La Lumière, cantique d'adoption
En cliquant ici (midi) ou ici (MP3), vous entendrez l'air de la Clé du Caveau
La première édition que nous connaissions de ce cantique est en juin 1785, aux pp. 472-3 (reproduites ci-dessous) d'une publication profane, le Journal encyclopédique publié à Bouillon. Il y est intitulé La Lumière, cantique d'adoption sur l'air Yseult et mes Amours et l'auteur y est désigné comme M. de Miramond, de la Loge de Mars et Thémis à Paris, qui, dans une note de bas de page, raconte lui-même la genèse de la chanson.
C'est un de ces aimables et inoffensifs marivaudages, bien dans le style XVIIIe, qui faisaient florès dans les Loges d'Adoption mais qui ne manquaient pas de scandaliser certains contempteurs.
Dans le chansonnier maçonnique du XVIIIe siècle, est très souvent développé le thème selon lequel, dans les Loges d'Adoption, plutôt que les intrigues amoureuses dénoncées par leurs adversaires, est censée seule régner la plus pure et vertueuse amitié fraternelle ; sur cette opposition entre l'amour et l'amitié, voir par exemple ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici. On lira avec intérêt l'article de Marie-Anne Mersch, L’amitié, prelude de la fraternité dans les loges d’adoption du XVIIIe siècle, paru dans le n° 84 (n° 2018/2) de La chaîne d'Union. Cet article développe ce thème, non sans manifestement s'inspirer de nombreuses données puisées au présent site. Une question de moralité A la fin de ce siècle, le débat sur la moralité de ces Loges d'Adoption a en effet agité la société profane et profondément divisé les maçons : pendant que certains d'entre ceux-ci s'extasiaient sur l'exemplaire décence de leurs moeurs, d'autres se scandalisaient en y voyant une militance en faveur du libertinage. C'est le cas du rigoriste François Billiemaz qui, dans la préface des Francs-maçons plaideurs en 1786, attaque à la fois le principe même des Loges d'Adoption et leur moralité :
La question rebondira à la fin du siècle suivant suite à la naissance d'une maçonnerie mixte. |
On retrouve le même texte, sous le titre Couplets chantés à la Loge des Neuf Sœurs, par M. de Miramond, le jour de son adoption dans cette Loge, mais sans mention d'air, aux pp. 268-9 d'une édition 1790 (mais ne comprenant que des textes datés de 1785) de la Correspondance secrète, où il n'est pas daté mais intercalé entre deux documents datés de juillet 1785. A noter que nous n'avons trouvé aucune autre trace d'une présence de Miramond aux Neuf Sœurs.
Le cantique figure, avec l'intitulé La Lumière, cantique d'adoption mais sans nom d'auteur ni mention de Loge, aux pages 61-2 du chansonnier de la Paix Immortelle. L'air mentionné est ici Isaule et les Amours (mais dans les errata en fin de volume, il est mentionné que Isaule doit être remplacé par Isaure).
On le trouve également (pp. 117-9) à la Lyre maçonnique pour 1809, avec le même titre, le même air, un air alternatif (des Triolets) en supplément, et l'attribution au Frère de Miramond.
On le retrouvera en 1820 (pp. 133-4) dans le recueil Le Banquet maçonnique de Gentil avec ces mêmes mentions (mais l'air Isaule et les Amours est ici désigné comme Iseult et les Amours).
Le premier couplet sera reproduit en 1827 (p. 234) à l'ouvrage Morale de la Franche-maçonnerie de Bazot (qui l'a trouvé dans la Lyre 1809).
Le cantique se retrouvera encore (pp. 195-6) à la Lyre des Francs-maçons de 1830.
Voir ici sur l'air.
Louis-Jacques de Miramond, né en 1748, ancien garde du corps et homme de lettres, est donné par Le Bihan (ces données sont reprises au fichier Bossu) comme membre de la Triple Harmonie en 1773 et de Mars et Thémis en 1784-88. Nous n'avons pas trouvé sur lui d'autres données biographiques, sinon le fait qu'en 1792, à l'âge de 44 ans, il était secrétaire du théâtre Feydeau selon, par exemple, ce document :
C'est à ce titre de secrétaire du théâtre Feydeau que nous en trouvons encore une trace (c'est la plus récente que nous ayons pu repérer) en l'an VIII. On le trouve d'ailleurs également mentionné ici (ce qui est équivalent) comme Secrétaire général du Théâtre de Monsieur pour la saison 1791-92. On trouve d'autres chansons de Miramond à la Lyre maçonnique en :
La plupart de ces compositions datant certainement du XVIIIe siècle, rien n'assure que Miramond - s'il était toujours vivant - ait été actif en maçonnerie au XIXe. Dans les Etrennes d'Apollon, on peut trouver des oeuvres (profanes) de Miramond : |