1948 l'actuelle Grande Loge Nationale Française (GLNF). On lira avec intérêt, sur ce sujet, un intéressant article du blog Mémorial 14-18. Mais en 1958, considérant que celle-ci manifestait de l'hostilité au RER, le Centre des Amis prit la tête d'une scission sous le nom de Grande Loge Nationale Française Opéra, Obédience qui en 1982 allait se rebaptiser Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra (GLTSO) et où le RER est largement majoritaire. |
Médaille du bicentenaire, en tant que Loge n° 1 de la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra |
Une de nos sources pour cette page est le n° spécial de la revue Epistolae Opera de la GLTSO paru en avril 1989 et portant le n° 10.