Consécration du premier Temple des Amis Philanthropes
La Loge bruxelloise des Amis Philanthropes fut constituée le 17 février 1798. Dès la même année, elle inaugurait son propre Temple. La Planche tracée de l'inauguration de la Loge des Amis Philanthropes, le 1er décembre 1798, relate cette cérémonie. Elle a été imprimée par le Frère Gaborria, imprimeur des armées, qui était Maître des Cérémonies de la Loge. Elle avait été rendue consultable par la Bibliothèque Royale de Belgique, mais ce n'est plus le cas ; on en trouve cependant des extraits dans le volume 1 (pp. 122-136) du Miroir de la Vérité d'Abraham, qui a souligné avec émerveillement le lustre dont cette cérémonie avait été entourée. Quoique constituée depuis moins d'un an, la Loge était déjà très prospère à ce moment : outre 21 artistes de l'Harmonie, 4 servants et 3 servants-adjoints, 124 membres étaient présents. Ce document, au carrefour de deux siècles, présente quelques intéressantes particularités :
Le Temple en question était l'ancien couvent des Carmélites sis à l'angle de la rue des Sablons et de la rue de l'Arbre, vendu en 1796 en tant que bien national à un membre de la Loge qui le recéda en 1816 à un trio d'autres membres.
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Cette Planche tracée donne notamment le détail des 8 inscriptions gravées dans des cartouches aux murs de la salle du parvis, textes qui donnent un intéressant aperçu de ce qui à l'époque peut être considéré comme formant les bases de la morale maçonnique. En fait, à l'exception de la 4e, ces 8 maximes sont tirées, parfois littéralement, du code moral maçonnique adopté en 1782 par le Convent de Wilhelmsbad. Voici ces maximes (nous faisons suivre chacune de sa référence dans la Règle, sous forme article-paragraphe) :
La cinquième de ces maximes, l’univers est la patrie du Maçon, & rien de ce qui regarde l’homme ne lui est étranger, évoque la célèbre maxime de Térence, Homo sum, humani nihil a me alienum puto (je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger) et annonce un intérêt pour les sujets considérés comme profanes, qui deviendra bientôt une des caractéristiques de cette Loge. Il est à noter qu'on retrouve ces 8 maximes à la p. 427 de L'Univers maçonnique, dans un article intitulé Description de l'intérieur et extérieur d'une Loge belge. |
On voit à ce tracé que la musique fut d'emblée mise à l'honneur dans cette Loge. Il est notamment rapporté que l'harmonie a exécuté successivement les airs suivants :
Quand le bien aimé reviendra : il s'agit d'un air de Nina, ou La folle par amour (1786) de Dalayrac
la brillante ouverture de la bataille de Gemmappes (La Bataille de Gemmapes et la prise de la ville de Mons est une oeuvre de Georg-Friedrich Fuchs en 1793)
la Marche des francs-maçons du Frère Boutmy
(à deux reprises) le quatuor de Lucile, Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille ?
(à deux reprises également, la première pendant la présentation du tronc des pauvres et la seconde après la 6e santé) l'air naïf et touchant de La fête des bonnes gens
l'air A l'amour livrons nos coeurs de la Belle Arsène (de Favart et Monsigny).
De nombreux textes ont également été chantés.
Au cours de la cérémonie, ce fut (pp. 19-20), après un vivat au Grand Architecte, l'hymne du Frère Bidault, nouvellement initié.
Mais c'est surtout au cours du banquet que le chant fut mis à l'honneur :
après la 1ère santé (celle de la République française et de la prospérité de l'état), une hymne composée par le Frère Bidault en l'honneur de la République (p. 29)
après la 3e santé (celle du Vénérable), le Frère Legret a chanté (p. 30) 3 couplets de sa composition, avant que soit interprété (pp. 30-1) un cantique sur des paroles du Frère Bidault et l'air du Trio de Félix
le Frère Legret a également accompagné de ses couplets les santés qui ont suivi :
un couplet (p. 31) après la 4e (celle des Surveillants)
un couplet (p. 32) après la 5e (celle des Visiteurs)
un couplet (p. 32) après la 6e (celle des Frères de la Loge-Soeur des Vrais Amis de l'Union, présents au nombre de 85)
un couplet (p. 33) avant la 7e (celle des Frères de la Loge, commandée par l'Orateur des Vrais Amis de l'Union)
deux couplets (pp. 33-4) après la 8e (celle des soeurs maçonnes et du sexe en général)
un couplet (p. 34) pendant la 10e (celle de tous les maçons répandus sur la terre, à laquelle ont été appelés à se joindre les frères zélés - i. e. les servants)
après le traditionnel cantique de clôture entonné par le Vénérable, un dernier couplet (qui rappelle un peu le cantique dédicatoire du Troubadour franc-maçon) pendant le baiser de paix final.
Sous le titre Cantique chanté au banquet le jour de l'inauguration de la Loge des Amis Philanthropes, le Frère Legret a regroupé les divers couplets chantés par lui pour accompagner les santés (à l'exception de celui pour la 6e, trop spécifique) dans ses recueils Le Troubadour franc-maçon (pp. 5-7) et Mon portefeuille (pp. 150-2). |
il y eut pendant le banquet encore d'autres interventions chantantes ; on a entendu :
le Frère Lequime, Apprenti nouvellement initié
le Frère Lannoi, Maître
Le Frère Béguinot, général de brigade, dont la voix forte et terrible a si souvent commandé la victoire et qui a fait entendre cette même voix, aujourd'hui sonore et flexible, pour exprimer les sentiments de la plus vive fraternité, qui éclatent dans cet ancien hymne maçonnique Etre discret, sage et prudent, etc. (ndlr : il s'agit probablement de celui-ci).
A l'occasion du 3e anniversaire de cet événement, Legret, à ce moment Orateur, prononça un discours, qui a été reproduit par lui aux pp. 10-15 du Troubadour franc-maçon et 155-62 de Mon portefeuille. Il y donne quelques intéressants détails qui ne figurent pas au Tracé ci-dessus, et cite notamment 4 vers chantés par l'Orateur en guise d'invocation au Grand Architecte. |